Le RN votera-t-il la motion de censure contre Gabriel Attal ?

Le RN joue l’apaisement, si l’on en croit les déclarations de Jean-Philippe Tanguy.
JEAN-PHILIPPE TANGUY

À peine propulsé à Matignon, voilà déjà Gabriel Attal sous pression. En effet, la tradition voudrait qu’il demande la confiance de l’Assemblée nationale - règle non écrite, mais souvent de mise chez ses prédécesseurs. Mais, faute de majorité parlementaire, cette option n’est peut-être pas à l’ordre du jour.

Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, la pression en question vient, non point du Rassemblement national, mais du Parti socialiste et de La France insoumise. Pour les premiers, Olivier Faure, son Premier secrétaire, exige que le nouveau Premier ministre se soumette au vote plus haut évoqué. Quant aux seconds, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, brandit déjà la menace d’une motion de censure. Une position d’autant plus étrange que ces deux partis ont appelé à voter Emmanuel Macron lors du second tour de la dernière élection présidentielle.

Une opposition plus responsable que tonitruante…

De son côté, le RN joue l’apaisement, si l’on en croit les déclarations de Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe lepéniste à l’Assemblée, sur France Inter, ce 10 janvier : « Je ne pense pas que les Français veuillent qu’on ferme la porte a priori, qu’on censure a priori un gouvernement qui n’a encore rien fait. » Soit l’expression d’un bon sens pour le moins élémentaire, doublé d’un assez joli exercice de contre-pied : une fois de plus, les élus lepénistes sont là où on ne les attend pas.

Il est vrai que, de 1972, date de la fondation du Front national, à 2023, un long chemin aura été parcouru. Lequel paraît manifestement échapper à nombre de commentateurs de la chose politique, n’ayant pas pris la mesure des changements de forme, et surtout de fond, effectués par Marine Le Pen. Pour résumer, il fut un temps, aujourd’hui révolu, où cette droite s’affichant comme « nationale » était prisonnière de sa culture, faite de panache et d’esprit mousquetaire, prête à se faire tuer pour un bon mot. Pour résumer, elle aimait à se faire plaisir.

Contre les discours eschatologiques

La preuve par le groupe parlementaire FN élu à la proportionnelle, de 1986 à 1988. Jean-Marie Le Pen, fidèle à la tradition de la IVe République, n’avait pas son pareil pour y assurer le spectacle. Une tradition paradoxalement reprise à son compte par les ludions insoumis, avec leurs coups d’éclat et leur opposition quasi systématique.

Ce lyrisme fut aussi la signature d’Éric Zemmour, lors de la dernière campagne présidentielle, empruntant à Jean-Marie Le Pen son lyrisme des années 80. Jean-Luc Mélenchon paraissait d’ailleurs puiser à la même source : d’un côté, la peur du « Grand Remplacement » et, de l’autre, celle du « Grand Réchauffement ». De quoi galvaniser les foules, certes ; mais seulement celle d’esprits déjà conquis à ces thèmes. De son côté, Marine Le Pen misait tout sur un thème certes moins eschatologique mais autrement plus proche des préoccupations de nos compatriotes : l’angoisse des fins de mois ; soit une sorte de « Grand Déclassement » autrement plus tangible que les « enjeux civilisationnels » promus par ses deux concurrents.

Certes, se féliciter de la « créolisation » de la France en est un. Déplorer celle de la France de jadis en est un autre. Tout comme voir en ce pays millénaire une « start-up nation » participe du même registre prophétique. Mais, là encore, il s’agit avant tout d’effets de manche et de prétoires, même si celant évidemment une indéniable part de réalité.

Du coup, nombreux sont ceux à avoir rallié la stratégie mariniste du « bon élève » parlementaire consistant à voter, parfois oui et parfois non, aux lois proposées par le gouvernement. Face à la « bordélisation » promue par LFI, il y a donc la « bardellisation » du RN. Soit la propension au sérieux, au constructif. Pour terne qu’elle puisse être, la méthode semble néanmoins porter de plus en plus ses fruits.

À en croire ces sondages qui, jour après jour, saluent l’action du Rassemblement national, caractérisée par son refus du bruit et de la fureur, les Français semblent ne pas s’y tromper.

Picture of Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Laissons du temps au temps… laissons le RN continuer à travailler et à grandir dans l’estime des Français pendant les trois années qui viennent… le reste est du bla bla bla !

  2. J’ai voté Jean Marie Le Pen pendant plusieurs décennies, mais c’est terminé. Ils ne sont plus crédibles, trop de renoncements. J’ai voté Zemmour au premier tour de la présidentielle ,et Philippot aux législatives.

  3. Dans l’état actuel du pays, de pauvres gens naïfs sont prêts à se raccrocher au moindre espoir. Quelques phrases frappées au coin du bon sens (Il est vrai qu’on en a totalement perdu l’habitude) et cela suffit pour qu’une popularité monte en flèche. Mais il y a loin de la parole aux actes dans un pays entièrement soumis aux dictats Européens. Le RN et Reconquête n’ont aucun souci à se faire. Un gouvernement sous l’égide de Macron ne peut être qu’inefficace.

  4. « Olivier Faure exige »… Il y a des oxymores qui laissent rêveur. Il n’y a qu’un socialiste pour montrer une telle suffisance, totalement déconnectée de son poids réel dans le pays…

    • Léo Ferré :  » le socialisme est l’antichambre du fascisme  ». Tous ces inféodés à la NUPES nous en font la preuve quotidiennement !

  5. Après le « en même temps » macronien, voilà le « en même temps » du RN. Qu’attendre de ce parti qui après nous avoir dit que l’islam était compatible avec la république, s’être affiché en photos avec des voilées (Et ce tout sourire, n’est-ce pas madame Le Pen) avoir réclamé la retraite à 60 ans (une hérésie de gauche) et bientôt pourquoi pas la semaine des 32 heures (au train où ça va ) j’ai bien plus confiance en Reconquête qui eux sont cohérents et droit dans leurs basquettes !!

  6. RN = LR à ceci près que le RN n’est pas (encore) élu. Mais pour trahir ses électeurs c’est pareil.

  7. Chez tous ceux qui compose la Nupes, allant du rose pâle au rouge vif en passant par le vert-de-gris, on n’est pas à une contradiction près !

  8. On verra si G. Attal continuera à se soucier de l’Education nationale. Pour ce qui est de l’immigration, il sera peut-être plus actif dans la lutte contre l’immigration illégale mais ne comptons pas sur lui pour s’attaquer à l’immigration légale. Inutile de le censurer dès à présent. Macron nous trouvera quelqu’un de pire.
    G. Attal est chargé de faire reculer le RN mais il ne manquera pas de nous décevoir rapidement.

    • En effet, Attal est le pion magique sorti de la manche de notre magicien macron pour contrer le RN. Il aura tout essayé et nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

  9. Là est exactement le « problème » lorsque Jean-Philippe Tanguy, dit sur France Inter : « Je ne pense pas que les Français veuillent qu’on ferme la porte a priori, qu’on censure a priori un gouvernement qui n’a encore rien fait. » ! …
    les français ne leurs demandent pas de « penser » mais de faire ce que plus de 75 % des français veulent : destituer le « Président-des-cercueils » et le condamner pour haute trahison envers le peuple et la nation FRANCE ! … Les calculs électoraux de tous ces coucous poli-tocards ne sont qu’électoraux et leur « travail » n’a qu’un seul but : conserver leurs strapontins à la « République de la France » ! … Et évidemment pour caser le plus de « copains » au parlement européen dès que c’est l’heure d’aller bouffer encore plus à la gamelle de l’UE ! …

    • Je suis de votre avis. Mais lorsque l’on voit que MLP, après le deuxième tour n’a ps porté plaine pour fraude (pourtant semblant évidente, car vue à la TV) ni pour le fait que le traitement des décomptes des voix a été fait aux USA, on se doute que le RN et le parti renaissance (renaissance de quoi? De la dictature?) sont dans le même bateau.

  10. Après avoir voté la loi immigration, on peut attendre toutes sortes de compromission de la part du RN, hélas

  11. J’espère que le RN votera la motion de censure. On dit qu’attal est audacieux et courageux alors qu’il demande la confiance au parlement sinon son courage et son audace ne sont qu’utopie

    • Mais c’est gros comme le nez au milieu de la figure. Mais plus c’est gros et mieux ça passe. Attal est le pantin utile dont macron tire les ficelles. Attendez-vous…

  12. Le RN a raison de refuser une motion contre le nouveau ministre pour faire taire les commentateurs qui commencent à expliquer d’un ton docte qu’ils ont peur de voir monter Attal au détriment de Bardella. S’ils votaient cette hypothétique motion, les RN laisseraient penser qu’ils le craignent. De plus, en ne suivant pas LFI, ils prouvent qu’ils laissent une chance au nouveau ministre, même si chaque Français devine sa politique : du Macron pur et dur ! Pas d’inquiétude, Attal montrera très vite qu’il n’est pas Jordan Bardella !

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L’extrême gauche est une gangrène qui tient les universités françaises
Gabrielle Cluzel sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois