Le NFP veut imposer Lucie Castets à Matignon, mais rien n’oblige E. Macron

© Capture écran France 2
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Un « non » qui ne passe pas. Ce 23 juillet, peu après 20 heures, Emmanuel Macron semble avoir fermé la porte à la nomination d’un Premier ministre issu des rangs du Nouveau Front populaire. « Il serait faux de dire que le NFP a une majorité quelle qu’elle soit », a ainsi rappelé le chef de l’État. Avant d’ajouter : « Le sujet n’est pas un nom donné par une formation politique. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée pour qu’un gouvernement de la France puisse passer des réformes et un budget. » Tollé à gauche, alors que les membres du Nouveau Front populaire venaient enfin de se mettre d’accord, au terme de quinze jours de négociations, sur un nom - celui de Lucie Castets, une haute fonctionnaire inconnue du grand public à la tête des finances et des achats de la ville de Paris - pour Matignon. « Que d’efforts d’Emmanuel Macron pour nier que le NFP est le bloc arrivé premier ! […] Cette négation du suffrage universel l’amènera dans l’impasse », s’est ainsi agacé Éric Coquerel, député LFI réélu à la tête de la commission des finances. Un sentiment partagé par Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce un « Président qui refuse le résultat de l’élection ». Chez les Verts, Marine Tondelier appelle « Emmanuel Macron [à] sortir du déni ». « Nous avons gagné, nous avons un programme, nous avons une Première ministre (sic) », clame-t-elle sur ses réseaux sociaux. Et Fabien Roussel, pour qui ce refus de nommer Lucie Castets au poste de Premier ministre représente une « violence extrême pour notre démocratie ».

Seul le Président décide

Mais n’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon et ses alliés du NFP qui, depuis le soir du second tour des élections législatives anticipées, revendiquent la victoire et réclament la nomination d’un Premier ministre de gauche, rien n’oblige constitutionnellement le président de la République à choisir un Premier ministre issu ou proche du NFP. L’article 8 de la Constitution est clair à ce sujet. « Le président de la République [et lui seul, NDLR] nomme le Premier ministre. » Aucun délai n’est par ailleurs imposé. Autrement dit, le choix du locataire de Matignon est uniquement entre les mains d’Emmanuel Macron. Ce n’est pas parce que François Mitterrand et Jacques Chirac, lors des précédentes périodes de cohabitation, avaient choisi un Premier ministre issu des rangs du parti arrivé premier au soir des élections législatives que cette pratique prévaut sur le droit.

D’autant plus que si le RPR, en 1986 et 1993, et le Parti socialiste, en 1997, avaient, en leur temps, obtenu une majorité absolue à l’Assemblée nationale qui pouvait justifier la nomination d’un Premier ministre issu de leurs rangs, aujourd’hui, il n’en est rien. Alors que le NFP tente de faire croire qu’il a gagné les élections législatives et que lui seul peut prétendre à Matignon, la réalité arithmétique du palais Bourbon rappelle qu’aucun parti ni aucune coalition n’est majoritaire. Le NFP est, certes, arrivé en tête en nombre de sièges (182 sièges) mais reste loin - très loin - de la majorité absolue (289 sièges) nécessaire pour gouverner et appliquer son programme.

Un Premier ministre gestionnaire ?

Ainsi, si rien n’oblige, d’un point de vue strictement juridique et constitutionnel, le Président à nommer Lucie Castets à Matignon, la réalité politique de l’Assemblée nationale le contraint tout de même. Comme Emmanuel Macron l’a lui-même souligné, lors de son intervention télévisée ce 23 juillet, il doit nommer un Premier ministre capable de faire adopter « des réformes et un budget ». Le Premier ministre doit donc pouvoir rassembler autour de sa personne une coalition assez large pour obtenir la confiance du Parlement - procédure non obligatoire -, mais surtout pour éviter d’être renversé par la première motion de censure. Le Premier ministre, quel que soit son parti d'origine, s'exposerait ainsi à une motion de censure, un texte déposé par au moins un dixième des députés qui doit être adopté à la majorité absolue. Si adopté, ce texte entraîne, d'une part, la démission du gouvernement en place, et le rejet du texte sur lequel cette motion a été engagée. Il y a fort à parier, faute de majorité relative ou absolue, que les oppositions se coaliseraient pour renverser n'importe quel gouvernement en place, notamment si celui-ci est dirigé par La France insoumise, parti qui cristallise les critiques.

En son temps, le général de Gaulle préconisait donc, en cas de fragmentation de l’Assemblée nationale, de nommer un « Premier ministre gestionnaire » et un gouvernement de « techniciens ». « Cette Constitution a été faite pour gouverner sans majorité. Je ferais appel, comme en 1958, à des hommes nouveaux, des techniciens, des spécialistes qui ne se soient pas compromis dans les luttes politiques, mais qui soient respectés pour leur compétence. Des commis de l'État. Des gestionnaires », confiait-il à Alain Peyrefitte. De Gaulle ajoutait tout de même : « Un raz de marée de l'opposition apparaîtrait fatalement comme un désaveu à mon égard. J'en tirerais aussitôt les conséquences. » Une dernière option qu’Emmanuel Macron semble avoir d'ores et déjà écartée…

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

20 commentaires

  1. il s’en fout des différents candidats, lui il va se gaver encore ce soir au Louvre, il a invité sans nous demander 500 convives à une petite sauterie, le cout n’est pas annoncé au moins 500 000 euros voir plus, mais la France déborde d’argent c’est connu.

  2. L’Etat étant le plus mauvais des gestionnaires, existe t’il ( encore ) « des commis de l’Etat, des gestionnaires » ?? comme disait De Gaulle.
    Pour trouver  » un premier ministre gestionnaire, et un gouvernement de techniciens « …. Le choix s’avère cornélien pour Macron, mais néanmoins le meilleur à faire au vu de la situation.
    Choix et décision qui reviennent exclusivement au chef de l’État, et en aucun cas au NFP, bien prétentieux et présomptueux !

  3. Le Maître des horloges veut mais ne peut .Le barrage et les calculs électoraux avec le désistement ont légitimité cette photographie de l’assemblée nationale. Même un premier ministre issus de la Macronie et la connivence des Républicains ne pourra pas donner une majorité parlementaire pour pouvoir gouverner c’est bien pour cela que Jordan Bardella a eût cette intuition de ne pas céder à une majorité relative . Le blocage aura lieu et les gesticulations ne changeront rien en face d’une arithmétique absolue issue du premier tour des législatives . La gauche est toujours prompte pour changer les règles quand cela l’arrange

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