Législatives : imprévision sondagière et système électoral

urne élections

Dimanche 7 juillet à 20 heures, on a pu vivre en direct l’énorme surprise liée à l’écart majeur entre les résultats électoraux et les derniers sondages publiés pour le nombre de députés de chaque camp, comme l’atteste le tableau ci-après de trois instituts de sondage.

L’écart le plus massif concerne le nombre d’élus du Rassemblement national et de ses alliés autour d’Éric Ciotti (aimablement qualifiés, par le ministère de l’Intérieur, d’union de l’extrême droite-UXD), que tous les instituts de sondage voyaient à la première place et avec a minima 200 députés. Pourtant, le RN et ses alliés finissent troisièmes, avec 142 députés (125 RN, 17 alliés).

Les instituts de sondage ont été peu diserts sur cette considérable erreur de prévision qui contraste totalement avec la fiabilité des estimations pour les élections européennes et le premier tour des élections législatives.

Un axe majeur d’explication d’un tel écart tient aux particularités du système électoral français, sachant justement que tout écosystème politique est au moins autant structuré par le système électoral que par les arrangements constitutionnels. Les élections législatives françaises ont lieu avec un scrutin uninominal à deux tours, avec possibilité pour tous les candidats ayant obtenu un score représentant 12,5 % des électeurs inscrits de se maintenir au second tour… ou pas.

L’exercice de prévision était donc particulièrement difficile pour le second tour avec 577 élections locales, et surtout la mise en place d’un « front républicain » contre le RN, accord électoral entre le camp présidentiel autour d’Ensemble et le Nouveau Front populaire, avec des désistements ou absences de désistement suivant les cas et la volonté unique de faire perdre le RN quels que soient les désaccords politiques exprimés avant ou juste après l’élection. Comme l’indique Samuel Fitoussi, dans un article du Figaro qui évoque une « injustice démocratique », la règle de désistement n’était ni fixée d’avance ni liée au hasard mais visait, de facto, la maximisation asymétrique et l’intérêt électoral de la gauche ou du centre.

Le système électoral français est très original, si on le compare à ceux des autres pays occidentaux. Si on s’arrête aux trois autres pays les plus peuplés d’Europe occidentale, on constate que les élections législatives ont d’abord toujours lieu sur un seul tour :

- L’Allemagne a un mode de scrutin proportionnel plurinominal où l'intégralité des sièges est répartie à la proportionnelle des listes des partis ; ce système proportionnel avec ses variantes est d’ailleurs le système le plus répandu en Europe.

- Le Royaume-Uni a, au contraire, un mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour (ou First-past-the-post) : le candidat qui recueille le plus de voix gagne l’élection, quel que soit son score.

- L’Italie a, depuis une loi de 2017, un système mixte à un tour avec 37,5 % de sièges alloués par un scrutin uninominal majoritaire, et le reste à l'aide d'un système proportionnel.

Il est utile de voir ce qu’auraient été les résultats des élections françaises, en sièges, avec application des règles de nos voisins, par exemple en regardant la situation du RN :

- Le RN et ses alliés auraient emporté la majorité absolue avec le système britannique (comme vient, d’ailleurs, de le faire le Parti travailliste aux élections générales du 4 juillet dernier), puisqu’il était en tête dans 297 circonscriptions au premier tour (et même 457 circonscriptions aux élections européennes).

- Le RN aurait eu 231 députés (40 % du total) avec le système mixte italien et 192 (33 %) avec le système proportionnel allemand, à comparer au total de 142 députés (25 %) élus à l’issue des élections législatives.

Rappelons, enfin, les conséquences majeures du système électoral sur la vie politique et le fonctionnement du gouvernement : le système britannique permet le plus souvent la constitution rapide d’un gouvernement (Keir Starmer nommé Premier ministre le 5 juillet, le lendemain des élections), tandis que les systèmes proportionnels avec de multiples partis conduisent à de longues et laborieuses négociations sur la constitution du gouvernent et son programme, à l’instar du nouveau gouvernement néerlandais dirigé par Dick Schoof et mis en place le 2 juillet, alors que les élections ont eu lieu en novembre 2023.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 15/07/2024 à 12:10.
Georges Le Breton
Georges Le Breton
Haut fonctionnaire en activité, spécialiste des politiques publiques.

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Les prévisions ont été faites à partir d’une population arabo-musulmane de 5 millions d’individus, or pour atteindre le score du NFP il faut qu’elle soit beaucoup plus importante sans doute pas loin du double, mais chut n’effrayons pas les gaulois, le grand remplacement a commencé.

  2. 500 signatures de notables soumis à des pressions du pouvoir pour la présidentielle, un seuil de 5% des votants pour avoir le droit d’exister à l’Assemblée Europeenne, des découpages de circonscriptions assez improbables pour les législatives (cela semble être un peu passé de mode), et enfin des votes par internet qui semblent être plus favorables pour le pouvoir que ceux trouvés dans l’urne, dixit Asselineau que j’ai tendance à croire, pas étonnant que beaucoup boycottent ce simulacre de démocratie qu’est une élection en France.

    • Le système de scrutin à 2 tours est anti démocratique car il favorise les magouillards et les tambouilles seul le scrutin à 1 tour à la proportionnelle est démocratique Pas étonnant qu un tiers des français ne vote pas

  3. Nous ne pouvons que constater la défaillance de notre système électoral à dégager une majorité représentant la vraie volonté populaire, tous les systèmes des pays voisins dégageant une majorité crédible quand à la vision du ressenti National.

  4. La France est pourrie jusqu’à la moelle….attendons un peu !!! Système et certains médias sont à vomir mais nous allons réagir. Vive La France.

  5. le macron principal instigateur du recul du Rn mais pas pour ses amis ultra gauche et islamogauchistes d’où la pagaille en ce moment à tel point que ce cynique personnage jette la faute sur les autres mais surtout pas lui

  6. Les instituts de sondages font partie des instruments de guerre psychologique. Par dessus, on ajoute les journalistes qui, selon leur sensibilité, annonce les résultats. Alors, la bête immonde va nous dévorer ou rester à la niche. En réalité, la véritable bête immonde est déjà en place à Bruxelles avec un chien-chien pervers à l’Elysée.

  7. Voir qui est à la tête des instituts de sondages et aussi les magouilles de certains pour garder le pouvoir .

  8. Les instituts de sondages devraient par honnêteté dire quand un sondage est irréaliste et éviter de faire des projections en sièges , avec une boule de cristal ?
    Mais , on peut se demander si « gonfler » les performances d’un parti n’est pas aussi un moyen , avec la peur diffusée par ailleurs , de faire baisser ce parti dans les urnes .

    • Je vois deux intérêts a la surestimation du RN
      1 Faire peur pour mobiliser les opposants.
      2 Pouvoir dire le RN est en recul (par rapport aux estimations) alors qu il progresse dans les urnes.
      Et cela marche auprès des moutons. Ainsi on peut leur mentir et sembler credible en annonçant que nfp a gagné.

  9. La peur était dans les isoloirs , le président de la République agitait le spectre de la guerre civile , et la gauche menaçait d’actions violentes dans les rues , la presse majoritairement à gauche diffusait la peur , si le RN l’emportait .
    Les castors ont donc fait leur barrage , et les désistements ont fait élire des députés avec des voix opposées à leurs convictions ,

  10. La GB , les mêmes causes , l’immigration , l’islam menaçant la démocratie , l’insécurité ; produisent les mêmes effets , un changement de gouvernement .
    MAIS
    Le néo Labour , parti de centre gauche purgé de ses éléments gauchistes , islamistes , antisémites , arrive au pouvoir , 34% des suffrages lui donnent 65% des sièges . Il affiche une politique pour réguler l’immigration sauvage , une fiscalité qui ne veut pas tuer les entreprises , et une politique sociale réaliste, impensable chez nous !
    Les Conservateurs 24 % des suffrages et 18% des sièges , l’usure du pouvoir (14 ans) et un premier Ministre ultra riche et d’origine indienne qui avait du mal à passer dans l’Angleterre profonde et conservatrice.
    Reform UK , l’équivalent de Reconquête chez nous ; 14% des voix et 1 % des sièges , ce parti monte en flèche car le néo Labour est trop timoré dans sa lutte contre l’immigration , il va abandonner la procédure du Rwanda.
    Liberal démocrat 12% des voix et 11 % des sièges .
    Green 7% des voix et 1% des sièges .
    On voit comme chez nous, et même en pire, la distorsion entre le nombre de voix et le nombre des sièges.
    Le centre gauche avec 34% des voix gouverne très majoritairement , alors que la droite avec 50% des voix au total est éclatée en trois partis et reléguée dans l’opposition.

  11. La tambouille politicarde de Macron 1er aura mis tout le monde dans la même galère. Il doit exulter, le roi au petit pied.

    • Vous avez « l’explication » de ce pourquoi cet article est « truffé de fautes » en analysant la photo d’illustration de l’article :
      – Le gars « tourne le dos à l’objectif … de peur d’être reconnu ? ! …
      – Le gars indique qu’il est « haut fonctionnaire » …
      – ET surtout « il est en activité » ! …
      Il a dû prendre cette photo à son « poste » car il a sa « tenue de travail »: le fameux « petit costume gris » ! …

  12. Si on me demandait mon avis (ce qui n’est absolument pas le cas), comme je suis de culture gréco-latine, je privilégierai le système italien…

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