Le livre de l’été : La Reconquête (25)

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Saint-Denis, six jours plus tard, à 6 h 59

Le général Legris fixait sa montre. À 7 heures, il devrait faire marcher ses troupes sur la ville de Saint-Denis. Il n’y avait eu aucun signe de vie depuis 5 h 25 du matin, des hélicoptères avaient survolé la zone et indiqué qu’il n’y avait plus de trace des belligérants. Avaient-ils renoncé ? Il en doutait, il connaissait ces fanatiques pour les avoir combattus au Mali et en République centrafricaine. La seule inconnue était la part de la population partisane d’un islam modéré qui suivrait les combattants. Le général était conscient que la majeure partie d’entre eux ne voulaient pas d’un islam radical, mais allaient-ils pour autant défendre la France ? Là aussi, il en doutait. Une partie non négligeable d’entre eux se joindrait probablement aux islamistes pour défendre l’islam contre les valeurs occidentales. Combien ? 20 % ? 30 % ? Il espérait moins. Sa montre afficha 7 heures. Il lança l’assaut sur la cité.

***

Palais de l’Élysée

Le chef d’état-major des armées parlait avec Marion Maréchal, le général de Villiers, Patrick Buisson, Alexandre et Robert Ménard. « On va atteindre les 50.000 morts d’ici ce soir, je pense. C’est au-delà de nos pronostics les plus pessimistes et cela fait moins de 48 heures que l’opération Reconquête a été lancée.

– Combien de victimes collatérales ? demanda Ménard.

– Difficile à dire, je table sur quelques centaines, probablement moins de 1.000. La bonne nouvelle se situe, en revanche, du côté du nombre de zones pacifiées : sur les 900 cités, 128 se sont rendues avant l’opération, 380 de plus sont désormais sous contrôle. Nous avons fait plus de la moitié du chemin. 350.000 habitants sont sous surveillance dans des camps de rétention en attendant de voir ce que nous faisons d’eux.

Marion prit la parole.

– Et la mobilisation des musulmans pacifistes, Robert ? Est-ce qu’on arrive enfin à trouver des musulmans en nombre suffisant pour condamner les islamistes ? Elle avait l’air épuisée, des cernes mangeaient son visage et ses traits étaient tirés.

– On rame, c’est très difficile pour eux de se positionner contre ceux qui agissent au nom du Coran. Ils sont en désaccord avec la façon de faire des extrémistes, mais il n’empêche qu’ils nous font comprendre qu’ils sont frères dans leur foi et qu’il leur est difficile de se positionner les uns contre les autres. Quelques collectifs se sont montés, mais ils sont quasiment inaudibles.

– Et les Natifs ?

– Ils sont à nos côtés mais ils ne peuvent rien faire de plus que nous fournir une aide bénévole qui est limitée.

– Bon. Et le reste de Français, qu’est-ce qu’ils pensent de tout ça ? Elle s’adressait, cette fois, à Patrick Buisson.

– J’ai lancé trois sondages. Il en ressort un clair soutien concernant l’action du gouvernement dans la reconquête et la pacification des cités. Le terme Reconquête est d’ailleurs plébiscité. Ce qui est moins clair, c’est l’adhésion des Français à la suite des opérations. Le cantonnement des rebelles dans des zones sécurisées est appuyé par 76 % d’entre eux. En revanche, la déchéance de nationalité pour tous ceux qui n’auraient pas quitté les cités dans le délai imparti n’est soutenue que par 46 %.

– C’est parfait, nous ne comptons pas en arriver là, tu le sais. En revanche, a-t-on testé les reconduites massives aux frontières ?

– Oui, là aussi, ils sont mitigés : 43 % ont répondu « plutôt favorable » mais autant ont répondu négativement. Nous allons devoir être prudents, les militants antifas et ce qui reste de l’extrême gauche veilleront à mettre le bazar si nous allons trop loin et trop vite.

– Général, dans quel délai pensez-vous pouvoir reprendre le contrôle du territoire ?

– Toute la question est de savoir si nous parviendrons à contenir l’incendie. Si jamais la guerre se répand en dehors des zones que nous avons identifiées, cela risque de mal tourner et nous perdrons des semaines. Dans le cas contraire, je pense que d’ici huit jours, 90 % du pays seront pacifiés.

– Alors, faites en sorte de contenir les émeutes.

Cette dernière phrase relevait plus d’une prière que d’un ordre. Elle se leva et alla à la fenêtre perdre son regard dans le paysage qui s’offrait à ses yeux.

– Je vois de moins en moins comment nous allons à nouveau pouvoir unir les Français. La rupture est d’une violence inouïe, la réconciliation va être longue, complexe. Il va nous falloir penser à l’après-crise.

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