Le tilde (~) : « Une affaire ubuesque ? » Non, l’Histoire de France !
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Le Landerneau de la cour d’appel de Rennes est en émoi : faut-il reconnaître l’orthographe, refusée en première instance, d’un petit « Fañch » (François) qui, sans le tilde de son prénom, ne se sentirait pas français ? Faut-il accueillir cette lettre dans notre alphabet qui l’ignore ? C’est la question que pose un article du Figaro, en date du 8 octobre 2018.
Le tilde, mot espagnol, est un signe en forme de s couché sur certaines lettres. En castillan, il est une lettre à part entière ; en portugais, il permet de nasaliser les voyelles tout comme en breton. Signe d’abréviation dans les manuscrits latins occidentaux, il est utilisé comme tel en français jusqu’au XVIIIe siècle. Aussi le trouve-t-on dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts.
Le tilde est donc, en français, un signe non pas diacritique (comme le circonflexe) mais abréviatif : c’est ce que rappelle, au Sénat, en juillet 2018, madame Pénicaud, au nom du garde des Sceaux. Il n’a donc pas à être transcrit dans les actes officiels de notre langue. Madame Pénicaud propose donc aux communes la délivrance de "livrets de famille bilingues". Qu’est-ce à dire ?
Réponse dans le JO du Sénat en date du 9 janvier 2014. À la demande de monsieur Gérard Le Cam, des Côtes-d’Armor, de la délivrance d’un "livret de famille bilingue français breton", le Sénat avait répondu qu’il s’agissait « d’une traduction bretonne du livret, dépourvue d’effet juridique, pour autant qu’elle ait lieu à la demande des intéressés et que sa charge ne soit pas supportée par l’État ».
Si cette histoire de tilde dans un prénom se passe dans un pays qui fut un grand duché face au pouvoir royal, elle n’est pas anecdotique mais témoigne de la revendication des langues régionales. La « reconnaissance » des langues régionales remonte à 1999. Une Charte de ratification vit le jour en 2015 mais, le 27 octobre 2015, le Sénat en rejeta le projet de loi constitutionnelle au prétexte que ce texte revenait sur 400 ans de politique linguistique. Aucun statut officiel n’est donc reconnu à la langue bretonne pas plus qu’au basque, au catalan, à l’occitan, au corse, à l’alsacien, au mosellan, au flamand. La langue publique demeure « le français et pas autrement ».
La Constitution de la Ve République l’a rappelé. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille plus parler ni écrire en breton ni en basque ! Depuis 2000, le breton retrouve partout une belle vivacité, montrant qu’un patrimoine linguistique n’est pas un cimetière. « En quoi la mention d’un patrimoine linguistique pluriel est-elle contradictoire avec la reconnaissance du français comme langue commune ? » demande Mona Ozouf dans son beau livre Composition française. Fille d’un militant bretonnant, par son livre même, elle répond à cette question qui ne se serait pas posée à son époque sous la forme du tilde.
Quant au petit Breton au nom prédestiné, qu’il écrive son tilde, à la main, dans ses lettres personnelles. Affirmer son identité, c’est être un Français de Bretagne !
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