Le procès fait à CNews rattrape Yann Barthès et Quotidien

Yann Barthès

Pour la première fois, Yann Barthès devra s’expliquer sérieusement sur son refus d’inviter tout représentant du Rassemblement national. Selon une information du JDD, la Commission d’enquête parlementaire qui a auditionné Bolloré entendra l’animateur de Quotidien sur la chaîne TMC. Il évoquera le respect du pluralisme au sein de son émission. L’occasion de sortir du procès en partialité fait à… CNews ! Le président de la Commission a donc considéré que la demande de cinq députés RN d'entendre l'animateur n’était pas illégitime.

Mercredi 20 mars, l'un des signataires de cette lettre, le député RN Philippe Ballard, ancien journaliste de LCI, avait évoqué le problème en séance à l’Assemblée. « Nous, on est une chaine privée (TMC appartient à TF1), on fait ce qu’on veut ! », répète Barthès qui assume l'absence du RN sur ses plateaux depuis longtemps. Sauf que ce qui vaut pour CNews vaut pour TMC. Les règles du pluralisme s’imposent bien aux éditeurs publics et privés, a précisé le président de l’Arcom Roch-Olivier Maistre devant la même commission ce 21 mars.

Deux poids, deux mesures

Une précision évidente, mais bienvenue. Car la pratique médiatique ressemble de plus en plus à un deux poids deux mesures. Philippe Ballard s’étonnait ainsi mercredi 20 mars en séance du sort fait au journaliste de France Info Jean-François Achilli, signature connue de la radio publique. Achilli vient d’être mis à pied en attendant de plus amples informations. Sa faute ? Il aurait, selon Le Monde, participé sans autorisation à un projet de livre du leader du RN, ce que la règle adoptée en juin dernier par France Info interdirait. Achilli s’en défend sur X : « Je n’ai enfreint aucune règle professionnelle ou déontologique, a-t-il publié dès le 15 mars sur l’ex-Twitter. J’ai échangé avec Jordan Bardella comme je le fais avec tous les responsables politiques depuis 25 ans. Nous avons parlé à sa demande de ce que pourrait être son expression pour un livre d’entretiens. J’ai refusé le projet ». Le journaliste se dit « abasourdi par la brutalité de la mesure injustifiée prise par la direction de France Info à mon encontre, qui nuit gravement à ma réputation ». Pour Bardella, toujours via un message X, « ces méthodes pratiquées par le service public sont dignes des pires régimes et font honte à la démocratie ».

Personne n’est dupe. « C’est du maccarthysme, une véritable chasse aux sorcières, dénonce Philippe Ballard joint par BV. Achilli n’apparaitra pas dans le livre de Jordan Bardella ». Il en est convaincu : si l’affaire a pris tant d’ampleur, c’est parce qu’il s’agit du Rassemblement national. Car combien de journalistes ont signé des livres d’entretien avec des hommes ou des femmes politiques ? Sans citer le livre-entretien ancien et à gros tirage de Patrick de Carolis avec Bernadette Chirac, épouse d’un homme politique et élue elle-même, ils sont nombreux : le dernier est peut-être le livre d’entretiens consacré en 2023 par Jean-Michel Djian à l’ancien ministre Le Drian. Philippe Ballard cite de son côté les livres de Duhamel, Plenel, Askolovitch ou… Salamé.

Des allures de procès stalinien

Sur le fond, écrire un livre d’entretien ne parait pas plus compromettant que la réalisation d’un simple interview dans un média. Plus que l’entretien en lui-même, c’est le ton, plus ou moins incisif, qui signera la distance du journaliste à son sujet. Mais comment évaluer ce ton et cette proximité supposée dans un projet de livre, a fortiori un projet refusé ? Le procès fait à Achilli repose sur le devoir de neutralité d’un média du service public, rémunéré – de force, via l’impôt – par l’ensemble des Français. Mais voilà, parler de l’objectivité politique de Radio France suscite chez de nombreux Français la colère ou l’hilarité, c’est selon.

L’affaire a bien des allures de procès stalinien. Et on n’empêchera aucun Français, auditeur ou non de France Info, de penser qu’un projet de livre d’entretiens d’un journaliste maison avec Yannick Jadot ou Raphaël Glucksmann n’eût pas créé le même émoi. Conclusion de Philippe Ballard : « Cela nous conforte dans notre volonté de privatiser les médias de service public si nous arrivons au pouvoir ! » Pas sûr que cette décision déclenche des torrents de larmes dans l’Hexagone.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

65 commentaires

  1. Cette interrogatoire me fait penser à l’inquisition à même de se rappeler ce qu’était le gouvernement de Vichy en d’autre temps mais avec les même meurs. Seul les interrogatoires du temps de la Stasi que nous avons pu se rendre compte peux nous donner une idée de comparaison.

  2. Et nous verrons comment Yann Barthès sera traité par le secrétaire inquisiteur de la commission.

  3. Il faudrait aussi auditionner madame Binet secrétaire générale de la CGT ainsi que les LFI et Raphaël Gluksman qui refusent de débattre sur cnews.

  4. ‘ privatiser les médias de service public ‘ ? Bizarre idée puisque Barthès tire argument de ce qu’il est justement sur une chaîne privée. Au demeurant son émission de ricanements entre Parisiens et célébrités inconnues n’intéresse pas les 50 millions de Provinciaux. Sur le fond : Pourquoi pas plutôt s’inspirer des règles de fonctionnement de la BBC voire tout simplement en France de RFI ? Cela dit Barthès devra céder et on verra bientôt avec intérêt comment il se fait (encore plus que nature) ratatiner par Bardella ou Leggeri.

  5. J’espère que cette affaire, très révélatrice des dérives actuelles, ne sera pas enterrée, que la Commission parlementaire ne jouera pas la montre en attendant que tout le monde l’oublie.

  6. L’individu dont il est question serait un journaliste, pour moi, c’est un petit roquet sans envergure, toujours à essayer de dévaloriser un adversaire, en prenant un air goguenard, il ne peut intéresser que les « bas du front » au rire gras, hélas ils sont assez nombreux

  7. C’est le retour de bâton pour les Yann Barthès et comparses gauchistes, ainsi que et surtout pour les autres « komissars » du service public de propagande.
    Tous ces coups qui tombent en ricochet sur ce microcosme propagandesque, sont jouissifs pour l’observateur démocrate indépendant.
    Tout ce petit monde de « l’entre-soi-de-gauche » perçoit comme une punition le sort qui lui est réservé aujourd’hui pour ses actions antidémocratiques du passées jusqu’à nos jours.
    J’ai hâte d’admirer le résultat dans un futur proche, où tous ces nouveaux « condamnés » seront dans l’obligation d’inviter le ban et l’arrière ban du journalisme antidémocrate pour passer au grille toutes les personnalités qu’ils affublent « d’extrême droitisme ».
    Ça promet.

    • Ça promet beaucoup de journalistes surpayés par nos impôts et qui ont souvent tendance à ne pas s’occuper des ´´ vrais ´´ problèmes de la France… ils vont devoir apprendre à écrire pour vivre de leur plume…. Mais, Jack, il faut qu’on arrive au bout de nos intentions…. souhaitons nous bonne chance, et votons le 9 Juin…!

      • Nous sommes bien d’accord.
        En ce qui me concerne, en politique et en religion, mes convictions sont personnelles.
        J’ai déjà demandé pardon à Dieu et mes ancêtres, tout ce passe entre Lui, eux et moi, personne d’autre.

  8. Ils ont voulu ouvrir la boite de Pandore, ça les amusait. Très bien, maintenant qu’ils se dé…brouillent.

  9. Puisque apparemment, c’est la pratique normale, n’existe-t-il pas un syndicat ou une association de journalistes pour envoyer un dossier circonstancié au Conseil d’État pour signaler les graves distorsions au pluralisme démocratique du secteur de l’information de plusieurs chaînes de télévision émettant sur les canaux publics ?

  10. Il n’est que d’écouter les conversations de bistrot pour constater que ces procédés interpellent de plus en plus de Français. Déjà, l’utilisation de plus de 20 « 49.3 » pour faire passer contre leur gré des lois rejetées par la majorité les à mis de mauvaise humeur (voir les sondages pour les Européennes), cette chasse aux sorcières préfigure pour beaucoup ce que serait la France avec ces gens là au pouvoir… Parmi les ceux qui auraient voté plutôt à gauche les plus mous vont s’abstenir, les autres vont franchir le pas et voter à droite. Ils se sabordent.

    • « cette chasse aux sorcières préfigure pour beaucoup ce que serait la France avec ces gens là au pouvoir »
      Mais ils SONT au pouvoir!

  11. L’ effet boomerang prend forme. A force de dénigrer et de refouler au choix pour raison politique il va falloir rendre des comptes.

  12. Il y a quelques jours, je me suis imposé 30 minutes de France Info. C’est un Max mensuel et c’est avec nos sous. Il est grand temps que ces gens vivent de leur plume. En un mot: la Pravda.

  13. Le meilleur moyen de ne pas rencontrer trop de problèmes, Mr Bardella, est d’éviter de confier ses affaires à la gauche.
    Privatiser les médias publics: Est-ce une nouvelle position du RN ?

    • Il faut conserver des médias publics. Il faut aussi être exigent sur la pluralité des médias et des opinions. J’attends voir si le RN serait à la hauteur de cette exigence. J’ai un grand doute.

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