Légion d’honneur : Amélie Oudéa-Castéra en est

On ne dira jamais assez les méfaits, réels ou fantasmés, de la censure du gouvernement Barnier. Entre autres, le report de la fameuse promotion civile de la Légion d’honneur du 1^er janvier que l’on découvre traditionnellement en regardant le concert du Nouvel An à Vienne et en digérant ses huîtres de la veille. Mais ça y est, c’est fait, le mal est réparé. Mercredi dernier, le Conseil des ministres a pu examiner les propositions d’élévation aux dignités de grand croix et de grand officier, aux nominations au grade de commandeur et aux nominations à titre exceptionnel, et les décrets viennent d’être publiés au Journal officiel de la République française. Et, franchement, on se dit que ça valait vraiment le coup d’attendre un peu.

D’abord, sont nommés « à titre exceptionnel » Marlène Schiappa, qu’on ne présente plus à BV, et l’ancien ministre des Transports Clément Beaune. « À titre exceptionnel », ça veut dire quoi ? En principe, pour être admis au grade de chevalier, « il faut justifier de services publics ou d'activités professionnelles d'une durée minimum de vingt années, assortis dans l'un et l'autre cas de mérites éminents ». Or, Marlène Schiappa ne justifie que de 18 ans de service et Clément Beaune 17 ans. Mais un article du Code de la Légion d’honneur prévoit que « les services exceptionnels nettement caractérisés peuvent dispenser des conditions » normales. Donc, Marlène Schiappa et Clément Beaune ont rendu des services exceptionnels nettement caractérisés. CQFD. Notons que si Clément Beaune n’avait pas été battu aux dernières élections législatives par le socialiste Emmanuel Grégoire, il aurait fallu qu’il attende pour se voir reconnaître ses services exceptionnels, les parlementaires ne pouvant être décorés durant leur mandat. On va dire que c’est un lot de consolation.

Parmi les autres anciens ministres décorés, on trouve Olivier Dussopt. En juin 2024, il avait décidé de ne pas se représenter pour un cinquième mandat aux élections législatives dans l’Ardèche. « Personne n’est propriétaire de son mandat ou de sa circonscription », avait-il déclaré. C’est beau. Avait-il senti le vent tourner ? Sa suppléante, désignée à l'arrache comme candidate à sa place, fut balayée dès le premier tour et c’est le candidat ciottiste Vincent Trébuchet qui l’emporta au second tour devant le candidat NFP. Encore un lot de consolation ? Citons encore, parmi les anciens ministres promus, Rima Abdul Malak, « petit ange parti trop tôt » du ministère de la Culture en janvier 2024. Evidemment, n'oublions pas Amélie Oudéa-Castéra, qu’on ne présente pas non plus. Sa Légion d’honneur, ce n’est pas au feu qu’elle l’a gagnée, mais en se jetant à l’eau, avant Anne Hidalgo. Souvenons-nous de ses mots qui resteront dans l’Histoire de France, au même titre que ceux de Cambronne ou de Mac Mahon (« Que d’eau ! ») : « Elle est douce ! ». La pauvrette avait glissé, mais n'avait pas voulu ressortir la fameuse phrase de Pithivier dans La 7^e Compagnie : « J'ai glissé, chef ! ». Macron, la larme à l’œil, décroche donc la croix de sa poitrine pour l’épingler à celle d’Oudéa-Castéra et lui tire gentiment l’oreille, une fois le bonnet de bain ôté. Là encore, c’est beau.

Poursuivons la revue d’effectifs et passons de la Seine à la scène. Sont nominés le chanteur Etienne Daho, Camille Cottin, avec seulement 15 ans de services (!), mais aussi Mélanie Thierry, qui âgée seulement de 41 ans justifie de 28 ans de services. Il est vrai qu’elle tourna pour la première fois en 1998, alors qu’elle n’avait que 17 ans. Enfin, n’oublions pas notre imitateur national, Laurent Gerra qui n’aura que l’embarras du choix parmi ses nombreuses victimes pour se faire remettre le ruban rouge.

Dans cette promotion du 1^er janvier, une « promotion spéciale Cathédrale Notre-Dame de Paris 2024 » distingue une trentaine de personnes : des chefs d’entreprises, conservateurs, conducteurs de travaux, artisans (une soixantaine se voit décerner l’ordre national du Mérite). Enfin, citons Philippe Labro, élevé à la dignité de grand officier. Âgé de 88 ans, le journaliste, écrivain et réalisateur était commandeur depuis 2010. Il fut un des rares journalistes français à se trouver à Dallas quelques heures à peine après l’assassinat de Kennedy, le 22 novembre 1963. Démarra alors une carrière exceptionnelle. « Exceptionnelle », comme la Légion d’honneur de Marlène Schiappa, bien évidemment.

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