« Le pape François a une détestation pour les hommes d’Église tentés par les biens de la Terre ! »

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Que se passe-t-il, au Vatican ? Un procès sans précédent doit se tenir au sein de la Curie romaine, à partir du 27 juillet. En cause : une affaire financière complexe d'investissements frauduleux qui remonte à 2013 et met en cause une dizaine de personnes, dont le cardinal Angelo Becciu, qui se dit victime d'une machination.

Explications de Laurent Dandrieu au micro de Boulevard Voltaire.

 

 

Le Vatican annonce l’ouverture d’un procès sans précédent au sein de la Curie romaine. À partir du 27 juillet, le cardinal Angelo Becciu et neuf autres responsables seront jugés par le tribunal du Saint-Siège. De quelle affaire parle-t-on ?

 

Cette affaire, comme tous les scandales financiers, est assez complexe et incompréhensible. Elle remonte à 2013. Le Vatican, par l’intermédiaire de la secrétairerie d’État, a fait des investissements immobiliers, notamment à Londres, qui se sont révélés non seulement hasardeux, mais probablement frauduleux. Ces investissements ont fait perdre beaucoup d’argent au Vatican, mais ont enrichi certains intermédiaires financiers. Le procès consiste à juger un certain nombre de ces intermédiaires soupçonnés de s’être rempli les poches avec l’argent du Vatican, mais aussi un certain nombre de prélats qui auraient, soit fermé les yeux sur ces agissements, soit éventuellement en auraient profité. C’est particulièrement choquant puisqu’une partie de cet argent provient de ce qu’on appelle le denier de Saint-Pierre, des dons issus du monde entier de la part des fidèles pour financer la charité du pape. Il est de tradition, semble-t-il, qu’une partie de ces dons soit consacrée à faire fructifier l’argent pour pouvoir en avoir davantage pour la charité du pape. C’est une méthode un peu particulière, mais ces investissements sont censés relever d’une gestion de bon père de famille. Et là, au contraire, ils ont été investis dans des choses extrêmement hasardeuses qui se sont révélées désastreuses.

 

 

Au milieu de cette affaire, le cardinal Angelo Becciu, numéro deux du département le plus puissant du gouvernement de l’Église catholique à l’époque, est devenu malgré lui le symbole de cette Curie décriée comme étant corrompue et « peu catholique ». Cependant, le cardinal se dit victime d’une machination et a proclamé son innocence absolue. Le pape François voulait combattre cette influence de la Curie romaine. La culpabilité du cardinal est-elle avérée ?

 

Le procès a pour but de le dire. Il repose sur un épais dossier de 500 pages que je vous avoue humblement ne pas avoir lu, mais paraît assez accablant pour le cardinal Becciu. Il proclame effectivement son innocence et fait un procès en diffamation contre un hebdomadaire italien qui avait diffusé beaucoup d’informations sur cette affaire. Au titre que le cardinal étant déchu par le pape François du Sacré Collège, il ne fait plus partie des cardinaux électeurs et ne peut plus non plus être élu pape. Son avocat considère que c’est un grave dommage qu’on lui a fait.

Plus sérieusement, il est clair que cette affaire s’inscrit dans la volonté du pape François, depuis le début de son pontificat, de remettre de l’ordre dans les finances vaticanes. On sait que ces projets de la réforme de la Curie n’ont pas abouti, sauf en matières financières où il va effectivement réorganiser considérablement l’organisation des finances vaticanes pour avoir plus de transparence.

Le pape François, on le sait, n’est pas du tout un homme d’argent et a une véritable détestation pour les hommes d’Église qui se laisseraient aller à la tentation des biens de la Terre. Il ne faut pas oublier que cette affaire est liée aux mésaventures du cardinal Pell. Il a été, au début du pontificat du pape François, en quelque sorte le ministre de l’Économie du Saint-Siège. Il a dû quitter son poste à la suite d’accusations d'abus sexuels qui l’ont d’ailleurs entraîné à faire de la prison en Australie. Il a été totalement lavé de ces accusations et innocenté. Il s’est dit que ces accusations auraient peut-être été instrumentalisées par certains pour éloigner le cardinal Pell de son poste au Vatican, poste à la tête duquel il avait à cœur de réformer les finances et surtout de lutter contre les abus. Il y a peut-être aussi, de la part du pape François, une volonté de réparer l’affront qu’il a été obligé de faire au cardinal Pell en l’éloignant de ses fonctions et surtout de punir ceux qui auraient peut-être essayé de contrecarrer ces réformes par des moyens détournés.

Laurent Dandrieu
Laurent Dandrieu
Journaliste, critique de cinéma

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