Le président Tebboune mène-t-il ses opérations de basse police… en France ?

Quand on a la chance de disposer d’un paillasson à sa porte, il ne faut pas hésiter à s’y essuyer les pieds. De sources concordantes, l'Algérie a donc annoncé, dimanche 13 avril, l’expulsion de douze agents de l'ambassade de France. Manu militari, ou presque : ils ont 48 heures pour quitter l’Algérie. Selon notre incomparable ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, « cette décision serait une réponse à l'arrestation de trois ressortissants algériens soupçonnés de faits graves sur le territoire national français ».
Des faits très graves, même, puisqu’il s’agit de l’enlèvement, en France, en avril 2024, d’un influenceur algérien opposant au régime Tebboune qui résidait en France, Amir DZ. En clair, l'Algérie mènerait, si c'est confirmé, ses opérations de police en France, en toute décontraction. Dans cette affaire, la Justice française a demandé, deux jours plus tôt, le vendredi 11 avril, la mise en examen de trois hommes, dont un agent de l’un des dix-huit consulats algériens en France. Apparemment, la mesure a déplu à Alger. Le gentil Barrot demande à Tebboune de renoncer à ces expulsions. « Si la décision de renvoyer nos agents est maintenue, nous n'aurons d'autre choix que d'y répondre immédiatement », menace le gentil ministre des Affaires étrangères qui sert de porte-voix à Emmanuel Macron. Pas de panique chez Tebboune, qui a bien compris, maintenant, que le seul risque, c’est de voir sa cote de popularité monter en Algérie et dans les banlieues françaises.
Macron n'est pas de Gaulle
Tebboune a compris le système. Tous les quinze jours, le très créatif président algérien trouve un nouveau moyen d’humilier la France. On a oublié l’affaire du gaz que l’ancienne colonie française a choisi de vendre à d’autres après de longs et inutiles salamalecs macronistes en Algérie, en 2022. Dix-sept ministres s'étaient rendus à Alger en procession pour s’incliner devant le monument aux morts des martyrs de l'indépendance algérienne. Autre dossier, la chronique des OQTF s’est soldée par une immobilité d’airain de la part d’Alger, qui semble se préoccuper comme d’une guigne des victimes françaises de ses ressortissants. L’emprisonnement de Boualem Sansal a donné lieu à des tractations secrètes, puis moins secrètes, puis à des demandes officielles, puis à une visite du Président Macron, plus tactile que jamais : l’écrivain nationalisé français, qui avait eu le courage de donner une interview à BV, reste emprisonné. Cette fois, le régime du président Tebboune est soupçonné d’avoir envoyé des hommes de main enlever un opposant sur le territoire français, comme l’avait fait le pouvoir marocain lors de l’enlèvement de Ben Barka, le 29 octobre 1965. Une petite différence, tout de même : de Gaulle avait très mal pris cette atteinte grave à la souveraineté française, au point qu’une très grave crise diplomatique avait couronné cet épisode. Nous avons raconté cet épisode dans Une histoire trouble de la Ve République (Tallandier). Mais Macron n’est pas de Gaulle…
Maltraitance
Voilà quinze jours, le 31 mars, entre tapes sur l’épaule, embrassades et main dans le dos, l'hôte de l'Élysée se livrait à nouveau à une de ces palinodies qui resteront la marque de ce mondialiste irénique. Le chef de l’État français avait officiellement « réitéré sa confiance dans la clairvoyance du président Tebboune » (sic). Les deux présidents avaient insisté sur « leur volonté de renouer le dialogue fructueux […] » Macron et Tebboune avaient souverainement décidé de « la reprise sans délai de la coopération sécuritaire ». La coopération migratoire devait « être immédiatement réinitiée ». Le ministre Barrot devait venir cueillir les lauriers de la paix et récupérer Boualem Sansal, quelques jours plus tard. Il est revenu couvert de honte…
La relation France-Algérie conduite par Macron, c’est peut-être le Larousse qui en parle le mieux. On y trouve cette définition du syndrome de Stokholm : « Sympathie qui s'établit entre un otage et ses ravisseurs. » Cette relation évoque aussi une forme d’amnésie traumatique, ce réflexe de l’enfant battu qui refuse d’en vouloir à l’adulte maltraitant et s’accuse des forfaits de son bourreau. Plus qu’aux diplomates, la relation de la France de Macron à la dictature algérienne relève désormais de la psychologie complexe. À moins qu’elle ne réponde plus simplement à… la trouille. La peur des banlieues porte en elle la ruine d’un monde sans frontières où devaient circuler heureux des individus interchangeables, sans religion, sans racines et sans culture. Jouer les paillassons pour sauver un rêve devenu cauchemardesque : le pouvoir est dos au mur.
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124 commentaires
Encore un qui sera content de venir soigner son cancer en France sans payer le moindre euro
J’en apprends de belles. Macron n’est pas de Gaulle. Je ne m’en serais pas douté. Mais la France aussi a changé et pas vraiment en mieux. Quant au « syndrome de Stockholm » nous n’avons même pas eu besoin que nos élites soient prises en otages pour qu’il se manifeste dans leur esprit. On peut se demander si ce n’est pas un peu dommage…