[LE GÉNIE FRANÇAIS] Fabuleux La Fontaine

Rien ne sert de courir… Il ne faut pas vendre la peau de l’ours… Montrez-moi patte blanche… Pas besoin d’énoncer la suite. Tout le monde reconnaît immédiatement ces expressions tellement usitées ; il y a pourtant une histoire derrière chacune d’elle, avec un lièvre, une tortue, un ours, deux compagnons, un loup, une chèvre et un chevreau, et surtout trois fables pleines de charme écrites par La Fontaine, le philosophe le plus populaire de tous les temps. Ces mots et leurs morales ont traversé quatre siècles sans prendre une ride.
Allons plus loin et jouons !
Testez encore votre mémoire et vos connaissances avec quelques fables choisies parmi les plus savoureuses, sur les 240 qu’il a écrites ! Saurez-vous donner leurs titres ? Les solutions se trouvent à la fin de cet article : L’ours glosa sur l’éléphant, dit qu’on pourrait ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles(1)*… Je plie mais ne romps pas(2)… C’est double plaisir de tromper le trompeur(3)… On a souvent besoin d’un plus petit que soi(4)… Le plus âne des trois n’est pas celui qu’on croit(5)… Il sonne la victoire, va partout l’annoncer et rencontre en chemin l’embuscade d’une araignée(6)… Adieu veau, vache, cochon… Je suis gros Jean comme devant(7).
Son œuvre est une des plus originales
La littérature française est considérée comme une des meilleures au monde, grâce à une dizaine de grands auteurs dont Victor Hugo, Molière et son ami, ce génial conteur qu’est Jean de La Fontaine, dont les œuvres sont étudiées en Europe, en Amérique et en Asie. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a récemment déclaré que le français pourrait être la langue la plus parlée dans le monde, d’ici 2050, parce qu’elle plaît. Et La Fontaine en est un des grands promoteurs. Comment ? À travers ses fables.
Citadin autant que campagnard…
Jean de La Fontaine (1621-1695) possède un talent hors du commun. Mondain, solitaire et rêveur à la fois, il aime autant Paris et ses salons que sa campagne de Château-Thierry, à cent kilomètres, où il observe la nature et les animaux. Ni rebelle, ni révolutionnaire, il fréquente tous les milieux sociaux, qu’il croquera toujours avec bienveillance, sans les juger – il le dit : je suis comme eux –, en personnifiant nos amies les bêtes pour parler des artisans, des paysans, des bourgeois, des aristocrates ; et de la cour et du roi ! Cultivé, il aime jouir des plaisirs de la vie en homme libre. Un peu trop, sans doute, comme nous l’allons voir tout à l’heure !
Auteur engagé et courageux, il a des convictions et des amitiés solides qui l’incitent à oser défier le roi. Il se rattrapera à la première publication de ses Fables, en 1668, qui seront dédicacées au jeune dauphin, fils de Louis XIV.
… mais plus cigale que fourmi
Le poète se révèle sans doute « beaucoup plus cigale que fourmi ». Malgré l’énorme succès de ses fables et son élection à l’Académie française acceptée par Louis XIV, il accumule les dettes et doit vendre tous ses biens.
Son puissant mécène, le ministre Nicolas Fouquet, a été condamné il y a belle lurette par le roi pour corruption. Hélas, le droit d’auteur n’existe pas encore, « c’est là son moindre défaut ! » Et la grande amie et protectrice de « [son] Jean », Madame de La Sablière, n’est plus de ce monde. Ainsi, le grand fabuliste mourra seul dans la misère en demandant pardon autour de lui pour ses propres faiblesses et pour ses fautes.
Fabrice Luchini nous met l’eau à la bouche
La Fontaine n’aimait ni les écoles ni les maîtres. Il le montre avec humour dans plusieurs fables, dont celle de L’Enfant et le Maître d’école : ce dernier fait la morale à son élève en train de se noyer, au lieu de se précipiter pour le sauver ! À l’inverse, l’école apprécie depuis toujours ces poésies qui jouissent d’une place incontournable dans les programmes scolaires, car les enfants y découvrent toutes les facettes de l’âme humaine.
Celui qui en parle le mieux, aujourd’hui, est sans nul doute le génial Fabrice Luchini, qui sait régaler les oreilles autant que les esprits et les cœurs. Pour lui, c’est souvent adulte qu’on découvre le charme fou des vers qu’on a appris enfant.
La voix et les intonations de Louis de Funès
On peut également se procurer les enregistrements de Louis de Funès, qui nous fait savourer La Fontaine par sa voix et ses mimiques inimitables. Ainsi, Le Petit Poisson et le Pêcheur, avec la fameuse morale « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».
Ésope, le plus ancien des fabulistes
Les fabulistes existent depuis 2.500 ans. La paternité de la fable, du latin fabula (« légende »), est attribuée à Ésope, auteur grec (VIIe et VIe siècles avant J.-C.) dont s’est inspiré essentiellement La Fontaine. La fable, par essence, est un court récit qui illustre une leçon de vie en utilisant l’humour et en mettant (souvent) en scène des animaux qui parlent comme des humains. Le but est de faire émerger une morale qui est écrite ou se devine. Elle incite à la sagesse, à la prudence, à la méfiance, surtout dans nos jugements.
Dans notre République malade de la peste
Si La Fontaine revenait dans notre société où les valeurs sont inversées, où les voyous sont trop souvent excusés, où les juges sont parfois devenus la Cour suprême à la place du peuple, le fabuliste ne dirait plus « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » mais « Selon que vous serez de gauche ou de droite »… Ce n’est un secret pour personne.
*Solution. Titres des extraits des fables (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7) : La Besace ; Le Chêne et le Roseau ; Le Coq et le Renard ; Le Lion et le Rat + La Colombe et la Fourmi ; Le Meunier, son Fils et l’Âne ; Le Lion et le Moucheron ; La Laitière et le Pot au lait.

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23 commentaires
M. de La Fontaine ( il tenait à la particule qu’il s’était crée ) est plus que jamais d’actualité. Toujours, encore, et plus que jamais ! » Travaillez, prenez de la peine, un trésor est caché dedans ». » Ne faut-il que délibérer, la cour en conseillers foisonne ; Est-il besoin d’exécuter Il n’y a plus personne » ; bien sûr : » Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendrons blanc ou noir »… La belette craignant pour sa vie : « Moi, pour telle passer , vous n’y regardez pas. Qui fait l’oiseau, c’est le plumage. Je suis souris : vive les rats ! Jupiter confonde les chats ! Par cette adroite répartie, elle sauva deux fois sa vie ». Emouvant : » J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique. La ville et la campagne, enfin tout ; il n’est rien qui ne me soit souverain bien, jusqu’au sombre plaisir d’in coeur mélancolique »… Merveilleux Jean de La Fontaine !
Parler de Mr De LA FONTAINE c’est bon pour les vieux car avec le niveau des jeunes générations je ne suis pas certain que cela les inspire ?? Il faudrait demander à Mr DELOGU ?? Déjà qu’il ne connait pas Pétain pour les années 1940 alors pour celles de 1660 ???
Il est indispensable de se replonger de temps en temps dans les écrits de La Fontaine, tout comme certains de ses contemporains.
Merci pour cet excellent article monsieur de Quelen qui démontre qu’il fut une époque où la liberté d’expression, fut elle bien exprimée, n’entraînait pas la disqualification.
Si La Fontaine revenait, il ferait un tabac avec ses nouvelles fables. La lecture est à recommander à tout homme politique. Comme la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Une devinette « quel est l’homme politique qui a des ambitions énormes, qui veut ressembler à Jupiter ou à Napoléon ? ». À retenir que la grenouille à la fin devint si grosse « qu’elle en creva « .
Tiens, celle-là aussi : « un tien (la France) vaut mieux que deux tu l’auras (l’Europe) ».
Ajout avec le sourire.
Votre introduction colle tout à fait à la journée d’hier …
Comme vous voyez juste Monsieur de Quelen ! A imprimer, car vous réveillez notre mémoire !
Comme il se régalerait, notre cher de La Fontaine ! Nous aurions tant à lui donner !
Très bien.
Je me suis régalée à lire votre article.
Merci.
Les politicards feraient bien de relire le grand Jean de la Fontaine pour s’inspirer et prendre de l’humilité. Au sommet de l’état nous avons la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. Pour les assemblées, la Cigale et la fourmi et le renard et le corbeau. Et surtout aujourd’hui le loup et l’anneau. Ce dernier étant le peuple qui se fait dévorer .
Michel de Rostolan débute toujours ses émissions à RADIO COURTOISIE par une fable. J’ai fait apprendre à plusieurs enfants issus de l’immigration 2 ou 3 fables qu’ils me récitent lors de nos rencontres.
Ni usurpation, ni plagiat, Jean de la Fontaine s’en exprime lui-même dans la préface de ses Fables écrite au Dauphin :
« À Monseigneur le Dauphin,
« S’il y a quelque chose d’ingénieux dans la république des Lettres, on peut dire
que c’est la manière dont Ésope a débité sa morale. Il serait véritablement à souhaiter
que d’autres mains que les miennes y eussent ajouté les ornements de la poésie,
puisque le plus sage des Anciens a jugé qu’ils n’y étaient pas inutiles. J’ose,
Monseigneur, vous en présenter quelques essais … »
M’enfin ! Arrêtez ! Vous devriez bien savoir qu’il n’y a pas de culture française !!!
Excellent !
Usurpation ou plagiat.
Il a tout pompé sur Esode…
À notre époque c’est de suite au tribunal que ça finirait
De même que Corneille aurait bien lieu de récupérer une bonne portion des gloires de Molière !
Sans La Fontaine, personne n’aurait étudié Ésope à l’école, pourtant excellent. Et attention aux fautes de français : « tout de suite » ne supporte pas le raccourci « de suite » qui a un autre sens.
À remarquer que les auteurs s’inspirent les uns des autres, se copient, et pourquoi pas après tout ! L’esprit n’a pas de frontières. Les grands auteurs, c’est une chaîne d’intelligence qui s’amplifie, se fortifie, s’enrichit au cours des siècles. Que serait Montaigne sans Pascal à qui il doit tant, Victor Hugo sans Shakespeare, Proust sans Saint-Simon et sans Balzac, Maupassant sans Flaubert dont il a été l’élève surdoué, Houellebecq sans Schopenhauer et… Bayrou qui l’a inspiré pour son livre « soumission », etc.