Le ministre, le rappeur et l’égalité des chances

Capture d'écran
Capture d'écran

« Élisabeth Moreno, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, serait heureuse de votre présence à la cérémonie au cours de laquelle elle remettra la médaille de l'égalité à Monsieur Mokobé Traoré, dit Mokobé, chevalier de l'ordre national du Mali, musicien, poète et entrepreneur. »

Voilà ce qu'aurait pu être à peu près le courrier reçu par Boulevard Voltaire si, à la manière d'un Point de vue-Images du monde de seconde zone, nous avions été conviés à l'une de ces nouvelles cérémonies princières destinées à faire naître une nouvelle noblesse, paradoxale d'ailleurs : celle de l'égalité.

Mokobé est l'un des chanteurs du groupe de rap 113, que les plus anciens de nos jeunes lecteurs connaissent. « 113 fout la merde », vous vous souvenez ? Après ces débuts sur des textes presque mallarméens (on se souvient aussi des « Princes de la ville », qu'Élisabeth Moreno a malicieusement cité sur Twitter), Mokobé a poursuivi une carrière solo, signant des titres immortels comme « Wesh », « Mali forever » ou encore « Travailler c'est trop dur ». Son succès dans le monde de la création lui a permis d'ouvrir une chaîne de restaurants - une chaîne de tacos, pour être précis. Vous ne savez pas ce qu'est le tacos ? Jérôme Fourquet l'explique très bien dans La France sous nos yeux : un sandwich mexicain, repris en France par les banlieues afro-maghrébines. Il y a même une querelle entre Lyon et Grenoble pour savoir si ce sont les quartiers diversitaires de l'une ou l'autre ville qui ont inventé le « French Tacos » dont vous trouverez la recette sur Internet.

C'est donc à cet artiste et businessman comblé que le ministre a remis la médaille de l'égalité, le 31 mars. Le lendemain, c'est-à-dire ce vendredi, le maire communiste de Vitry-sur-Seine a décoré l'artiste, à son tour, de la médaille de sa ville. La semaine de toutes les consécrations. Peut-être même une forme d'embourgeoisement. Le système ne finit-il pas toujours par neutraliser les anciens rebelles en les transformant en notables. Voyez les soixante-huitards ou les bourgeois de Brel, « Maître Jojo et Maître Pierre »...

M. Traoré n'a aucun lien de parenté avec Mme Assa Traoré, nouvelle Angela Davis, bien connue de nos lecteurs. Traoré est un nom courant, au Mali, il l'est donc en France également. Il semble pourtant tout aussi passionné, quoique dans un genre différent. Ses convictions politiques le rendent compatible avec la majorité présidentielle, « et en même temps » pas tout à fait. Il était, par exemple, très lié à la désormais dissoute Ligue de défense noire africaine, que même Gérald Darmanin, pourtant plutôt tolérant, trouvait un peu olé olé. M. Traoré a également défendu publiquement la polygamie, mais il s'agit peut-être d'une folie de jeunesse.

D'un autre côté, il a tenu à ce que le monde sache que s'il « crois[ait] Zemmour, [il lui] chie[rait] dessus ». À l'exception d'une surprenante habitude de déféquer en public, mais qui n'est qu'un détail, cette phrase rend Mokobé parfaitement en phase avec les éléments de langage présidentiels. Pour filer la métaphore de l'anoblissement, il est comme les hobereaux d'autrefois, admis aux honneurs de la Cour : un peu entier, avec une pointe d'accent régional (du 93, dans ce cas précis), des manières un peu rudes et des convictions un peu tranchées, mais on a besoin de lui pour que l'édifice tienne.

Quelle cérémonie ! titrerait Point de vue...

Picture of Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

48 commentaires

  1. Quand j’écoute Bach ou que je lis Balzac et même mes albums préférés Tintin, je me sens à des années lumières de ces gens-là. Hélas ils vont nous remplacer et plus vite qu’on ne le pensait.

    • Si nous le permettons, ils nous remplaceront.
      Si nous les repoussons, notamment avec Zemmour, ils dégageront.
      Notre avenir est entre nos mains.

  2. Quand on n’a que 3 neurones et un tube digestif, aveugles, sourds, et complètement abrutis ( par les télécrans ou les hamburgers aux frites ?), on a les  » stars » qu’on peut ( ou qu’on trouve). C’est  » Djeune » et « Mode » …

  3. Merci pour ce bel article.
    Honte à tout ces donneurs de leçons qui n’ont que faire de la France et de son peuple (ou plutôt ce qu’il en reste). Comment peut-on honorer de tels personnages? Mais il est vrai que le président donne le « la » quand il joue dans les jardins de l’Elysée avec deux guignols.
    Peuple de France réveilles-toi!.

  4. Vite l’union de tous patriotes. Si vous connaissez des électeurs de Macron, non repentis et penauds, criez leur dessus. Fort. Criez (plus gentiment ) aussi sur les abstentionnistes !

  5. Ces artistes richissimes qui ont réussi financièrement devraient ouvrir des centre de désintoxication
    pour leurs compatriotes drogués qui pourrissent la vie des citoyens honnêtes qui ne demandent qu’ à vivre décemment ,ce qui n’ est pas facile au milieu de zombies camés qui tueraient pour une dose!
    Voila ce que j’ appellerai l’Egalité ,j’ y ajouterai même le beau qualificatif de Fraternité!
    A la réussite financière s’ ajouterait ,par ce geste de générosité ,le nom de »Humanité! »

  6. Mais que faut il attendre d’un président qui fait le guignol avec Mcfly et Carlito ! Quand l’exemple vient d’en haut comment voulez vous que les subalternes agissent différemment. d’autre part le même Macron , ne nous a t il pas dit qu’il n’y avait pas de culture française.

  7. J’ai honte pour la France – vivement le 10 Avril pour virer cette caste qui chaque jour un peu plus par ces postures insoutenables salit notre pays .

  8. Ces olibrius issus de la décadence Macronnienne, je parle de Mokobé et de Moréno, ont tenu salon, ils sont le symbole de cette 5ème république décadente, depuis quatre décennies pour le moins cette classe politique est véreuse, nocive, mortifère pour la société française, entre les éoliennes envahissantes, le copinage avec Mc Kinsey, etc., la société Macronnienne aura atteinte avec la complicité des médias le summum lâcheté.

  9. J’attends avec impatience la façon dont les médias vont traiter le meeting présidentiel. Zemmour réunit une foule immense, pas un mot dans la presse, sinon pour se jeter sur le premier couac venu.
    Pour Macron, aucun doute que les commentaires seront dithyrambiques.

  10. J’avoue, avec l’humilité qui sied à un tel manquement, que j’ignorais tout de ce Prince de la ville, absorbée que j’étais par l’imminente élection présidentielle.
    Je vais quand même résister à la tentation de me procurer sa biographie et d’écouter son œuvre.
    La macronie ne nous aura décidément rien épargné. Il reste à espérer qu’elle vit ses dernières semaines.

    • Et oui , moi aussi , j’ignorais de même ce genre d’actu pointue , toute absorbée ces derniers temps par l’approfondissement des sonates du grand ( immense) Beethoven le jour, et la relecture des livres de Bernanos….Suis-je restée accrochée à un 19ieme siècle déclaré dorénavant décadent ????

  11. En fait quand une africaine attribue une médaille à un autre africain, il faut savoir que ce ne peut être qu’une médaille du genre en chocolat. D’autant que la secrétaire d’état en question n’a jamais été qu’un alibi tout au long de sa carrière professionnelle et politique. Quand au récipiendaire de la grande famille des Traoré du Mali, il est bien l’indigne représentant de son peuple.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

« Quand la gauche sort un drapeau, c’est le drapeau palestinien »
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois