Le détroit du Pas-de-Calais, funeste et ininterrompu passage des migrants
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Suite au naufrage du 24 novembre qui a coûté la vie à 27 personnes, une enquête judiciaire est en cours pour éclaircir les circonstances du drame et déterminer l’identité des victimes. Pour autant, Le Monde relate des témoignages de rescapés ou d'un bénévole associatif laissant planer le doute sur « une négligence » ou un défaut de coordination entre la France et l’Angleterre. Ainsi Rafael Cuzin, de permanence au téléphone d’urgence d’Utopia 56, explique-t-il : « Il nous a dit que les deux numéros se renvoyaient la balle. » Et dans un entretien vidéo accordé au média kurde Rudaw, Mohammed Shekha Ahmad, l’un des deux rescapés, raconte : « Nous avons appelé la police française […] puis nous avons envoyé notre localisation et ils nous ont dit : “Vous êtes dans les eaux anglaises, appelez les Anglais”. Nous avons appelé les Britanniques. Ils nous ont dit d’appeler les Français. »
Malgré l'important dispositif déployé par la France au cours de cette opération de sauvetage, le bilan humain est dramatique. L’occasion, pour la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, de rappeler dans un communiqué la dangerosité de ce secteur : « C’est une des zones les plus fréquentées au monde, les conditions météorologiques y sont souvent difficiles (120 jours de vent supérieur ou égal à force 7 en moyenne annuelle par exemple). »
Des embarcations de fortune et un nombre de traversées qui explose
Des avertissements dont les passeurs font fi, et pour cause : cet événement tragique n’est que la partie visible de l’iceberg. En réalité, les opérations de sauvetage dans cette zone maritime sont régulières et nombreuses. Par exemple, dans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 novembre, le CROSS Gris-Nez [Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage, NDLR] est informé que de nombreuses embarcations tentant de traverser la Manche se trouvent en difficulté dans le détroit du Pas-de-Calais. 243 personnes en difficulté sont récupérées puis déposées à quai. 32 naufragés sont déposés au port de Boulogne-sur-Mer dans la nuit du 14 au 15 novembre. 44 dans la nuit du 15 au 16. 22 dans la nuit du 16 au 17. 28 dans la nuit du 17 au 18… Et ainsi de suite, en témoignent les nombreux communiqués de la préfecture. En 2020, 15.000 migrants avaient tenté la traversée, et un peu plus du double l'année suivante, selon France Info : « Entre le 1er janvier et le 20 novembre 2021, ce sont quelque 31.500 migrants qui ont entrepris cette dangereuse traversée et 7.800 qui ont été secourus. » Les secouristes expliquent à France Info avoir tout vu : « Des Zodiac™ flambant neufs aux “radeaux bricolés”, en passant par les canoës-kayaks. » Guillaume Gatoux, patron de la SNSM à Boulogne-sur-Mer, témoigne à la radio : « Certains migrants ont tenté la traversée dans une piscine de jardin gonflable. D'autres ramaient avec des pelles. »
Alors, avant d’accuser la « négligence » ou le manque de coordination des sauveteurs côtiers confrontés à des tentatives irresponsables, ininterrompues et en augmentation croissante, rappelons cette exhortation du cardinal Sarah sur Boulevard Voltaire. Il implorait de lutter contre le mal à la racine : « On présente à ces jeunes l'Europe comme l'Eldorado, on leur dit qu'ils auront tout, alors que ce n'est pas vrai. Et enfin, on ne réagit pas contre les passeurs qui profitent de leur naïveté et les font succomber en pleine mer. »
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