Le manuel numérique à l’école : une révolution ou une régression ?

@kobuagency/Unsplash
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« Un manuel numérique, c’est aussi un sac allégé, un manuel qui ne sera pas oublié et des ressources interactives et ludiques pour vos élèves ! », peut-on lire sur le site de l'éditeur qui publia, jadis, les fameux Lagarde et Michard. Depuis quelques années, plusieurs régions fournissent aux lycéens des ordinateurs et des manuels numériques ; on ne jure plus que par le numérique. Pourtant, on commence à remettre en question ces pratiques. C'est ainsi qu'un lycée privé de Nantes a, selon Le Figaro, décidé de revenir au papier.

Le numérique constitue apparemment un progrès technique et, comme tout progrès, il a tendance à devenir à la mode. Plusieurs régions ont lancé un pack numérique lycéen dans le but de lutter contre la fracture numérique, de développer les compétences transversales et numériques des élèves, d'éduquer aux médias et aux écrans. De belles ambitions ! Le Réseau Canopé, placé sous tutelle de l'Éducation nationale, édite des ressources transmédias, imprimées et numériques. Il se présente comme un « acteur majeur de la refondation de l'école » et « conjugue innovation et pédagogie pour faire entrer l'École dans l'ère du numérique ».

L'usage du manuel numérique présente, pour ses promoteurs, de nombreux avantages. Il permet d'alléger le poids du cartable, volonté ministérielle affirmée dès 2008. Il réduit les oublis du manuel à la maison ou les dégradations. Il offre surtout de nombreuses possibilités pour l'organisation des cours et pour diversifier les activités pédagogiques, collectives ou individuelles. Sans doute y a-t-il encore des difficultés financières, matérielles ou techniques et les professeurs devraient être mieux formés à leur usage. Mais ces obstacles seront surmontés et n'altèrent pas l'enthousiasme des zélateurs du numérique devant ces prouesses techniques et pédagogiques : avec l'intelligence artificielle, le numérique sera l'enseignement de demain !

Un écran ne remplacera jamais un livre

Les politiciens qui veulent se montrer à l'avant-garde du progrès, le ministère (toujours à l'affût de l'innovation) et les entreprises qui en tirent un profit financier voient généralement d'un bon œil cette révolution pédagogique. Mais dans la réalité de la classe, c'est une tout autre histoire. Ainsi, dans cet établissement nantais, rapporte Le Figaro, l'équipe pédagogique s'est rendu compte que « ça pouvait poser problème » et que « les élèves étaient déconcentrés ». La majorité des parents ont souligné le temps passé, en classe, sur les écrans. C'était du « non-stop avec des élèves qui faisaient des jeux ou leurs emplettes sur leur PC au lieu de bosser », confie l'un d'entre eux. Bref, on s'aperçoit que les manuels scolaires numériques peuvent être une source de distraction pour les élèves, qui se concentrent davantage sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo que sur la matière enseignée.

« Nous ne sommes en aucun cas opposés à l'usage de l'outil numérique, mais il faut que celui-ci soit raisonné et adapté », conclut le directeur de cet établissement. On ne peut que l'approuver. In medio stat virtus : cette maxime latine, qui prône le juste milieu, s'applique à bien des domaines, et notamment à la pédagogie. Il ne s'agit pas de revenir intégralement aux méthodes anciennes, mais de ne pas céder non plus à ce que Pascal appelait les « charmes de la nouveauté ». On a trop oublié les vertus de l'apprentissage par cœur, de la dictée et des récitations, et un écran ne remplacera jamais un livre. Ce n'est pas pour rien que, dans les régimes totalitaires, on se méfie des livres, quand on ne les brûle pas. Dans nos sociétés libérales, on fonce vers tout ce qui est nouveau, sans réfléchir aux conséquences. Pourtant, le véritable art d'enseigner ne consiste-t-il pas à savoir associer la tradition à la modernité ?

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

16 commentaires

  1. Comme dit dans certains commentaires, il y a pléthore de contenus de grande qualité mais les enfants se dirigent plutôt vers les choses faciles et stupides nous amenant au crétin digital. Mes trois enfants ont eus « droits » au PC scolaire de la région Grand-Est et oui pour certains les seuls livres qu’ils ouvriraient sont bien les manuels scolaires. Sans compter les flagrants délits de recopiage de résumés sur le net de livres ou devoirs qu’ils sont censés lire réellement. Comment faire aimer les mots et la littérature en étant illuminé par les écrans déjà bien trop présents et en éliminant de leur chemins toute peine et goût de l’effort ? Et cerise sur le gâteau, les configurations matérielles ne sont pas extraordinaires, celui de mon fils ainé a servi trois ans, batterie morte, et non remplaçable par soi-même car soudée. c’est très écologique n’est pas ? Un manuel papier est lisible pendant… des siècles.

  2. Je ne suis pas fondamentalement hostile au Numérique et à la numérisation des éléments et des actions de la vie quotidienne et de la vie courante ! Mais il y a deux manières de voire les choses ! coté Occidentale on veux utiliser et exploiter le numérique, pour mieux de surveiller et mieux nous espionné 24 heures sur 24 et pour mieux nous mettre en prison, afin de nous empêcher de vivre comme nous voulons, de nous déplacer et de voyager où nous voulons ! Alors qu’en Russie et au niveaux des BRICS, on veux mettre en place le Numérique, afin de facilité la vie des populations, de mieux les aider et mieux les accompagnés dans les actes de la vie quotidienne et de la vie civil et de pouvoir disposer plus librement, avec des simplifications bancaires de leurs argents ! La vision du Numérique à l’Occidentale, je l’a rejette totalement et je me battrais farouchement contre ! La vision du Numérique à la Russe et à la Poutine, j’approuve et j’y suis favorable ! Je préfère la vision Russe de l’agenda 2030, que la vision Occidentale du même agenda 2030 ! Ca ne me choque pas que la Russie et les BRICS adopte leurs version de l’agenda, parce que le réchauffement climatique et les changements climatique, qu’il en résulte ! Nous concerne tous, que ce soit le Monde Occidental et l’Union Européenne, que ce soit la Russie et les BRICS ! Je rappelle qu’à cause du réchauffement climatique, le permafrost et le pergélisol font ce qui destabilisent les sols et les traits de côtes, que l’on soit dans l’Arctique Canadien, où dans l’Arctique Russe ! Les dégats provoqué par les changements climatiques, lié aux réchauffement climatique nous concerne ! Et ca n’est pas dans une guerre chaude et Nucléaire, entre l’Occident et les BRICS, que ca va résoudre, quoi que ce soit ! C’est par le dialogue, la collaboration, la coopération et des discutions, qu’on arrivera à trouver des solutions, à nos problèmes Mondiales et Environnementales ! Hervé de Néoules !

  3. Le numérique doit venir en complément et non en principal dans l’enseignement, il doit aider l’élève à être plus performant et augmenter ses connaissances et sa curiosité. Les livres devraient être à disposition gratuite dans les écoles car tous n’ont pas les moyens d’avoir des bibliothèques bien garnies.

  4. J’ai fait toute ma scolarité (il y a longtemps) avec des livres, dont les fameux Lagarde et Michard, et ça ne posait aucun problème. Mes deux enfants ont eu au collège un double jeu de manuels, un à la maison et un en classe. On peut très bien faire sans tablette. Les jeunes passent déjà bien trop de temps sur les écrans. Il est urgent de remettre les livres, les oeuvres classiques, au coeur des programmes.

  5. C’est une avancée majeure pour apprendre pour les élèves qui aiment lire et veulent approfondir des sujets mais attention aux distractions et au temps passé sur des écrans après l’enseignement il faut des parents particulièrement vigilants

    • Un écran peut remplacer un livre, et les régimes dictatoriaux ( ou non ) souhaitent contrôler autant les écrans que les livres.

      Ce n est pas tant le contenant, numérique ou papier, qui importe, mais le contenu.
      L’école devrait être le lieu d’apprentissage d’une utilisation autre que ludique , des outils numériques comme elle a été celui des livres. L’école n’a pas à être toujours ludique et les outils numériques ne sont pas obligatoirement ludiques.

      • Les manuels numériques s’accompagnent trop souvent d’exercices de type QCM. Les élèves deviennent incapables de copier, écrire un texte, rédiger un contenu. On peut apprendre en s’amusant jusqu’à une certaine limite. Pourquoi nous les vieux avons retenu les tables de multiplication, des conjugaisons ? Parce que nous avons appris par coeur, fait des devoirs le soir, travaillé.

  6. Comme tout, quand on laisse faire les choses, c’est la débandade !
    Si on veut éviter que les élèves aillent sur des sites autres que scolaires, un bon pare feu, ce que j’ai pu expérimenter il y a peu dans un hôpital (privé) offrant le wifi !
    Maintenant, il est vrai que l’écran est plus ludique que la page.
    Et bientôt l’IA, la catastrophe à attendre, à côté, la calculatrice n’est rien !

  7.  » un écran ne remplacera jamais un livre  » : et pour certains les seuls livres qu’ils ont entre les mains c’est bien un manuel scolaire . Certains pays qui étaient au tout numérique reviennent aux livres , c’est très bien , la majorité des enfants passent déjà trop de temps devant des écrans .

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