Le sang des mots

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Raquel Garrido, éminente figure de La France insoumise, avocat de son état, a cru bon de relayer la menace délirante balancée sur les réseaux sociaux par des exaltés de la protestation. « Louis XVI, on l'a décapité, Macron, on peut recommencer », voilà ce qui y était vomi. On ne fait guère mieux en matière d'appel à la haine, d'incitation au meurtre.

Et c'est précisément ce qui lui a été reproché par un étudiant. Mais Mme Garrido n'est pas du genre à s'émouvoir pour si peu. « Je crois que vous devez relire l'histoire », a-t-elle eu le front de répliquer, « la mort de Louis XVI est précisément un acte de la fondation de la République. » Justement ! Faut-il rappeler à Mme Garrido que la condamnation à mort du roi résulte d'une parodie de procès, d'un déni de justice qu'on ne revit guère que dans les tribunaux staliniens. Mais après tout, il se peut qu'à l'extrême gauche on soit un tantinet nostalgique de cette interprétation si particulière du droit et surtout de la justice. Cela dit, Mme Garrido devrait assumer une évidence, cruelle évidence : ce ne serait donc pas seulement l'exécution du roi qui serait un acte fondateur de la République, mais aussi et surtout cette parodie de justice...

Faut-il rappeler que Mme Garrido est avocat ? Inscrite au barreau de Paris, elle n'arbore pas l'hermine blanche sur sa toge, à la différences de autres barreaux de France. En signe de deuil, disent certains, après l'exécution de la reine Marie-Antoinette. Autre parodie de procès... Et il y a plus irresponsable encore de sa part, et de celle de M. Mélenchon volant à son secours. Se faire l'écho de telles menaces, c'est vouloir ignorer que les mots ne sont pas que des mots. Ils sont des actes en devenir. La violence verbale se mue, à terme, en violence physique. Elle l'induit, la prépare, la rend envisageable, familière et finit par la rendre inéluctable. À force de dire l'horreur, l'horreur se produit.

En 1789, lorsque tel bourgeois épris d'idées nouvelles, tel aristocrate « progressiste » se laisse aller, du haut d'une tribune de hasard, à clamer que des têtes doivent tomber, sans doute ne s'imagine-t-il pas alors, à ce moment précis, que les têtes de ses compatriotes vont effectivement rouler dans le panier. Et c'est pourtant ce qui va arriver. Il en est de même pour la violence que l'on subit actuellement dans les rues. Cette violence est d'abord dans le délire verbal des tweets et autres déversoirs d'ignorance. « Les mots sont des canailles », écrit Shakespeare. On ne demandera pas à Mme Garrido de lire Shakespeare. Qu'elle commence par l'Histoire de France. Ce sera déjà beaucoup.

Dominique Labarrière
Dominique Labarrière
Ecrivain, essayiste, conférencier

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