Le livre de l’été : La Guerre au français, de Marie-Hélène Verdier (4)
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Comme chaque année, à l’occasion de l’été, Boulevard Voltaire vous offre des extraits de livres. Cette semaine, La Guerre au français, de Marie-Hélène Verdier.
Or, il y a bien un lien entre le ventre de souveraineté et cette prise de pouvoir féministe sur la langue. Cela fait longtemps que le père est évincé de l’idée de famille. Et même l’homme, le mâle, se trouve au rang des accusés : il est hors champ. [...] On dégenre à tout vent.
À monde nouveau, langue nouvelle de la faisabilité et du marché. Les digues cèdent partout dans les mœurs. Un totalitarisme commence toujours par modifier une langue : on connaît le livre d’Orwell. Il se trouve que la langue française résiste particulièrement par son génie qui n’est pas malléable. Peu importe. L’important est que, peu à peu, l’idéologie chemine : il faut désexualiser la grammaire du monde.
La mondialisation a tourneboulé les esprits. Pour évacuer le problème identitaire, Patrick Boucheron, voulant déboulonner le roman national, dit que la France est une entité géographique. Mais, écrit Marcel Gaucher dans son livre L’Avènement de la démocratie, en voulant supprimer le problème identitaire, Boucheron ne fait que remplacer une identité par un autre projet identitaire : le multiculturalisme. Comme en 1990, les médias ont fait (font encore) croire que l’écriture inclusive est une décision régalienne. Le point médian deviendrait ainsi « point d’altérité ». Et tout cela émanerait du Haut Conseil à l’Égalité hommes femmes ! Pour ce Haut Conseil, ce point aurait "l’avantage d’éviter toute connotation négative, à l’inverse des parenthèses (qui indiquent un propos secondaire), de la barre oblique (qui connote une opposition), du E majuscule (qui peut penser que seules les femmes sont désignées !). Il prend aussi moins de place qu’un tiret." Quand on dit que l’on parle dans la langue de Molière, on n’a pas tort ! Le point fort d’une idéologie, c’est d’être si caricaturale qu’on la croit anodine ou « périphérique ». Ce « lettrage » est inventé pour créer et faire vendre de nouveaux ordinateurs et pour donner à manger au Moloch qu’est le marché mondialisé. La déclaration du Premier ministre du 21 novembre 2017 se conformant à l’édit de Villers-Cotterêts va-t-elle mettre un terme à cette attaque ? Rien n’est moins sûr.
[...]
Dans l’entretien du Point récent dont nous avons rendu compte, notre ministre de la Culture a dit son désaccord sur l’écriture inclusive, « en même temps » que son soutien à la cause féministe : il faut féminiser la langue française autant que faire se peut au nom de l’égalité. On se doute bien que les premiers à s’emparer de la chose inclusive, grands spécialistes de la langue devant l’Éternel par amour de la France, des Françaises et des Français, ce sont les hommes politiques. C’est Robert Hue qui employa, en 2002, l’expression "celles et ceux", largement relayée par Jacques Chirac.
Tout le monde, depuis, s’y est mis et même un « petit » candidat a écrit tous ses tracts en écriture inclusive.
En revanche, Benoît Hamon refusa de se plier à cette "identité mosaïque pour ne pas diviser les Français". Honneur à lui pour ce qualificatif. Et les syndicats de gauche de saluer dans l’écriture inclusive l’arme de la libération. On a même ramené, pour les besoins de la cause, sur le devant de la scène, Simone de Beauvoir et son engagement pour les femmes, vues comme les "figures du différent, de l’exception" ! À voir nos femmes partout, on apprécie la pertinence de la remarque. La droite, plus frileuse ou plus sage, se contente de l’écriture inclusive : "Les patriotes et âgé.e.s de moins de vingt-cinq ans." Il faudrait écrire : "Les patriote.e.s." Car, après cet âge-là, on n’est pas patriote, on est gâteux.
Bien entendu, le MEDEF n’est pas en reste et parle aux "entrepreneur.e.s". On voit l’intérêt de ce mouvement éminemment citoyen de nos élus : faire vendre de nouveaux claviers. Le Haut Commissariat à l’Égalité a déclaré en novembre qu’il n’est pas favorable à l’inclusive mais qu’il est favorable à la féminisation des mots à l’oral. On reste en haut lieu dans les clous académiques puisque l’Académie l’autorisait. En même temps...
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