Le projet de loi industrie verte : la France se tire une balle dans le pied

Le Président aurait dû se rappeler que nous sommes, en termes d’émissions, le meilleur élève développé du monde.
écologie

Le projet de « loi pour l'industrie verte », présenté le mercredi 16 mai en Conseil des ministres, est le principal volet du plan de réindustrialisation souhaité par le président de la République. Le projet vise à relancer l’industrie, devenue le parent pauvre de l’économie française (elle ne représente plus que 10 % du PIB, contre le double il y a vingt ans) tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de l’Hexagone. Le texte se décline en six volets, chacun composé d’un certain nombre d’actions concrètes.

Le premier volet a pour objectif de transformer la fiscalité pour faire « grandir » l’industrie « verte ». Grandir, certes, mais verte... Dès la première page du document, l’objectif premier n’est pas de réindustrialiser mais d’aider l’industrie à s’engager dans la décarbonation pour atteindre l’objectif 50 % de décarbonation en 2030 et 100 % en 2050. Est-ce là la meilleure façon d’aborder le problème de la désindustrialisation ? Rien n’est moins sûr. En soutenant exclusivement la production verte via des crédits d’impôts, on risque de décourager bien des initiatives et d’encourager en revanche des projets pas nécessairement durables. Ainsi, le financement massif de l’agriculture biologique a conduit à une impasse complète, au point que l’État est aujourd’hui obligé de porter à bout de bras une filière complètement exsangue.

Le second volet (« réhabiliter des friches et mettre à disposition des terrains ») est une idée originale dans la mesure où elle vise aussi à dépolluer et à faire revivre des terrains industriels. Si on ne peut qu’applaudir la « volonté d’améliorer les procédures administratives pour accélérer la réindustrialisation » et de favoriser « l’économie circulaire », en revanche, on peut s’inquiéter de la volonté de « sécuriser les porteurs de projets industriels et clarifier le cadre des contentieux environnementaux » laissant la porte ouverte à la mise en œuvre de projets sans réelle consultation locale. Le gouvernement ne semble pas avoir intégré les événements de Notre-Dame-des-Landes, Sivens ou Sainte-Soline : on imagine déjà les réactions violentes à toute décision d’implantation.

Le troisième volet (« produire, commander et acheter en France ») relève, certes, d'une intention louable. Cependant, quand on analyse sa déclinaison, on a malheureusement envie de le ramener à une simple bonne intention. Imaginer que, pour procurer un avantage compétitif aux entreprises, il suffit de créer « un standard simple et lisible » s’avère profondément naïf. Même s’il concatène différents indicateurs devenus illisibles (ISO, EcoVadis), ce nouveau standard 3E (excellence environnementale européenne) ne résoudra en rien le problème endémique du coût du travail qui reste, en France, l’un des plus élevés d’Europe. En revanche, cette nouvelle norme engendrera de nouvelles contraintes, comme l’obligation pour les entreprises de publier un BEGES (identification des sources d’émissions des entreprises) et un plan de transition. Avec, pour conséquences, des surcoûts altérant un peu plus la compétitivité des entreprises. Quant à « favoriser les produits verts dans les achats publics », cela risque d’accroître encore un peu plus une dépense publique déjà stratosphérique sans pour autant garantir les marchés aux entreprises françaises obligées, quoi qu’il en soit, de se mettre en concurrence avec leurs confrères européens.

Le quatrième volet traite du financement. Il vise à favoriser l’épargne populaire pour la rediriger vers les investissements verts. Le label « industrie verte » aurait ainsi pour vocation de couvrir un large panel de produits financiers (actions, obligations, capital-investissement) soumis à une grille de critère environnementaux et à destination de profils d’investisseurs très variés. Le volet intègre aussi un « livret vert » pour les personnes majeures et un « livret climat » pour les mineurs. Estimable, a priori, ce type de mesure peut induire de nombreux effets pervers, asséchant notamment le financement de pans entiers de l’économie complexes à verdir (cimenterie, verrerie, sidérurgie).

Le cinquième volet se concentre logiquement sur la formation en lançant, notamment, une campagne de communication sur les métiers de l’industrie. Donner envie aux jeunes de faire une carrière industrielle en leur faisant découvrir, dès le collège, les métiers de l’industrie est certes louable. Mais, une fois encore, le projet amalgame de façon exacerbée industrie et verdissement de la société. On ne peut, en revanche, qu’applaudir la volonté de doubler le nombre d’écoles de production, d’augmenter le vivier industriel à l’université et par la formation professionnelle. Quant à la « féminisation dans les classes préparatoires scientifiques » pour réduire la forte disparité existant dans l’industrie (seulement 30 % de femmes), il s’agit, certes, d’un problème récurrent, mais ce clin d’œil aux féministes apparaît complètement hors sujet.

Si la déclinaison des cinq volets est homogène, si la volonté de verdir ce qu’il nous reste de l’industrie est louable, amalgamer de façon systématique la réindustrialisation et la décarbonation apparaît comme une erreur magistrale. 80 % des jeunes associent certes le mot "industrie" aux mots "pollution" et "pénibilité". Mais vendre aux jeunes l’industrie du futur comme un levier pour réussir la transition énergétique tient, au mieux, de la naïveté, au pire, de l’escroquerie. Imposer aux forceps le verdissement des investissements pour réduire de façon indifférenciée le recours aux énergies fossiles est une arme à double tranchant plus que risquée. Elle passe sous silence qu’en Europe, les « énergies du mal » représentent encore 75 % du mix énergétique global et font totalement abstraction que le gaz jouera, dans les années à venir, un rôle clé dans la croissance de la consommation électrique. De l’assèchement des financements gaziers résultera inexorablement une nouvelle rupture offre/demande impactant lourdement son prix et, par ricochet, celui de l’électricité. Les nouvelles normes, même si elles se veulent simplifiées, ne sont pas cohérentes avec la volonté du Président « de faire une pause ». Ces normes peut-être moins nombreuses mais plus strictes risquent, en revanche, de dégrader un peu plus la rentabilité d’entreprises déjà plombées par un excès de charges. On perçoit mal comment, dans ce contexte, la France pourrait relocaliser de l’industrie lourde comme la verrerie, la sidérurgie ou la cimenterie, ou encore rouvrir des mines pour extraire ces métaux rares dont se nourriront goulûment les batteries, éoliennes ou panneaux solaires du futur.

Plutôt que de poursuive son « en même temps » maladif, le Président aurait d’abord dû se rappeler que nous sommes, en termes d’émissions, le meilleur élève développé du monde (émissions de six tonnes par an et par habitant) et aurait clairement dû séparer les mots "industrialisation" et "décarbonation", puis essayer de dépasser, dans un second temps, la quadrature du cercle. L’Histoire nous le prouve : industrie et environnement n’ont jamais fait bon ménage !

Picture of Philippe Charlez
Philippe Charlez
Ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, membre du bureau politique de Identité-Libertés.

Vos commentaires

50 commentaires

  1. Ultime plan quinquennal soviétique nous allons adorer tant les dépenses publiques vont générerdes usines à gaz . Héphaïstos va nous construire un trône en or dans lequel nous allons siéger des bras mécanique vont se refermer et prisonniers nous devrons trouver la clé de sortie. Nos pensions et économies vont être sollicitées pour financer ces délires écologistes. Ce clin d’œil aux écolos pour assurer une victoire aux élections européennes ne dit rien de bon qui vaille !!!

  2. Augmenter les dépenses, réduire les recettes, légiférer sur tout et n’importe quoi du moment que le volet communication soit tonique, mais de stratégie d’ensemble nullement. De la mise en scène, mais trop souvent un scénario mal ficelé, pas grave l’actionnaire est ici le contribuable.

  3. Je ris de tous ces commentaires. Les veaux ont voté. Ça les fera maigrir et crever en bonne santé et, babas, ils en redemandent.

  4. « la forte disparité existant dans l’industrie (seulement 30 % de femmes) »
    Quand est ce que les « savants » en sociétal, auront compris que certains métiers ne tentent pas les femmes, car les femmes ne sont pas des hommes, ni dans leur tête, ni dans leurs capacités physiques!

    • Tout à fait d’accord.
      Peut on mettre des femmes en bas de hauts fourneaux ou de fours à verre ?

    • vous avez raison, mais je l’aurais exprimé autrement, en effet les femmes ont  » d’autres centres d’intérêt », d’autres aptitudes physiques, en terme de dextérités notamment – et en effet, les femmes ne sont pas des hommes et vis et versa, même si on tente de nous faire croire l’inverse !

  5. Je conseille le reportage d’Hugo Clément, diffusé hier sur France 5.
    Il est consacré à la filière hydrogène et a le mérite de porter au grand public ce que les professionnels de l’hydrogène savent déjà.
    Cette arnaque, en plus d’être une aberration scientifique et technique, présente des risques énormes en termes de sécurité.

  6. Le problème ce ne sont pas les balles, mais les pieds, plus de place pour se tirer des balles dedans ! La France préfère les tomates du Maroc, voire de l’Espagne bourrées de pesticides non contrôlés que faire travailler nos producteurs ! Maintenant il y a trop de vaches en France, il vaut mieux faire venir la viande d’Argentine c’est beaucoup plus écologique ! Faire rouler des voitures électriques avec de l’électricité fabriquer avec du charbon, c’est plus écologique ! Mais qu’avons nous fait au Bon Dieu pour mériter de tels débiles ?

  7. On peut parier, sans risque d’erreur, qu’à l’horizon 2030, puis 2050, on constatera tout bonnement que toutes ces mesures ( à supposer qu’elles soient applicables dans la vie économique réelle ) n’auront eu aucun effet sur le climat, qui va continuer à faire ce qu’il voudra bien faire, puisqu’aussi bien les causes de son évolution dépassent largement les gesticulations humaines. Nous ne serons jamais les maîtres du climat, qui est plus largement tributaire de la complexe mécanique céleste, dans son ensemble. mais nous pourrions, avec un minimum de bon sens, rester maîtres de notre économie, pour le bonheur matériel de tous. Ce qui est une ambition bien modeste, donc atteignable.

  8. Sauf les grandes messes Macronique à Versailles qui ne posent aucun problème pour l’environnement et moins encore les ballades autour du monde de Zelenzky et de sa suite tous frais payés avec l’argent public !!! quelle bande d’escrocs.

  9. Avec tout le respect que suscite votre parcours, je vous trouve excessivement négatif. Pourtant je suis loin d’être Macronien. Vous soulignez pour chaque mesure un aspect positif contrebalancé immédiatement par une réserve. Voilà ! tout est là et c’est aux politiques de respecter l’esprit affiché de leurs propos.

  10. Manu, après avoir vendu l’industrie française à l’encan, particulièrement tous les secteurs sensibles à l’Amérique, voilà-t-il pas qu’il veut réindustrialiser la France…
    C’est d’une logique de cancre, ou d’un enfant gâté de 5 ans tout au plus.
    Il est tellement engoncé autant dans son costume de président que dans ses idées farfelues ; si tant est, qu’il en eût vraiment ; qu’il ne voit même pas qu’il a mis la France sur la paille, et réduit les français à vivre dans un pays sous-développé.

  11. Il semble que Macron n’a toujours pas compris que l’écologie et les écologistes nous « gonflent » fortement, par ailleurs, ce plan montre à quel point nos dirigeants ignorent tout de l’industrie, il est dommage que ces gens n’aient aucune culture scientifique, ça leur éviterait de dire des énormités, dans le genre décarbonner la France à 100%, mis à part le fait que c’est physiquement et chimiquement impossible, Macron et ses seïdes semblent oublier que dans l’athmosphère il y a des courents et des vents, qui ne s’arrêtent pas à nos frontières comme le nuage de Tchernobyl, et que nous avons la chance en France de récupérer les miasmes du charbon allemand, et Macron croit il que c’est en alourdissant les taxes, toujours plus de taxes, qu’il va relancer l’industrie, un seul moyen , foutre la paix aux entrepreneurs et renvoyer les verts à la niche.

    • Il est grand temps de revenir à une véritable écologie de bon sens et de cesser de brasser de l’ait inutilement.

    • Bien dit, qu’il baisse la TVA de 10% et tout le monde en profitera, les entreprises qui pourront exporter et embaucher et les clients en bout de chaîne. Le QUOI QU’IL EN COÛTE, c’est soit des emprunts, soit nos impôts

  12. Le diable s’est emparé des esprits et nous emporte vers l’enfer au nom des « bonnes intentions ». J’ai écouté Attali ,chez Bercoff, pour son dernier livre. En fait il en appelle à la démocratie, à l’esprit critique et en même temps , il préconise la contrainte par la force pour imposer les bons comportements (que la caste aura décidé). Pour moi, il en ressort que Attali préconise le totalitarisme, le crédit social en prêchant la démocratie et les contres pouvoirs. Comme grand écart, il n’y a pas mieux. Il m’a bien fait rigolé quand il a dit qu’on était libres de recevoir ou pas l’injection covid…sans rappeler que les « désobéissants » étaient sanctionnés de privations…(C’est du Orwel : être libre c’est obéir…) Esbrouffe, manipulation, culpabilisation…du macronisme pur jus.

  13. Pour avoir été biberonnés à l’école du GIEC comme la plupart des « zélites » de ce pays, il ne faut pas s’étonner des décisions prises non pas pour réindustrialiser la France mais l’enfoncer un peu plus dans le gouffre des absurdités escrologistes des « sauveurs de la planète. Un preuve supplémentaire, s’il en est, de la bêtise humaine de ces gardiens du temple : le rapport de la Cour des comptes qui « s’octroie le droit » de décider qu’il nous faut diminuer de façon drastique le cheptel français et ce pour … sauver la planète !! On est chez les fous, furieux avec ça.

      • Ce n’est pas idiot de vouloir sauver la planète, mais c’est d’abord la préserver de l’imbécilité humaine et de sa prétention à gouverner les éléments.

    • Il est grand temps que l’on cesse d’invoquer le GIEC et que l’on fasse appel à notre Académie des Sciences pour leur demander un véritable rapport ,non biaisé, sur l’état de la planète. Peut-être n’ont-ils pas encore été totalement contaminés par les prévisions apocalyptiques et peut-être sont-ils encore en mesure de raisonner sainement. Il faudrait faire appel à eux avant qu’ils n’aient été complètements entraînés par le délire ambiant et le bourrage de crâne permanent de soi-disant écologistes ignorants.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Il y a un retour des rituels et de la pratique catholique
Gabrielle Cluzel sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois