Le wokisme, « culture de l’éveil », selon le Journal officiel

woke wokisme

Le Journal officiel l’a annoncé dans son édition du 14 février 2024 : on ne dit plus woke ni wokisme, on dit « culture de la déconstruction », « culture de l’éveil ». Ainsi en a décidé la Commission d’enrichissement de la langue française. On s’interroge : une commission supposée connaître les mécanismes linguistiques et phonologiques qui propose comme alternatives à un mot des plus courts des expressions de cinq à huit syllabes ? C’est méconnaître la bouche gauloise, grande mâcheuse et avaleuse de syllabes, qui fit de Ludovicus, Louis, et de Clodoaldus, Cloud. Nous continuerons donc à dire woke - et même wokisme, « terme à proscrire ».

Culture de l’éveil, c’est quasi bouddhique. La déconstruction, c’est quasi pas de la destruction. Ce défaut d’objectivité se retrouve dans la définition qu’en donne la même commission dans le même numéro du Journal officiel. À la lire, qui n’adhérerait au wokisme ? « Mouvement d’idées apparu aux États-Unis au début du XXIe siècle, qui appelle à une prise de conscience des injustices structurelles s’exerçant au détriment de certaines catégories de la population et sur lesquelles sont selon lui fondées les sociétés occidentales, et qui s’attache à les analyser et à les faire disparaître. » La seule restriction (« selon lui ») est de faible portée.

Le wokisme, une mafia sociologique et mentale

La positivité supposée du wokisme a été dénoncée avec fermeté, il y a deux mois, par Nathalie Heinich, sociologue du CNRS et auteur de Le wokisme serait-il un totalitarisme ? (Albin Michel). Même si le mot est « préempté par la droite voire l’extrême droite américaines » (et alors ?), elle revendique de dénoncer ce courant elle aussi. Elle dresse un parallèle entre le wokisme et la mafia : comme celle-ci, « il assoit son pouvoir par la collusion, l’intimidation, les réseaux parallèles, l’infiltration dans les institutions et la corruption » - à savoir la corruption des mots « diversité », « inclusif », « antiracisme », « décolonialisme », « violences sexistes », « féminisme », etc.

Nathalie Heinich suppose que ces termes, qui accompagnaient de bons combats, ont été détournés et corrompus par le wokisme. Mais le wokisme aurait-il été recevable sans ce long conditionnement préalable qu’a été, par exemple, l’antiracisme ? L’antiracisme a dénoncé un racisme imaginaire et supposé européen, a formaté les esprits, a instillé en chacun une autocensure… Bien des traits en font un marchepied du wokisme.

Rachida Dati contredite par le Journal officiel

« Le wokisme est devenu une politique de censure, déclarait, début février, le ministre de la Culture Rachida Dati. La culture, ce n'est pas la déconstruction, ce n'est pas l'effacement. Je ne serai pas quelqu'un aux côtés des censeurs. » Le Journal officiel, huit jours plus tard, l’a contredite. La définition qu’il donne du wokisme ne précise pas que « faire disparaître des injustices structurelles » passe pas la réécriture des livres, des opéras, des films, des titres de tableaux, par la censure des statues, des rues… Gênant, de la part d’une commission dite « d’enrichissement ». Puisque « le Journal officiel publie les textes législatifs et réglementaires de la République française », cette définition du wokisme très complaisante dans sa formulation et ses omissions a donc valeur officielle. Prochaine étape, qu'il soit reconnu d’utilité publique ?

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Je crois que ce concept est en train de crever. Il ne me manquera pas.
    Je suis toute la journée au contact de gens de différentes origines sociales, je ne les sélectionne pas et je suis amené à parler avec un peu tout le monde. Les dérangés du cerveau, traîtres à leur race, à leur lignée et à leur culture sont minoritaires ; hélas ces fondus sont très agissants. Pour le moment !

  2.  » Elle dresse un parallèle entre le wokisme et la mafia : comme celle-ci, « il assoit son pouvoir par la collusion, l’intimidation, les réseaux parallèles, l’infiltration dans les institutions et la corruption » – à savoir la corruption des mots « diversité », « inclusif », « antiracisme », « décolonialisme », « violences sexistes », « féminisme », etc. » Le pouvoir politique utilise les mêmes méthodes, depuis Giscard. Et voilà où ça nous a amenés.

  3. Bravo à Rachida DATI : pourra t elle mettre fin à la déconstruction systématique d’oeuvres littéraires classiques qui ont nourri les esprits de générations antérieures à cette révolution fondée sur de fallacieuses intentions de ‘redresseurs de torts’ ????

  4. Décidément nos journaux ne s’améliorent pas, même le JO (journal officiel) se met à diffuser des blagues stupides.

  5. Peu importe comment on l’appelle, il faut l’abattre et éradiquer ses partisans (même s »ils viennent du Journal Officiel.)

  6. Je suis allé sur une plage où j’ai vu des enfants construire des châteaux magnifiques. Des choses incroyables avec des rampes d’accès, des créneaux, des motifs décoratifs. Et comme c’était une mer sans marée, ils sont restés ainsi plusieurs jours.
    Alors j’ai pensé à tous ces gens qui veulent tout déconstruire. Qui veulent abolir ce que nous avons construit depuis des milliers d’années. Comme si cela pouvait se décréter. Ces châteaux montraient la créativité et l’esprit de conquête qui ont fait tant d’inventions et la gloire de notre civilisation depuis 10 siècles…
    Alors une bonne fois pour toute, la déconstruction, ça n’existe pas. C’est un mot orwellien, de la novlangue. On ne déconstruit pas un immeuble vétuste, on le détruit. Et on y met autre chose à la place, que l’on construit. On détruit rapidement et on reconstruit patiemment. Voilà le réel. Déconstruire c’est juste détruire. C’est une mascarade révolutionnaire qui, du passé, veut faire table rase. Mais elle n’assume pas et avance masquée à l’aide de ce néologisme. Avec, en prime, aucun projet de substitution. Essayez de déconstruire un château de sable…

  7. A propos des longueurs de mots, le franglais m’avait été vendu comme étant constitué de mots plus courts que le français. Bien, mais alors, pourquoi utiliser le globish, nouveau nom du franglais, terme un peu vieilli, quand le mot français est plus court?

  8. Et que dit l’académie française ? N’a-t-elle pas son mot à dire sur l’évolution des mots et des expressions de notre langue ? Cette institution officialisée par Richelieu dont la mission est de la rendre éloquente, de servir aux plus près les arts et lettres a-t-elle encore son mot à dire ou doit-elle disparaître car venue d’un autre temps! La révolution l’avait épargnée, les Américains et leur ‘wokisme » oh, pardon, « leur culture de l’éveil » auront eu raison d’elle!

  9. En Amérique il ne fait plus recette et les français dans leur grande majorité le snobe , il faut juste veiller à ce qu’il ne vienne pas pourrir le cerveau de nos petits dans les écoles .

  10. L’humoriste Blanche Gardin avait suggéré la traduction (exacte) par « Eveillés », car ça en renforce le côté secte. J’ai donc choisi de les appeler ainsi.

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