Législatives : pourquoi Jordan Bardella refuse (pour l’instant) la main tendue d’Éric Zemmour

BARDELLA

Dans un monde idéal, Reconquête et le Rassemblement national devraient faire cause commune à l’occasion du troisième tour de l’élection présidentielle, les législatives. Seulement voilà, nous ne vivons pas dans ce monde-là. Et la main tendue d’Éric Zemmour survient un peu trop tôt, l’issue du second tour n’étant pas encore connue. Certes, Jean-Luc Mélenchon, en position de force à gauche, peut déjà envisager une éventuelle et future cohabitation avec Emmanuel Macron et obliger les autres « forces de progrès » à faire campagne sous son panache rouge ; tel n’est pas le cas d’Éric Zemmour, fort de seulement 7,1 % des suffrages récoltés au premier tour de la mère de toutes les élections.

Pour le moment, Jordan Bardella, président par intérim du RN, refuse toute forme d’alliances, ne se privant pas de rappeler, ce jeudi, sur BFM TV : « C’est assez cocasse de voir des gens qui ont pu s’éloigner de notre famille politique, qui ont pu porter des critiques parfois très sévères à notre égard, aux côtés d’Éric Zemmour, venir nous solliciter pour avoir un soutien aux élections législatives. » Et de conclure : « Il n’y aura pas d’alliances de partis, il y aura des candidats RN partout. »

Après, ce qu’un homme politique promet le jeudi matin ne l’empêche pas d’ensuite prétendre le contraire le jeudi après-midi. La preuve en est que le même Jordan Bardella tweete dans la foulée : « J’ai dit qu’il n’y aura pas d’alliances de partis, mais que la majorité présidentielle de Marine Le Pen accueillera évidemment en son sein des gens venus d’horizons différents. » Ce qui peut éventuellement concerner Éric Zemmour et ses nouveaux amis.

C’est probablement chez ces derniers qu’il faut aller chercher les clefs de cette profonde inimitié, quitte à remonter quelques décennies en arrière ; le 5 décembre 1998, plus précisément. C’est ce soir où commence, après un meeting plus qu’agité, à la Maison de la chimie, à Paris, l’équipée en solitaire de Bruno Mégret. Les proches qui l’accompagnent dans leur croisade contre Jean-Marie Le Pen sont à peu près les mêmes qu’on retrouvera plus tard chez les premiers partisans d’Éric Zemmour, sachant que d’autres mégrétistes ont avant constitué la garde rapprochée de… Marine Le Pen.

Ces deux factions se regardent désormais en chiens de faïence. Leurs différences ne sont pas dues qu’à ce vieux compagnonnage, noué à l’époque de la crise ayant jadis secoué le Front national, mais on dira, pour aller court, que la tendance populiste et sociale, une fois pardonnée de sa forfaiture, a rejoint Marine Le Pen, tandis que son homologue libérale et conservatrice s’est réfugiée chez Éric Zemmour. Inutile de citer des noms, ils se reconnaîtront. Que de haines cuites et recuites, de rancœurs à jamais inassouvies, et que l’on retrouve aujourd’hui, presque intactes. Ajoutons les dissensions familiales au sein du clan Le Pen et la coupe est pleine. Sans non plus négliger le probable amour déçu d’un Éric Zemmour vis-à-vis de Marine Le Pen – au moment de son ascension, il lui dédia quelques articles enflammés, espérant probablement devenir son cerveau d’appoint, ce qu’il ne réussit point – et là, c’est la même coupe qui déborde.

Une réconciliation de ces deux sensibilités paraît à ce jour d’autant plus improbable que les élections législatives consistent, déjà à se compter, mais surtout à compter les sous du financement public des partis. À 1,42 euro par an durant la législature et par voix obtenue au premier tour (à condition d'avoir fait au moins 1 % dans 50 circonscriptions), on y regarde déjà à deux fois avant de se partager le magot.

Dans un monde idéal, tel qu’écrit plus haut, les défenseurs de la souveraineté française auraient donc vocation à s’entendre. Nous en sommes loin. Après, n’allons pas non plus désespérer à la fois Boulogne et Billancourt : des accords, ne serait-ce qu’a minima, ne sont pas forcément à exclure, lors de cette prochaine échéance électorale. C’est d’ailleurs un peu ce qu’attendent leurs électeurs respectifs. À eux, donc, d’être à la hauteur des enjeux qui s’annoncent. C’est loin d’être gagné. Ce n’est pas perdu non plus.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

123 commentaires

  1. sans alliance le RN resteras au meme niveau qu’avant la présidentielle et si toutes les vérités ne sont pas bonnes a dire la prévision de Zemmour c’est avérée juste continuez comme ca et vous rejoindrez le PS et LR dans les poubelles de la république

  2. Pour une fois je vais être brutal : ce type n’a pas l’envergure d’un homme d’état soucieux de l’intérêt national. Il en reste à ses frustrations et à ses querelles d’ego quand la nation appelle au secours. Dramatique.

  3. Zemmour a eu pour stratégie d’ éliminer ses adversaires et en particulier MLP qu’ il a tenté de faire passer pour une incapable.  » Je lis, elle a des chats « . Une quiche, quoi ! Or si on compare les deux campagnes et leurs résultats, les faits parlent d’ eux-mêmes. Il ne suffit pas de rentrer dans le lard et de faire de magnifiques meetings. Cette désunion affichée a été délétère. Le camp souverainiste est apparu comme divisé et pas sérieux. Il faut changer de stratégie et de conseiller.

  4. Zemmour s’est lui même tiré une balle dans le pied . Avec des déclarations fracassantes ,il a effrayé beaucoup de Français . Quand on veut gagner, il faut savoir parler à Tous les Français, ce qu’à fait MLP . Maintenant sur le fond les idées sont très proches, sécurité , immigration déjà un bon socle commun. Reste à faire taire les Ego !

    • Je ne suis pas d’accord avec vous. E. ZEMMOUR s’est adressé à toutes les catégories sociales. Ses discours étaient clairs et parfaitement bien construits pour être compris par tous. On ne peut faire mieux. Il est même allé dans les quartiers les plus dangereux de France pour leur parler y compris dans celui où sont concentrés tous les drogués. Avez-vous vu MACRON en faire autant ?????

  5. La formulation de JB (‘ la majorité présidentielle de MLP accueillera évidemment en son sein des gens venus d’horizons différents’) n’est pas suffisante : il faut créer une véritable alliance de partis.

    • C’est, comme je le réaffirme, une position de chef de bande. « Je vous veux bien, mais sous ma coupe ».

  6. Le RN a totalement tort. En mettant son orgueil tout au fond de la poche, le RN devrait accepter la main tendue d’ERIC ZEMMOUR. C’est le moment ou jamais de nous prouver que leur combat est bien pour la FRANCE et son PEUPLE et non pour sauver leur propre parti !

  7. Tout sauf Macron. Je ne mêlerai pas ma voix à celle d’Extrême Gauche, d’anti fa, qui vont certainement allé voter comme Mélenchon l’a dit….Tout sauf la Gauche de la Déconstruction des Etats, qu’Ils veulent nous mener à un Empire faiseur de Guerre dans l’Histoire des Peuples, des Civilisations….

  8. Je suis resté sur ma faim de ne pas avoir eu de face à face Macron-Zemmour. Même si MLP a été meilleure qu’en 2012, et sans oublier qu’elle a déjà chuté, que le F.N. puis le R.N. n’a jamais Présidé, n’a pas fait de bons scores en régional ni municipal, Le R.N. devrait être bien prudent. Je n’oublie pas que nous avons eu Macron parce que MLP a été nulle au face à face de 2017., et sans avoir obtenue une forte Opposition. Même Zemmour non élu, son face à face à Macron aurait été du Bonheur…

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