Le Festival d’Avignon n’aura pas lieu
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On avait tremblé déjà lors des municipales de 2014 lorsque, face à la menace de l’élection à la mairie d’Avignon d’un candidat du Front national, Olivier Py avait annoncé son intention de déporter le festival dans une autre ville. Sans doute avait-il prévu, aussi, le démontage et le remontage du palais des Papes dans la ville choisie pour devenir l’un des hauts lieux de la résistance au fascisme ? Finalement, une socialiste l’ayant emporté, le festival avait bien eu lieu à Avignon.
Mais cette année, la nouvelle vient de tomber, et c’est du sérieux. À l'instar de la guerre de Troie de Giraudoux, le célèbre auteur des années 30, le Festival Py d’Avignon 2020 n’aura pas lieu.
Et l’on imagine la consternation légitime de tous les spectateurs maso-culturels, qui viennent tous les ans y admirer les merveilles choisies de l’art ministériel : pédagogues différenciés, cultureux divers et variés mais toujours de gauche, bobos multiples, professeurs d’art dramatique branchés, comédiens en herbe, verte ou jaunie. Tous, face à ce coup d’arrêt donné au progressisme scénique et à l’innovation conforme, ne manqueront pas de s’en désoler, de même que le critique du Monde « Libéré » par Télérama.
Consternation que je partage également, et plus grande encore, car je m’étais habitué, tous les ans, voire même je l’attendais avec une certaine impatience lorsque approchait le mois de juin. La lecture de la programmation du Festival Py d’Avignon, avec ses thématiques subliminales ou annoncées à grand renfort de clairons sous les murs du palais des Papes, me procurait une franche rigolade : lutte contre l’extrême droite et le populisme, évocation des années 30 et de la montée du nazisme, résurgence du racisme, glorification de l’Europe des six, des neuf, des douze, des dix-neuf, des vingt-quatre et des vingt cent mille ânes dans un pré, réflexion sur le genre, le cisgenre, le transgenre, le genre et demi, le genre approximatif, ou sur l’homosexualité, la bisexualité, la tri-sexualité, la multi-sexualité, la trans-sexualité, la lutte contre l’homophobie, la LGBTphobie, la transphobie, la cacophobie, celle contre la monogamie facho-réactionnaire et le mâle hétérosexuel monogame... Tout cela enrobé, empaqueté, entortillé, emberlificoté dans un panel garni de spectacles ministériels et de mises en scène toutes plus audacieuses, iconoclastes, bien-pensantes et subventionnées les unes que les autres, avec tournées garanties dans tous les centres dramatiques nationaux et les scènes nationales, à l’intention des bobos culturels qui ne les auraient pas encore vues. Cette programmation me procurait, par sa simple annonce, et bien que sérieuse comme un pape, les plus grands fous rires de ma vie, à égalité avec certains films de Laurel et Hardy.
Hélas, en cette année 2020, ce monument burlesque de conformisme ministériel n’aura pas lieu. Et, pour pouvoir rigoler un bon coup, j’en suis réduit à imaginer ce qu’il aurait pu représenter cette année à l'élite des heureux élus, avec l’argent du contribuable populiste qui n’y met jamais les pieds : une nouvelle Énéide dont le héros est un migrant venu d’Afrique sur un canot pneumatique ? Une adaptation des œuvres philosophiques de Sartre pendant huit heures en langage existentialiste sous-titré ? Un Roi Lear pédophile et incestueux qui poursuit ses filles pour les violer, croyant qu’elles sont encore mineures ? Un Misanthrope confiné dans un sous-marin atomique à cause du virus de la coqueluche culturelle et prêt à lâcher sa bombe sur l’humanité ? Une Bérénice noire et lesbienne, victime d’intersectionnalité, et qui aime Titus parce qu’elle croit qu’il a choisi d’être une femme et qu’on va empêcher de devenir le premier empereur de Rome, parce qu’on ne veut pas admettre qu’elle est un homme ? Ou bien un ensemble de trois spectacles joué par des femmes traitant de problèmes de femmes, pour un public de femmes, et intitulé « Pack femmes » ?
Oui, ma consternation est incommensurable. Espérons qu’en 2021, le Festival Py d’Avignon reviendra, encore plus drôle et générateur de fous rires pour le public populaire - aujourd’hui devenu populiste - auquel Jean Vilar l’avait en principe destiné.
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