Le populisme, enfant de l’individualisme ? Et l’écologisme, prochaine religion sectaire ?
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L’homme est un animal social, en ce sens où il trouve un sens à sa vie en se rapprochant d’autres animaux sociaux. Ce qui le pousse à se marier, fonder une famille, adhérer à une amicale bouliste ou de supporters de football, un syndicat ou un parti politique ; soit à s’inscrire dans une lignée, historique, nationale, culturelle, religieuse. Bref, à tout mettre en œuvre pour se sentir moins seul.
Avec la montée en puissance de l’individualisme, économique et bourgeois, à la fin du XIXe siècle ; puis, dans les années d’après-guerre, de son enfant bâtard, mais de droite lignée, hédoniste soixante-huitard voulant faire table rase du passé, le moins qu’on puisse dire est que tout cela n’a guère arrondi les angles au niveau du « vivre ensemble ».
La preuve en est qu’en France, les deux principales institutions qui permettaient à ce fragile ensemble de tenir encore à peu près debout - Église et Parti communiste - sont toutes deux tombées de concert. Invasion migratoire aidant, les nouveaux Français se sont donc trouvés de nouvelles manières de faire corps : l’islam, même réduit à de simples codes vestimentaires et à de seuls interdits alimentaires, permet au moins de se tenir au chaud dans une société où il fait de plus en plus froid. Pour les finitions, les réseaux sociaux étaient là, aidant à créer un monde dans lequel plus on a d’amis et plus on se sent seul.
La fin d’une certaine forme de roman national ne pouvait faire que le bonheur du système ambiant. En effet, ce néolibéralisme mâtiné de turbo-capitalisme chérit cette foule, tant anonyme qu’indifférenciée, meute de clients potentiels prêts à acheter tout et n’importe quoi, surtout quand leurs moyens financiers ne le leur permettent pas.
Pourtant, l’Histoire, à l’instar du réel, ne tarde jamais à prendre sa revanche. Ainsi, l’économiste Yann Algan, maître d’œuvre des Origines du populisme, essai plus que pertinent, tente-t-il d’analyser le ressac populaire de la déferlante élitaire en question.
Certes, explique-t-il, « le facteur premier qui explique la crise des gilets jaunes et la montée des forces antisystème, en France, en Europe et aux USA, est indiscutablement de nature économique. […] Mais l’économie n’est pas tout. Pour comprendre l’essor de la droite populiste, celle de Le Pen, Trump ou Salvini, il faut prendre en compte un facteur crucial : la dégradation du rapport à autrui, la désocialisation des personnes. Les données que nous avons exploitées montrent que le taux de confiance interpersonnel des électeurs de Le Pen est très faible. Si la méfiance envers les immigrés reste leur totem, ils se défient tout autant des autres en général, des voisins et même de leur famille. »
Voilà qui est assez logique, sachant que la révolte des gilets jaunes demeure avant tout celle d’une classe moyenne en voie de prolétarisation. Ils ne font plus confiance en ces élites les conduisant droit dans le mur, et encore moins au sous-prolétariat immigré, suspecté de capter là l’essentiel des prestations sociales.
Pour se sortir de cette impasse, que reste-t-il à l’hyper-classe mondialisée pour se sortir de l’ornière ? Là, le combat écologique arrive à point nommé. Sauver la planète, quoi de plus fédérateur ? Et comme les grandes religions, séculières ou non, se trouvent dans l’état qu’on sait, l’écologisme peut tout à fait servir de messianisme de substitution. D’où cet avertissement pour le moins prophétique de Yann Algan, lors d’un entretien accordé au Point : « L’écologie jouera peut-être le même rôle que le catholicisme et le communisme. »
Voilà qui amène aussi cette réflexion. La différence entre une religion et une secte ? Une religion demande le minimum à la majorité, tandis qu’une secte demande le maximum à une minorité. Comme on ne saurait arrêter le progrès, l’écologisme, lui, exige tout de tous. Une religion sectaire et à vocation planétaire, donc ?
Dernière échappatoire d’un système à bout de souffle et préfiguration du totalitarisme de demain ?
Ça commence bigrement à y ressembler.
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