[LE GÉNIE FRANÇAIS] Un exemple du génie français : Alain Delon

Tout a été dit, notamment dans ces colonnes, sur Alain Delon. Sa vie, son œuvre, ses films. Pourtant, un sujet mérite qu’on s’y attarde : en 1969, le New York Times avait élu Alain Delon « homme le plus beau de tous les temps ».

Évidemment, cela prête à sourire. Spontanément, on se demande ce que vaut une telle annonce. Elle demande des explications. D’abord, quels hommes peuvent être considérés comme les plus beaux de l’Histoire ? Afin de permettre un tel classement, il fallait déjà attendre l’invention - française - de la photographie ; puis, celle - aussi française - du cinéma pour observer ces hommes en mouvement. Cela ne remonte qu’à 130 ans !

Si l’on s’en tient simplement aux faits, il semble bien que la beauté d’Alain Delon ait fasciné le monde et que sa popularité soit planétaire : du Japon aux États-Unis, de la Russie à la Chine, le personnage a fait rêver des millions, voire des milliards de gens. Est-ce dû seulement à la qualité de ses films ? Quand on les interroge, pour eux, l’acteur incarne, au-delà de la beauté de sa personne, le chic français. Ce n’est donc pas une question purement physique.

La beauté d’une personne comprend le charme, le style, le mouvement, la démarche, la voix, la classe naturelle, l’élégance, l’aspect visible mais aussi invisible, l’un étant le reflet de l’autre. Bref, le côté typical French d’Alain Delon est apprécié à tous les coins du globe. On touche encore au génie français, car à travers l’homme, c’est aussi, pour ses admirateurs, la France qu’ils aiment et qu’il incarnait mieux que personne.

Selon les témoignages nombreux de ses amis et les confidences de femmes qui l’ont bien connu, Alain Delon cultivait une véritable hygiène de vie en étant d’une grande exigence pour lui-même et pour les autres. Il tenait à dire qu’il ne jouait pas ses rôles, il les vivait. Intègre, quels qu’étaient ses défauts, c’était un homme vrai. Il appartenait à l’ancien monde avec ses valeurs chevaleresques. « Honneur » était son mot préféré, répondit-il à Bernard Pivot, dans le questionnaire de Proust.

On imagine bien son inquiétude de décevoir, lui qui est monté au plus haut dans le regard des autres. Et c’est la tentation du détracteur ordinaire d’aller chercher les zones d’ombre chez celui qui a avoué avoir « fréquenté le grand banditisme tout en préférant les policiers, ceux qui nous défendent ».

La beauté apparente d’un homme semble tellement superficielle par elle-même qu’on oublie qu’elle cache parfois, autant qu’elle révèle, quelque chose de bien plus profond : la beauté de l’âme. La vie d’Alain Delon a dû se passer entre ces deux extrêmes. Et si tout le génie de l’acteur était là ? Il est en tout cas rare qu’une star de cinéma confie publiquement sa passion pour la Vierge Marie et qu’il possède une chapelle dans son jardin, où il a demandé à être inhumé.

Comme l’acteur français l’avait souhaité, ces mots d’Alfred de Musset seront gravés comme épitaphe sur sa tombe : « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. »

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