[LE ROMAN DE L’ÉTÉ] Opération Asgard – La méthode tenait ses promesses

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Pour retrouver l'épisode précédent, c'est ici.

C'est l'été et, comme chaque été, c'est le moment de changer un peu d'air, de prendre un peu plus de temps pour lire. BV vous propose, cette année, une plongée haletante dans la clandestinité durant la Seconde Guerre mondiale. L'auteur et l'illustrateur, Saint Calbre et La Raudière, nous racontent l’histoire d’un jeune étudiant d’Oxford, Duncan McCorquodale, issu d’une vieille famille écossaise, qui, en 1940, va être recruté par le Special Operations Executive (le fameux SOE), créé par Churchill cette même année 1940 lorsque toute l'Europe, sauf la Grande-Bretagne, s'effondrait face à Hitler. L’histoire, donc, d’un jeune patriote dont le « bon sang ne saurait mentir », comme naguère on avait encore le droit de dire. Il va se lancer, corps, âme et intelligence, dans la nuit jusqu’à devenir semblable à elle, pour reprendre l’expression de l'Iliade d’Homère. Car c’est dans la nuit qu’agissait le SOE ! Nos deux auteurs, Saint Calbre et La Raudière, tous deux saint-cyriens, « ont servi dans les armées », nous dit laconiquement et, pour tout dire, un peu mystérieusement, la quatrième de couv’ de ce roman publié aux Éditions Via Romana. On n’en sait et on n'en saura pas plus. Au fond, c’est très bien ainsi : « semblables à la nuit », comme leur jeune héros…

Opération Asgard est le premier tome d’une série qui va suivre notre héros sur plusieurs décennies : de la Seconde Guerre mondiale, en passant par la guerre froide, jusqu’à la chute du mur. Le second tome paraîtra cet automne.

Publié par BV avec l'aimable autorisation des Éditions Via Romana.

 

 

Chapitre 23 (suite)

La méthode tenait ses promesses

 

 

Au grand étonnement de Duncan, après deux jours de confusion et presque de désorientation (une journée en italien ayant succédé à la journée en français), le cerveau des stagiaires s’était remarquablement ajusté aux exigences de la méthode d’Arthur. Il y avait dans cette accoutumance une part de jeu (notamment avec les gestes à faire ou à ne pas faire à table), une part de grand sérieux dans les échanges entre les agents, qui mettaient un point d’honneur à prononcer parfai­tement les mots qui se trouvaient sur la « pierre de Rosette d’Arisaig », mais aussi un grand intérêt pour les spécificités culturelles et les films. Passés sous forme de courtes séquences de quelques minutes, d’abord en anglais puis en version originale, ils éveillaient la curiosité du petit groupe, qui trouvait toujours le secours de l’un d’eux pour se faire traduire ou expliquer telle ou telle subtilité.

Le soir, ils envoyaient en morse, ou codaient avec un système simple, de brèves phrases de la langue qu’ils apprenaient ce jour-là. Quand il s’agissait d’un jour consacré au russe, ils s’adonnaient seule­ment à la calligraphie de cet alphabet qui leur était (sauf à Diana) profondément exotique.

Au bout d’une semaine, ils pouvaient comprendre en trois langues, comme le leur avait promis Arthur, des phrases anodines auxquelles ils étaient en mesure de répondre, en quelques mots simples, avec un accent parfait. Le russe résistait toujours à la plupart d’entre eux, mais ce n’était pas la priorité du centre. Leur aplomb, qui avait été développé pendant leur formation en ville, leur aurait permis de passer des contrôles élémentaires ou de se déplacer sans éveiller l’attention. La méthode tenait ses promesses.

 

Un après-midi, le major Vaughan fit son entrée dans la salle pendant la projection du récent Alexandre Nevski, du russe Eisenstein. Arthur éteignit immédiatement le projecteur, qui cessa de ronronner, et alluma la lumière. Par courtoisie, les stagiaires voulurent se lever. L’officier les arrêta d’un geste.

— Je ne vous ferai pas l’offense d’essayer de vous parler autre chose qu’anglais, mes amis, commença-t-il. Il faut savoir reconnaître ses propres insuffisances, et dans mon cas, les langues étrangères en font partie.

Nos neuf agents sourirent à cette manifestation d’autodérision bien anglaise. L’humour, lui aussi, caractérisait certaines langues.

— Dès demain, commença Vaughan, vous aurez pour mission, en plus de la remarquable formation qui vous est dispensée par Arthur, de concevoir des opérations simples : préparer la réception d’une équipe sur un terrain d’atterrissage de fortune, entrer dans un endroit privé dont les propriétaires ne vous attendent pas, poser des explosifs sur un point stratégique – et tout cela dans la plus totale discrétion, évidemment. Chacun de vous, à tour de rôle, sera à la tête de l’équipe. Le chef d’équipe sera responsable des repérages, de la coordination des différents éléments et de leur commandement sur le terrain. Enfin, même si je n’ai aucune estime particulière pour le système scolaire traditionnel, nous vous noterons et nous vous classerons à cette occa­sion, sur la base de vos performances passées et de votre implication dans cette phase « opérationnelle », si l’on veut.

L’effet de surprise était total. C’était d’ailleurs très certainement le but recherché.

— Et nous commencerons avec vous, lieutenant McCorquodale.

Duncan ne broncha pas et inclina la tête en signe d’assentiment. Pourtant, outre le fait qu’on l’appelait pour la première fois par son grade militaire, il était à la fois impatient et anxieux de devoir s’atteler à la conception d’une opération clandestine. Sa désignation provo­quait donc chez lui bien davantage que ce simple hochement de tête.

— Vous passerez me voir à 6 heures ce soir. Nous vous communi­querons les éléments dont vous avez besoin pour mener à bien cette mission. Bon, fit-il sur un autre ton, je vous les laisse, Arthur.

Le commandant du centre quitta la pièce, refermant derrière lui. Il y avait toujours un nouveau défi, entre les murs gris du château écossais.

Sans commentaire, Arthur remit en marche le projecteur, qui montrait le héros russe combattant les chevaliers teutoniques sur la glace, sur une superbe musique de Prokofiev.

À suivre...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 19/08/2024 à 16:53.

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