Le roman de l’été : La Reconquête (4)

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Le même jour, 20 heures, Carhaix, Bretagne

Maxime et Pierre-Yves étaient avec leurs amis au bar, au Central Café. La télévision était allumée et le silence était pesant, il semblait qu’il y avait eu des attentats un peu partout dans le pays. Le JT commença et annonça immédiatement les chiffres redoutés : plusieurs centaines de morts, des dizaines de villes touchées, l’état d’urgence décrété et l’appel au calme et au respect de tous de la part du gouvernement.
– Putain, ils nous font encore le coup du Padamalgam, ils nous prennent pour des cons ou quoi ? Combien de temps on va continuer à se faire égorger comme des moutons ? On sait très bien qui a fait le coup, ras le bol, à la fin !
Robert, la grande gueule de la ville, avait lancé les hostilités. Un brouhaha d’approbation suivit ses propos.
Pour autant, comme toujours depuis le début des attentats, soit près de deux décennies auparavant, pas un d’entre eux ne se posait la question de la vengeance. Ils attendaient, exaspérés, que l’État « fasse le boulot ».
Mais, cette fois, Maxime sentit une atmosphère un peu différente. Il entendait beaucoup de ses camarades appeler à l’action. Il prit la parole :
– Faut qu’on arrête de se plaindre si on fait rien. Montrons au gouvernement qu’on n'en peut plus et qu’il doit faire quelque chose, ils nous ont promis la fermeté et la sécurité, alors allons la chercher ! On n'a qu’à recommencer, comme y a quelques années avec les gilets jaunes.
– Ouais, t’as raison, on doit se bouger. On n'a qu’à organiser une manifestation.
C’était Robert qui lui répondait.
Une voix se fit entendre du fond de la salle :
– Ouais, mais on demande quoi ?
Robert lui répondit aussitôt :
- Il faut pas qu’on nous prenne pour des racistes ou je sais pas quoi, on n’a qu’à demander la sécurité et dire que si l’État ne fait rien, on fera des milices de défense.
Chacun prit part à la discussion.
– T’es sérieux ?
– Il a raison, il faut qu’on se défende ! Ou c’est eux qui se bougent, ou c’est nous qui le faisons !
– Mais vous êtes des malades, on va tous finir au trou, j’ai pas que ça à faire, moi !
– Moi je suis d’accord avec Robert, on fait comment pour organiser une milice, les gars ?
Maxime observait la scène avec intérêt, il finit par imposer le silence et prendre la parole :
– Je vous propose un truc : on appelle tous nos contacts d’ici ce soir. Quand je dis tous nos contacts, c’est les copains, la famille mais aussi nos clients, nos fournisseurs, nos distributeurs. On appelle tous ceux qu’on peut et on leur propose une assemblée citoyenne demain soir – ça fera peur à personne, une assemblée citoyenne. Et pendant la réunion, on leur explique ce qu’on veut faire, on leur montre qu’on n’est pas des violents, qu’on en a juste marre des terroristes et des racailles. Y a eu 29 morts à Brest, 18 à Quimper dans les attentats, tout le monde sera d’accord pour agir, à nous d’être convaincants.
Toute la petite assemblée, une quarantaine de personnes, composée presque uniquement d’ouvriers, de routiers et d’agriculteurs, décida d’organiser le mouvement dans la nuit.

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