Le Gabon et le Togo rejoignent le Commonwealth : un camouflet pour la France ?
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Ce 25 juin, le Gabon et le Togo, francophones, ont rejoint le Commonwealth, anglophone. Entre francophobie orchestrée et anglomanie intéressée, y voir un camouflet pour la France serait réducteur de choix plus complexes par leurs motivations, plus simples par leurs intentions.
Habitude autocratique traditionnelle au sein de l’Union africaine, confortée par l’exemple peu démocratique de l’Union européenne, les peuples concernés n’ont pas été consultés dans ce choix de société. Comme à Paris et à Bruxelles, les élites politiques et sociales africaines, attirées par les sirènes de la mondialisation, se méfient de leurs populations jugées rétives au progrès.
Or, il ne s’agit pas de quitter une zone francophone pour adhérer à une autre, anglophone. Le Commonwealth a substitué à un Empire britannique finissant, au lendemain de la Première Guerre mondiale, une « communauté de nations ». Association d’intérêts économiques sans ingérence politique ni allégeance à la Couronne britannique, elle s’implique aussi, et de plus en plus, dans les questions sociales et environnementales. Regroupant désormais 56 pays, dont 21 africains (parmi eux, 7 francophones), elle n’a pas d’équivalent francophone.
En effet, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF, 88 membres, dont plus de la moitié ne sont pas francophones) est de nature différente. Personne morale de droit international créée en 1970, elle a pour mission principale de promouvoir la langue française (321 millions de locuteurs, 5e langue mondiale) ainsi que la paix, la démocratie et les droits de l’homme – beaucoup moins en vogue en Afrique. L’OIF s’implique aussi, et de plus en plus, dans la diplomatie économique, concept dirigiste qui fait florès dans des pays étatistes comme la France et de nombreux pays africains où la puissance publique, autoproclamée providentielle, est omniprésente.
Il s’agit donc, pour le Gabon et le Togo, ancienne colonie et ancien territoire français jusqu’en 1960, d’adhérer à un groupement d’intérêts dont l’anglais est le vecteur principal d’intégration économique (Commonwealth, « richesse commune »), tout en restant rattachés à une aire d’influence dont le français reste un ciment fragile de cohésion culturelle. Cette adhésion pragmatique représente, pour ces deux petits pays qui ont atteint leur taille critique de développement au sein d’espaces régionaux qui les étouffent, l’occasion d’accéder à une clientèle de 2,5 milliards d’anglophones, dont 32 pays sont de taille inférieure à la leur.
Coïncidence plutôt que hasard, elle se concrétise alors que la France y est de plus en plus violemment décriée par des opinons publiques manipulées. Les appels repentants et électoralistes d'Emmanuel Macron à la communauté de destin entre la France et les pays africains, son affirmation surréaliste selon laquelle « l'épicentre [du français], aujourd'hui, n'est plus sur ces rives de la Seine mais sans doute bien davantage vers le bassin du fleuve Congo », un Sommet Afrique-France démagogique comme tout rappel naïf de liens d’amitié entre les peuples discréditent la France auprès des Africains d’Afrique, qui s’en moquent car ils ne respectent que la puissance sonnante et trébuchante, de surcroît peu exigeante.
Au lendemain de la décision populaire (respectée en Grande-Bretagne) de quitter la bureaucratie européenne, les Africains, soucieux de leurs intérêts économiques, ont été vite rassurés par les diplomates britanniques évoquant le Commonwealth sur un mode de multilatéralisme bilatéral. D’autant plus que la fin du franc CFA, désigné avec inconséquence par Macron comme « oripeau du passé » colonial français, a été annoncée lors d’un coup de force communicationnel franco-ivoirien peu apprécié par les pays africains concernés, en décembre 2019.
Dans ces conditions, d’autres partenaires sont jugés plus crédibles et solvables, comme la Russie, la Chine et les États-Unis, aujourd’hui le Royaume-Uni. Ce jeu géopolitique à somme positive pour les économies africaines est une nouvelle étape de l’effacement relatif de la France en Afrique, dont on avait déjà pointé ici les raisons et les déraisons de son décrochage continu. Ainsi, le déclassement de la France sur la scène internationale se prolonge naturellement en Afrique. Les Africains sont déjà passés à autre chose, sans regret et avec profit.
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9 commentaires
Hélas cela ne changera pas la destination des immigrés parce qu’en France ils reçoivent plus que partout ailleurs.
« En même temps… » Comme dirait l’Autre, si cela permet que les émigrants de ces pays ne viennent plus en France. Par contre ce qui est certain c’est que Jospin sous Chirac a délaissé la FrancAfrique .
Espérons une chose positive de cet exil vers le Commonwealth, que les migrants décident de se diriger vers lui, en lieu et place de la France. Notre sécurité sociale s’en portera mieux et le pays aussi
Comment se fait il que ces africains continuent d’arriver en France .Combien d’argent la France a t’elle versé à l’Afrique durant des années .Argent qui n’a servi qu’à enrichir des chefs d’état vivant dans des palais rempli d’or alors que le peuple crie famine .Il serait grand temps de mettre fin à ces inepties et de renvoyer ces africains chez eux .
Tout ce qui fit la puissance politique africaine de notre pays a été détruit par la gauche. Et ce n’est pas la repentance qui arrange ce déclin, au contraire elle l’accentue par ce rapport du fort au faible qui se comble. Macron s’agite mais tel une éolienne il brasse du vent et produit peu et mal.
Un signe de plus de l’hégémonie anglo-saxonne à laquelle Poutine s’oppose avec intelligence… La France a depuis longtemps déposé les armes.
Apparemment , plus la France se retire d’Afrique, plus les africains viennent en France.
Il y a un côté « je t’ aime , moi non plus ».
Le frexit, sortie de la France d’Afrique, semble avancer en tout cas , de même que le Commonwealth progresse. Progression peut être effet du Brexit, non ?
« Apparemment , plus la France se retire d’Afrique, plus les africains viennent en France. » Ils font le choix rationnel de prendre de la France ce qu’elle leur offre…
C’est le fruit du travail de Mitterrand + Hollande et surtout Macron