Le livre de l’été : La Reconquête (13)

reconquete

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Europe 1, 10 heures

– Monsieur Wauquiez, bonjour.
– Bonjour, Madame Jouan.
– L’actualité du jour, c’est cette pétition qui a pris une ampleur effarante, on dénombre près de 200.000 signataires qui appellent Marion Maréchal à représenter la droite. Comment est-ce que vous réagissez à cet appel ?
– D’abord, Marion Maréchal n’est ni adhérente ni élue des Républicains que je représente…
– Oui, mais, excusez-moi de vous couper, ce sont bien des membres de votre parti qui ont lancé cette pétition.
– Je ne sais pas qui l’a lancée, ils sont nombreux, et ils en ont le droit, je ne le leur reproche pas, même si j’estime la méthode cavalière. Pour autant, je vous le répète, Madame Maréchal ne fait pas partie de mon parti et elle n’est d’ailleurs plus engagée nulle part. Je suppose que les autres dirigeants de partis seront d’accord avec moi sur ce point.
– Eh bien, écoutez, j’ai appris, il y a quelques minutes, que Marine Le Pen se retirerait peut-être de la course à la présidentielle. On l’écoute.

La voix de Marine Le Pen sortit des haut-parleurs :
« …si mes rivaux de droite en font autant, j’estimerai qu’il sera temps pour moi de laisser la place à une jeunesse talentueuse, ma nièce semble accepter ce challenge exceptionnel et avoir le soutien d’un grand nombre de patriotes. Je la soutiendrai donc de toutes mes forces et j’inviterai tous les membres du Rassemblement national à en faire autant. À la condition, vous l’avez compris, que Messieurs Wauquiez et Dupont-Aignan fassent le même choix. Je ne me désengagerai dans ce cas bien évidemment pas du parti dont je resterai présidente mais je ne me présenterai pas à la présidentielle. J’attends donc de savoir ce que feront Messieurs Dupont-Aignan et Wauquiez. L’union est plus que jamais nécessaire pour sauver notre pays face à l’invasion migratoire, à la perte historique de souveraineté et à l’attaque d’une agressivité inouïe de la mondialisation que subissent nos entreprises et nos travailleurs, nous verrons s’ils le comprennent aussi. » L’extrait s’interrompit. La journaliste reprit la parole.

– Qu’en pensez-vous, Laurent Wauquiez ?
– C’est son droit le plus strict, Marion Maréchal et Marine Le Pen ont des convictions particulièrement proches, elles sont issues de la même famille, au sens politique comme au sens propre, et je ne crois pas…
– Et vous, Laurent Wauquiez, êtes-vous proche de ces convictions ?
– Il y a, évidemment, des points de convergence mais les différences justifient largement que les Républicains existent par eux-mêmes, il est donc hors de question que cette jeune femme nous représente. Nous irons jusqu’au bout pour gagner cette présidentielle.
– Mais Laurent Wauquiez, votre place sur l’échiquier politique est-elle tenable ? Entre LREM qui reste proche de vos idées économiques et Marion Maréchal qui a la même vision que vous sur l’immigration et la sécurité, quelle place reste-t-il ?
– Madame Jouan, la question est plutôt de savoir quelle place il restera pour les autres quand je présenterai mon programme.

***

Voiture de Marine Le Pen

– Évidemment que je n’avais pas le choix. J’aurais jamais imaginé que ça prendrait une ampleur pareille ! Et les trois quarts de mon bureau étaient favorables à ce qu’on laisse la place à Marion.
– …
– Oui mais avec ma stratégie, je prends moins de risque. Aucune chance que Wauquiez se couche, idem pour Dupont-Aignan. Ils ont trop envie de tenter leur chance.
– …
– Je suis d’accord, Philippe, mais je n’avais pas le choix d’ouvrir la porte, sans quoi nos militants auraient été capables de me lâcher pour Marion, et ça, je ne l’aurais pas supporté. Soit Wauquiez se rallie, ce qui n’arrivera pas, et je serai obligée de le suivre, soit Marion refusera de se lancer. Je le sais de source sûre, les Natifs ont été malins de me pousser à proposer mon ralliement conditionnel, mais ça ne marchera pas, et j’en sortirai grandie.
– …
– OK, bonne journée et à ce soir, alors.
Marine Le Pen raccrocha et ouvrit une page Internet, elle actualisa. La page mit quelques secondes à charger, elle s’impatienta : « Allez, active-toi ! » Le nombre apparut : près de 330.000 signataires. Son estomac se contracta, elle se sentit mal. Avait-elle parlé trop vite ? À quel moment Wauquiez serait-il au pied du mur ? Quel nombre serait suffisant pour le faire changer d’avis ? Elle regarda son téléphone pensivement, elle commença à chercher son numéro dans son téléphone puis elle changea d’avis, le coupa et le posa sur la banquette. Elle serait vite fixée, de toute façon. Elle demanda à son chauffeur de la déposer chez elle, elle avait besoin de calme, et de ses chats.

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