Le laxisme à l’école nuit d’abord aux enfants de milieux défavorisés

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Quand on entend, sur un plateau télé, Myriam Meyer, auteur de Wesh, madame ?! - Rires et larmes d'une prof de banlieue, raconter que l'une des consignes données aux correcteurs du brevet des collèges est que « si l’élève écrit "la" ou "l’a", cela n’est pas considéré comme une faute car il a eu l’idée du son », on se dit que l'Éducation nationale est tombée dans un tel degré de laxisme qu'il sera difficile de remonter la pente.

Suppression des compositions et classement depuis bien longtemps

Depuis Mai 68, sous l'influence de sociologues gauchisants et de chercheurs en éducation qui n'ont jamais enseigné devant une classe, avec la complicité active ou passive des ministres successifs, on a supprimé les classements et les compositions trimestrielles, on a progressivement donné le brevet et le bac à presque tout le monde, on a recommandé une notation indulgente, quand on ne l'a pas tout simplement remplacée par des lettres, des couleurs ou des émojis. Il ne faut surtout pas traumatiser les élèves ni les stigmatiser en leur donnant de mauvaises notes.

Les contempteurs des notes arguent généralement des différences de notation, d'un correcteur à l'autre, ou des idées préconçues qu'ils se font des élèves. Un chercheur en didactique a même inventé la « constante macabre » selon laquelle les enseignants, fût-ce inconsciemment, « s'arrangent toujours, sous la pression de la société, pour mettre un certain pourcentage de mauvaises notes ». La loi d'orientation de 2013 rappelle, pour sa part, que « les modalités de la notation des élèves doivent évoluer pour éviter une "notation-sanction" à faible valeur pédagogique et privilégier une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles ».

Il est vrai que la notation ne doit pas enfermer l'élève dans une médiocrité à laquelle il finit par s'habituer et tenir compte de ses progrès. Il appartient au professeur de justifier sa notation et de créer avec lui une relation de confiance. Mais « privilégier une évaluation positive » peut conduire à des excès, dont cette consigne de correction, citée par Myriam Meyer, est un exemple frappant. Ce sont les promoteurs idéologiques ou institutionnels de ce type de notation qu'il faut incriminer, non pas les élèves ni leurs parents, qu'on abuse par un tel laxisme.

Milieux défavorisés, premières victimes

Ce laxisme se retourne, en effet, contre les élèves, notamment dans les milieux défavorisés, et s'étend bien au-delà de la notation. Il découle de l'égalitarisme qui gangrène le système éducatif. Certes, on ne peut nier le poids des déterminismes sociaux, mais ce n'est pas en aplanissant toutes les difficultés ou en évaluant avec trop d'indulgence qu'on pourra les pallier. À cet égard, le collège unique est la plus grande imposture qu'on ait introduite dans le système éducatif. On commence à s'en rendre compte, mais celui qui ose le remettre en question voit aussitôt fondre sur lui la cohorte des bien-pensants.

Le JDD rapporte un autre témoignage de ce jeune professeur de banlieue, qui peut donner un peu d'espoir pour l'avenir : le cas d'une jeune élève qui affronte ses lacunes et s’enthousiasme de la découverte : « Je ne savais pas, Madame, qu’il y avait dans la langue française autant de mots que je ne connaissais pas. Alors je prends le dictionnaire et je les cherche. Et je comprends. – Et ensuite ? – Et ensuite, ils sont à moi, Madame. » Même dans les milieux défavorisés, un professeur qui garde foi en son métier, qui croit aux vertus de la transmission, peut sauver des élèves volontaires et travailleurs, à condition de ne pas renoncer à l'exigence. Les bons apôtres de l'égalitarisme les condamnent à l'ignorance.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

18 commentaires

  1. 1°) « si l’élève écrit « la » ou « l’a », cela n’est pas considéré comme une faute car il a eu l’idée du son » : OK, mais à condition que ce soit « son et LUMIERE ».
    2°) certes, il ne faut surtout pas traumatiser les élèves, mais il faut également que les élèves ne cherchent pas non plus à traumatiser les enseignants. Chacun à sa place et chacun dans son rôle.

  2. Tout à fait d’accord !! Il est naïf de penser que tous ont les capacités (curiosité, intelligence, puissance de travail) pour faire de grandes études. L’absence de sélection a mis l’ascenseur social en panne. Les réformes successives ont conduit à l’opposé : aucune exigence, tout le monde a le bac, puis un Master qui ne vaut souvent rien. C’est alors que ceux qui lisent, parlent à la maison, visitent des musées, acquièrent une culture et des compétences supplémentaires. Il faut au contraire sortir les élèves à potentiel issus de milieux modestes du groupe et les accompagner.

  3. Etonnamment, les professeurs de sport ( éducation nationale) savent sélectionnera pousser, manager les futurs Teddy Riner ou MBappe et les minots le mercredi et les samedi comprennent vite le sens d’être le meilleurs … et que ce passe t’il dans les lycées sportifs ?? la selection …

  4. Cela fait des décennies que l’école primaire ne rempli pas son rôle d’instruction de la lecture , du Français et des mathématiques , niveler par le bas , maitre mot des ministres de gauche !
    Il y a bien longtemps 40 /50 ans que les enfants intelligents et un peu plus que la moyenne sont mis au fond de la classe et doivent se taire , aucun intérêt ne leur est porté par le prof ! Donc ces enfants sont obligés d’apprendre seuls car ils sont « gourmant » d’apprendre , et tout doucement l’école de la république est devenue une institution où on leur apprend rien d’une instruction mais où l’on parle de politique , de transgenre et surtout des droits ( les devoirs du futur citoyen ? aucun ! )
    Devoirs , respect , punition , tout a été aboli et nous avons actuellement des enfants de réseaux sociaux incultes presque illettrés !!!

  5. Eveiller la curiosité et susciter l’envie d’apprendre ! quelle belle mission , quel enthousiasme ! Si quelques uns pouvaient relire « chagrin d’école », alors les cancres seraient entre de bonnes mains . Comme éducation , cela serait tout de même mieux que « la rue » et « le milieu » ou « France-chomage », anciennement ANPE …

    • Etymologiquement, le mot apprendre vient du latin « apprehendere » qui signifie : prendre, saisir, attrape. Les enfants viennent à l’école pour prendre quoi ? Pour saisir quoi ? pour attraper quoi ? Répondre à ces questions c’est exprimer le B-A = BA de l’instruction. L’éducation est donné de surcroît.

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