C’est samedi, c’est pizza. Eh bien, non ! Et pas avant longtemps…
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Dans La vie est un long fleuve tranquille, le lundi, c’est raviolis. Pas chez nous. Ma faute : un lourd traumatisme qui remonte aux années d’internat en collège militaire. D’ailleurs, c’était pas le lundi mais le dimanche soir. Passons. Chez nous, le samedi soir, c’est pizza. On la commande et on va la chercher à la pizzeria du village. Comme, sans doute, des centaines de milliers de Français, le samedi ou le dimanche soir, dans leur village ou leur quartier. En général, on y va vers 19 heures. Pas trop tard. Là, vous savez tout et je sens bien que cela vous passionne. Mais faut lire jusqu’au bout.
Cette pizzeria, donc, comme sans doute des milliers de pizzerias en France, tente de survivre, vivoter, depuis de nombreux mois, entre confinement, déconfinement partiel et couvre-feu total. Les charges fixes, elles ne font pas le yo-yo comme le chiffre d’affaires. Elles sont toujours là, notamment le loyer qu’il faut bien payer à un propriétaire qui en a sans doute besoin pour vivre, voire survivre ou vivoter, lui aussi, comme des centaines de milliers de propriétaires en France. Donc, j’arrive vers 19 heures. Les chaises du restaurant sont empilées sur les tables. Car l’établissement, pour prendre un horrible terme réglementaire, en temps normal, offre un service à table, à l’intérieur, et, aux beaux jours, en terrasse, comme des milliers d’« établissements » en France. Que c’est triste, non pas Venise, mais des chaises de restaurant posées sur les tables. À une heure du matin, quand le service, en temps de paix (nous sommes en guerre, comme chacun sait), est fini, que l’on a fait la caisse et que l’on a hâte d’aller au lit, oui. Mais à sept heures du soir, à l’heure des poules, une heure avant Anne-Claire Coudray, c'est un peu à pleurer ! En plus, c’est l’hiver, il fait nuit. Pratiquement personne dans la rue. En province, on se couche tôt, c'est bien connu, sauf peut-être du gouvernement...
La patronne, malgré tout, a le sourire. Comment fait-elle ? Je ne sais pas. Avec ce sourire, elle annonce aux quelques fidèles clients qui font la queue bien sagement, masqués et à bonne distance de sécurité comme on leur apprend depuis neuf mois, que ce samedi soir est le dernier avant longtemps. Le 15 décembre, c’est le couvre-feu à partir de 20 heures. Or, le coup de feu, pour cette petite pizzeria, comme des milliers de pizzerias en France, c’est entre 19 heures et 21 heures. Les gens ne vont pas venir chercher leur pizza à l’heure du goûter, non plus. Et si tout le monde vient entre 19 heures et 19 heures 45 (à 20 heures, faudra être rentré chez soi et avoir calfeutré les huis de la maison, des fois que la patrouille passe par là), petit un, les gens vont s’amalgamer et, petit deux, surtout, le pizzaïolo ne pourra pas suivre le rythme. Faire en une heure ce qu’on fait d’habitude en deux heures, ce n'est pas possible.
Donc, résultat ? Le feu du four à bois de la pizzeria va s’éteindre jusqu’à nouvel ordre, ce 13 décembre. Sans doute comme pour des milliers de pizzerias en France. Et c’est ainsi que le petit commerce de nos villages et de nos quartiers crève à petit feu.
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