[L’ÉTÉ BV]Législatives: Macron désavoué emporte la France dans son propre échec

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Cet article a été publié le 08/07/2024.

Ce 7 juillet au soir, la clarification voulue par le président de la République a bien eu lieu. À l’heure où nous écrivons, tous les résultats du deuxième tour des élections législatives anticipées ne sont pas encore connus, mais les grandes lignes sont claires. En craquant une allumette dans un paysage politique qu’il a lui-même mis à l’état gazeux, Emmanuel Macron a obtenu une partie de l’effet recherché : la déflagration efface tous les calculs. Du passé, Emmanuel Macron a fait table rase, éclatant au passage façon puzzle sa propre majorité politique qui ne cesse de rétrécir. En 2017, le Président avait fait élire plus de 350 parlementaires, quand la majorité se situe à 289 sièges. Le premier quinquennat s’est déroulé, pour le chef de l’État, dans un confort absolu dont il n’a… rien fait ! Après le renouvellement de l’Assemblée en 2022, la Macronie pouvait encore compter, avant la dissolution, sur une majorité relative de 250 députés (169 Renaissance, 50 du MoDem et 31 d'Horizons) : elle s’est rétractée, ce 7 juillet, comme peau de chagrin. Seuls 157 à 163 députés macronistes échappent au massacre d’une polarisation revenue au triple galop.

Logiquement, Gabriel Attal remettra sa démission ce lundi à Emmanuel Macron, qui la refusera sans doute, le temps de trouver une solution à la crise qu’il a lui-même ouverte. Difficile de présenter ces résultats pour une grande victoire du camp présidentiel.

Effacer la volonté populaire

Et pourtant ! Pourtant, rien n’a été négligé pour parvenir à sauver les meubles dans le parti du Président. Aucune manœuvre, aucune alliance, même les plus honteuses. La Macronie a tendu la main au cartel rouge vif, tentant de trouver une place parmi la troupe hétéroclite haineuse qui s’est donné la main, du NPA de Philippe Poutou aux socialistes d’Olivier Faure et de François Hollande en passant par les LFI qui, hier, traitaient les mêmes macronistes de tous les noms à l’Assemblée. Il aura fallu que le parti présidentiel cède du terrain à tous égards, brouille le message sur Israël, saisisse les mains les plus sales, jusqu’à celles d’un fiché S élu à Avignon, demande à ses candidats de se désister en faveur de l'extrême gauche, pour effacer la volonté populaire clairement exprimée lors des européennes et réitérée lors du premier tour de ces législatives : celle d'une alternance avec le RN, premier parti de France. Voilà ce qui reste du Président hâbleur lors des débats avec Marine Le Pen, du candidat à l'Élysée qui hurlait, avec des airs de démence : « Parce que c'est notre projet ! » C'était il y a cent ans... Ce 7 juillet, l'ex-patron des députés macronistes Sylvain Maillard avait beau jeu d’affirmer, la main sur le cœur, sur BFM TV : « Il n’y aura pas de majorité construite ni avec La France insoumise, ni avec le Rassemblement national. »

La Macronie et ses alliés du NFP ont réussi à endiguer le flot des élus RN auxquels les sondages promettaient la majorité ou presque, mais à quel prix ? Au prix, d’abord, de cet embrouillamini idéologique digne d’un mauvais magicien qui prendrait son public pour des lapins de six semaines en sortant un faux pigeon du chapeau : l’alliance avec l’extrême gauche, y compris La France insoumise, est avérée, quoi qu’en dise le parti au pouvoir qui a pris ses voix dans maintes circonscriptions, sans barguiner. L'endiguement du RN se fait aussi au prix d’un isolement politique majeur. Il manque quelque 130 députés chez Ensemble pour atteindre le seuil fatidique des 289 voix à l’Assemblée. Les macronistes tenteront de séduire les LR anti-ciottistes, qui se diviseront sans doute une fois encore. Mais ils ne sont plus qu’une cinquantaine. Le compte n’y est pas. Il faut que des non-inscrits (ils sont entre 15 et 20) emboîtent le pas du radeau de la Méduse présidentiel dynamité par Macron lui-même. Et, surtout, que les socialistes et les Verts acceptent de baiser la main tendue par le pouvoir après l’avoir mordue sans ménagement depuis 2017. Impossible pour qui parle d’honneur et de cohérence. Mais tout peut arriver, dans ces familles politiques de gauche (PS, Verts, LFI) dont les élections européennes ont montré la faiblesse dans l'opinion mais qui conservent un appétit de pouvoir effréné. Des partis acculés à la disparition, poussés hors du système par les électeurs à force d’échecs et de trahisons, contraints de jouer la carte ultime de l’union nationale, jouant la carte usée de la résurrection d’un fascisme d’opérette, digne du Guignol du Champ-de-Mars. Seule compte la détention des leviers de commande. À tout prix.

Colère

Mais « bien mal acquis ne profite jamais », dit le proverbe. Ainsi, la soirée des dupes n’a pas fini de dériver en bombe à fragmentation. Les Français, qui ont choisi en masse le RN aux européennes, retrouvent ce parti en troisième position grâce à un jeu d’alliances contre-nature. Les mêmes Français qui ont désavoué la Macronie, réduite à la portion congrue à l’Assemblée (160 députés sur 577), vont sans doute assister au… maintien des macronistes au pouvoir via une alliance avec les adversaires d’hier. Tandis que le RN préparera l’alternance sans avoir à forcer son talent pour expliquer qu’il s’oppose seul à cet incroyable syndicat de la ruine : dans cet étrange cortège, l’aveugle (le macronisme qui n’a rien vu venir) guide le paralytique, suivi de ce que la politique française a produit de plus destructeur (les Verts, bourreaux des agriculteurs, ou les banlieues islamisées, enrôlées sans vergogne). Macron s'expose à la colère des Français... Jusqu’à ce que la déflagration finale, à la présidentielle, ne débarrasse enfin la France de ces politiciens à la fois artisans et rentiers du désastre. En attendant, comme un noyé, le Président s'agite sans fin et enfonce la France dans son propre échec.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

155 commentaires

  1. Le proverbe TURC prend ici toute sa dimension et colle parfaitement à Macron : « Quand un bouffon déménage dans un palais , il ne devient pas un roi . Le palais devient un cirque  » ……

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