Le « pognon de dingue » des réseaux d’éducation prioritaire, pour quels résultats ?

En octobre 2018, la Cour des comptes enfonçait une porte ouverte : « L'Éducation prioritaire, telle qu'elle a été mise en œuvre jusqu'à présent, n'a pas atteint son objectif »...

Dans une lointaine vie antérieure, j’ai été prof de musique. Trois ans d’Éducation nationale avant de m’enfuir en courant… René Haby venait de supprimer les « classes de transition », soupçonnées – parce qu’elles conduisaient à l’apprentissage – de fournir de la main-d’œuvre au grand patronat. Advint alors cette merveille appelée « collège unique ». Programme à long terme : nivellement par le bas. Et pour ceux qui n’avaient pas encore touché le fond, on mit en place des classes « à programme allégé », comme la margarine du même nom.

En 1981, Alain Savary, voulant « lutter contre l’échec scolaire », crée les ZEP, les « zones d’éducation prioritaire ». Vingt ans plus tard, on décide, vu l’ampleur du désastre, d’ajouter un étage à la fusée : les « réseaux d’éducation prioritaire » (ou REP). Las, ça ne s’arrange pas… Pour résumer d’une image, le taux des illettrés croît en même temps que les budgets, si bien qu’en 2006, on rebidouille le machin : en lieu et place des ZEP et des REP naissent les RAR et les RRS, respectivement « réseaux ambition réussite » et « réseaux de réussite scolaire ».

Et ça va mieux ? Non, docteur, ça empire !

Alors, vite ! un remède miracle : c’est le programme ECLAIR, pour « écoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite ». Tout un programme, en effet, « en faveur de l’égalité des chances ».

Et maintenant, ça va mieux ? Pas vraiment… Aujourd’hui, on a les REP+, pour « réseau d’éducation prioritaire renforcée ». Depuis 2017, 10.800 classes de CP et de CE1 en REP+ et REP ont été créées. On a dédoublé les effectifs, offert le petit déjeuner aux enfants, le menu bio à la cantine…

En octobre 2018, la Cour des comptes enfonçait une porte ouverte : « L'Éducation prioritaire, telle qu'elle a été mise en œuvre jusqu'à présent, n'a pas atteint son objectif », disaient les sages. Concrètement : « Les écarts de niveaux entre le 1,7 million d'élèves de REP et les autres, qui devaient se limiter à 10 %, s'élèvent à 20 ou 35 % selon les disciplines. » Bref, 1,7 milliard d’euros de dépense annuelle pour des prunes.

Et les sages en leur sagesse de pointer aussi « l’absence de mixité sociale ». Ces gens qui ont tous fait passer leurs enfants par Stanislas, l’École alsacienne et autres boîtes privées les plus huppées du marché, de dénoncer « des parents [qui] fuient les établissements concernés et préfèrent inscrire leur enfant ailleurs ». On se demande bien pourquoi ! En conclusion, la Cour des comptes proposait de réviser la carte scolaire et la manière dont sont répartis les élèves dans les établissements.

Pas question que les pauvres échappent à la « cancritude » !

C’est ainsi qu’on arrive, en ce 5 novembre, à une énième proposition de réforme. Au menu, nous dit Le Parisien, en finir avec les zones d’éducation prioritaire, « trop stigmatisantes ».

Une réforme qui porterait essentiellement sur le financement. Dans l’objectif de « décentraliser l'éducation prioritaire, les moyens supplémentaires ne seraient plus alloués par l'État, mais confiés à chaque rectorat. À lui de déterminer, localement, les écoles à soutenir et à quel niveau. » Il y aurait évidemment plus urgent, à savoir la refonte du réseau, mais il parait qu’« on mettrait le feu à le faire avant les élections municipales »...

Car les faits sont là : non seulement « le dispositif ne profite qu'à une minorité des élèves défavorisés », puisque 73 % d’entre eux sont scolarisés dans des collèges ordinaires, mais l’absence de résultats sur le niveau des élèves vient en partie « du fait que le label éducation prioritaire stigmatise (sic), et déclenche des phénomènes d'évitement à tous les niveaux, de la part des enseignants et des familles qui sont plus nombreuses à inscrire leurs enfants dans le privé ». Finalement, conclut une éminence, « le surcroît de ressources donné à l'établissement sert juste à compenser ces effets de stigmatisation ».

Bref, ce « pognon de dingue » ne sert à rien !

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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