Le football, ce veau d’or : même mon curé s’y met !
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Je fais partie de ceux qui détestent le football. Non que ce jeu soit plus idiot qu’un autre ; après tout, de nombreux sports consistent à courir après une balle. Et je regarde avec plaisir mes fils taper dans un ballon en poussant des cris de joie. Mais le football est devenu une religion, qui plus est quasi obligatoire, et cela m’est insupportable.
Il est impossible d’y échapper. Chaque jour, les chaînes d’information continue y consacrent au moins quelques instants. Chaque week-end, les mêmes stations diffusent de longs commentaires, des analyses, des interviews. Nul n’ignore qui sont les joueurs, leur pedigree, leurs revenus et leurs frasques. Même mon curé s’y met ! Passionné, il n’a pas manqué, ces dernières semaines, de nous faire part de son enthousiasme ! C’est une véritable saturation.
Certes, d’aucuns diront que les joueurs de 2018 sont plus sympathiques que leurs prédécesseurs, qu’il y a moins de voyous dans l’équipe et qu’après tout, cette Coupe du monde permet un rassemblement collectif autour d’une certaine forme de patriotisme. D’autres se réjouiront de voir une marée de drapeaux français déferler dans nos rues. Pauvre patriotisme, réduit à acclamer quelques joueurs millionnaires à peine capables, sauf exception, de prononcer une phrase qui ne soit émaillée d’une faute de syntaxe…
Notre société a rangé Dieu au magasin des vieilleries. Orpheline, elle se livre tout entière à cette adoration d’un dieu nouveau. Le dieu football a remplacé celui des chrétiens, et fait même concurrence à celui des musulmans. Cette religion nouvelle est profondément intolérante : celui qui n’y adhère pas est ostracisé, parfois insulté, toujours regardé avec un peu de méfiance : qui est ce pisse-froid qui refuse de se réjouir avec le peuple de la victoire de son équipe ?
Cette religion est avant tout celle de l’argent. Le caractère indécent des salaires de joueurs, le prix de leur transfert d’un club à un autre sont une insulte à tous ceux qui vivent petitement et craignent, chaque matin, de perdre leur boulot. Mais il paraît que le spectacle leur procure du rêve. Sans doute autant que l’opium des populations asiatiques. Le football donne raison à Marx : cette religion est l’opium du peuple.
Monsieur Macron, dont les sauts de cabri ridiculisent la fonction présidentielle, ne manquera pas de décerner à ces joueurs la Légion d’honneur. Nul besoin de s’étendre sur la manière dont cette distinction est galvaudée. Un joueur, au moins, la mérite. Celui qui a osé déclarer : "Je pense surtout aux combattants de la guerre qui la méritent plus que nous." Honneur à ce Giroud, qui fait preuve d’une belle lucidité dans ces moments de délire. Oui, nos soldats qui risquent leur vie pour une solde modeste la méritent. Nos policiers épuisés par les heures supplémentaires accumulées. Nos pompiers caillassés par les racailles de banlieue. Nos médecins saturés, dont certains persistent à soigner dans des quartiers invivables. Sans compter tous les petits, les sans-grade, qui accomplissent dans l’anonymat le plus complet leur devoir d’état. Les mères de famille, les hommes et les femmes de notre pays qui ont fait cette nation, génération après génération. Ceux dont les ancêtres paysans se sont fait massacrer dans la boue des Flandres.
La France, c’est cela. Un peuple qui s’égare parfois, se laisse aller et adore se diviser contre lui-même. Mais un peuple qui, depuis quinze siècles, a travaillé sans répit pour faire de cette terre le jardin qu’on découvre en le survolant, la collection de merveilles que nos plus humbles villages recèlent en leur cœur, la littérature et les arts qui l’embellissent. Les morts dont le sang a coulé pour la patrie.
Cette folie autour d’un match de football passera, comme tout ce qui est éphémère. Et, avec bonheur, je continuerai à contempler nos jardins, nos forêts, notre terre et notre culture ancestrale. Cette France profonde qui reste, et qui restera, n’en déplaise aux adorateurs du veau d’or.
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