L’épargne des Français : la solution pour régler la question de la dette ?

J.-P. Fourcade, ancien ministre de Giscard, propose que l'épargne des Français finance le déficit budgétaire.
Capture d'écran ESSEC
Capture d'écran ESSEC

Quand tout va mal, que tout fiche le camp, qu’on ne sait plus vers qui se tourner, c’est un réflexe presque atavique que d’aller consulter, non pas la Pythie, mais les vieux sages, tout du moins ceux qui ont la réputation de l’être (sages). Paris Match s’est plié à l’exercice en allant rencontrer Jean-Pierre Fourcade, 95 ans, bon pied bon œil, qui fut ministre de l’Économie et des Finances de 1974 à 1976 sous Giscard d’Estaing. Il y a un demi-siècle. Un peu comme si, sous Giscard d’Estaing, on était allé interroger un survivant des cabinets Poincaré ou Édouard Herriot, aux affaires en 1924 et 1925.

Le dernier budget à l'équilibre

L’homme est tout un symbole. Inspecteur des finances, proche de Giscard, il incarne cette technocratie qui s’empara définitivement du pouvoir, au tournant des années 70-80, pour faire de la France ce qu’elle est aujourd’hui. Tout un symbole, aussi, car Fourcade est le dernier ministre des Finances qui présenta et exécuta un budget à l'équilibre. Il en est fier, et il y a de quoi. Certes, quelques mois après qu’il avait quitté, non pas Bercy, mais l’aile Richelieu du Louvre (la migration à Bercy ne date que de 1989), en décembre 1976, le Conseil des ministres, où il siégeait comme ministre de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire, approuvait un projet de loi portant règlement du budget de 1975 qui actait un déficit de 37,8 milliards. Bon, on ne va pas mégoter pour si peu : on parle d’une époque où la dette publique (État, Sécurité sociale, collectivités) représentait moins de 22 % du produit intérieur brut (PIB) quand, aujourd’hui, elle dépasse les 112 %...

Un pactole de 6.000 milliards

Parmi les conseils prodigués par le vieux sage, il en est un qui a enflammé la Toile : « Une des solutions, ce serait de faire comme au Japon, où c’est l’épargne des Japonais qui finance le déficit budgétaire. » En clair, émettre des bons du Trésor. Phrase qui a immédiatement été reprise sur les réseaux sociaux, contractée, voire déformée ainsi : « L’ancien ministre des Finances propose "d’utiliser l’épargne des Français pour financer la dette". » Donc, taper dans notre épargne pour éponger la dette que nos dirigeants contractent depuis des décennies ? Une petite musique que l’on entend depuis quelques mois, voire quelques années. Sachant que l’épargne des Français (hors immobilier) représente un pactole évalué à 6.000 milliards, le raisonnement simpliste est vite fait... Mais ce n’est pas tout à fait ce qu’a dit l’ancien ministre, puisqu’il ajoute : « Le drame, c’est quand on se finance sur les marchés. Et on est sous la coupe des agences de notation. » Effectivement, comme nous l’avions expliqué, le 31 octobre dernier, la dette publique française est détenue à 53 % par des investisseurs étrangers. Un pourcentage comparable à celui de l’Allemagne, mais bien au-dessus de celui du Royaume-Uni, des États-Unis ou du Japon cité en exemple par Jean-Pierre Fourcade.

« Qui aura le courage ? »

Un Jean-Pierre Fourcade qui, par ailleurs, voit en Édouard Philippe une « option sérieuse » pour 2027, fait de cette question de la dette détenue par l’étranger « une question de souveraineté », ajoutant : « Mais qui aura le courage de proposer cela ? » Qui ? Nous avons sous les yeux le rapport parlementaire en date du 29 mai 2024 relatif à la détention de la dette de l’État par des résidents étrangers. Parmi les recommandations faites par le rapporteur spécial de ce document, celle-ci : « Mener une réflexion sur les moyens de favoriser l’acquisition de la dette française par les particuliers résidents, tant sur le marché primaire, à travers l’émission d’obligations qui leur seraient réservées, que sur le marché secondaire. » Petit détail, le nom et l’appartenance politique de ce député : Kévin Mauvieux, RN. Autre petit détail, Thomas Cazenave, alors ministre délégué en charge des Comptes publics d'Emmanuel Macron et fidèle adjoint de Bruno Le Maire, a justifié, comme suit, cette internationalisation de la dette, qualifiée de « drame » par Jean-Pierre Fourcade : « La diversification et l’internationalisation de notre dette ont en effet pour avantages de meilleures performances et un rendement accru. Critiquer ce lien avec l’international me semble incompréhensible, comme se plaindre que 80 % du bordeaux soit exporté : sans cette dépendance à l’étranger, la viticulture est menacée. » Vu comme ça, surtout ne rien changer.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

79 commentaires

  1. S’il s’agit d’émettre une sorte d’emprunt national, pourquoi pas ? Mais il serait scandaleux de spolier les Français ne serait-ce que d’une partie de leur épargne ! Pourquoi serions nous punis de la mauvaise gestion des apprentis sorciers qui gèrent nos finances ? Que l’on commence par eux, et certains sont très fortunés, et nous verrons ensuite. Depuis des décennies, ils sont tellement nombreux à avoir contribué à la déroute financière du Pays !

  2. On parle ici d’un moyen de régler les conséquences d’un problème sans dire un seul mot du problème en lui-même. En effet, si la dette en est à ce niveau aujourd’hui, c’est bien parce qu’elle est le résultat de 50 années consécutives de déficit budgétaire. Comment cesser de vivre au-dessus de nos véritables moyens? Comment retrouver la capacité de produire suffisamment de richesses pour couvrir nos besoins ? Où trouver les économies nécessaires à l’équilibre de nos budgets à venir ? De tout cela, on ne parle pas. Non, le sujet, c’est comment tranquillement continuer à s’endetter sans craindre de ne plus trouver de prêteurs. Et, s’il suffit de taper dans l’épargne des Français, ne doutons pas un instant que nos dirigeants vont s’en donner à coeur joie dans le gaspillage de l’argent devenu facile.

    •  » Comment retrouver la capacité de produire suffisamment de richesses pour couvrir nos besoins ? »  » Il ne faut point prendre au peuple sur ses besoins réels, pour des besoins imaginaires de l’État. »
      MONTESQUIEU

  3. Ces élus n’en auront jamais assez et la seule solution pour eux c’est de voler toujours davantage le français laborieux . Le pays le plus taxé qui distribue l’argent du contribuable à tout vent est dirigé par des incapables qui se gavent sans vergogne en appauvrissant son peuple et cela sans aucune honte veut nous prendre le peu qu’il nous reste . Nous disons non il y a beaucoup d’argent à récupérer ailleurs , il suffit d’avoir le courage et la volonté de le faire . Celui là prend le modèle japonais , l’autre le modèle allemand mais juste pour ce qui les arrange . Qu’ils commencent à agir comme ces pays en arrêtant de financer tout et n’importe quoi , qu’ils limitent le nombre d’élus comme les allemands et les avantages des élus et ex élus , chasse à la fraude , l’AME , l’accueil des clandestins etc ……Que d’économies , que d’argent trouvé sans spolier une fois de plus les français qui peinent à se chauffer , se nourrir et se soigner et qui pourtant se lèvent chaque jour pour travailler . Oublié notre épargne , on ne l’a pas volé nous , vous nous en prenez déjà suffisamment .

  4. Cela pourrait être une excellente idée si nous ne savions pas que les fieffés menteurs qui nous gouvernent ne nous spoliaient pas au final et si nous pouvions récupérer notre argent à tout moment.

  5. C’était hier, je regarde le jt de TF1 avec l’ineffable Gilles Bouleau. On va arriver à l’épargne et c’est normal. Celui qui est dans le besoin a tendance à prendre ce qu’il trouve en toute circonstance et ici, le pauvre c’est l’Etat. Gilles nous raconte que suite à la situation actuelle de la motion de censure, les pensions des retraités vont donc augmenter et ça va couter 5 milliards à l’Etat. On s’en serait bien passé, vous comprenez, tout va si mal…et micro trottoir, pour les intéressés ça va faire 15-20euros, quasi rien…mais les gens sont contents, puis en fin de micro trottoir, le mot de la fin pour oublier les précédents, un type qui estime qu’il ne fallait pas augmenter son allocation car il faut aider l’Etat, tout le monde est concerné etc.
    Je me suis dit qu’il fallait donc dire non merci, pas besoin de ces 20 balles. Bon, mais tout le monde doit s’y mettre donc, moi migrant, je vais pour mes soins et j’apporte 20 balles au soignant, moi assoc inutile, je refuse ma subvention du moins en partie, je ristourne un partie à l’Etat, moi média, j’ai assez d’argent pour payer mes émissions de propagande, on pourrait y arriver si tout le monde s’y mettait !

  6. L’enjeu de la manoeuvre serait de récupérer notre souveraineté et, à l’occasion d’éventuelles futures turbulences politiques internes, ne plus agiter l’épouvantail : « et comment réagiront les marchés » ? Défense de la formule « Charbonnier est maitre chez lui  » , si l’on rachète toutes les dettes externes.

    • Le titre de l’article est quelque peu trompeur,surtout quand certains a gauche et chez les macronistes parlaient de puiser sur les livrets A…Par contre effectivement l’état pourrait émettre des bons du trésor..Vu le contexte politique pas sur que ces bons ou des obligations
      Soient faciles à placer pour les réseaux bancaires.
      De plus,l’état puise déjà largement dans cette ressource via l’assurance, dont il est question d
      e la taxer…

  7. Excellent article qui a pour mérite de clarifier les choses. Un détail manque pourtant : l’épargne des français est constituée pour environ 1’500 milliard par des contrats d’assurance-vie en euros qui sont eux-mêmes constitués à 50% de dette étatique (dont la France). Cet argent est donc DE FAIT déjà utilisé pour le financement de nos états en quasi-faillite…

  8. L’idée de taper dans l’épargne des FranFrançais, pourquoi pas. Je serais même assez d’accords mais à certaines conditions. Hors de question, par exemple, de se laisser refiler un bout de papier qui ne vaudra que promesses intenables une fois émis.

  9. Un exécutant ça exécute . Même à 95 ans JPF n’a pas encore compris. Maurice Allais (X,  »Nobel » d’économie, mais fin observateur de l’émission monétaire par les banques) explique que, lorsqu’une banque prête de l’argent scriptural, qui ne correspond pas à des fonds propres (une pratique étrange autorisée par les  »auto accords » de Bâle I, II et III), elle émet de …la fausse monnaie. Ce n’est donc pas un vrai prêt. Faut-il rembourser la fausse monnaie ? Ou simplement rémunérer le service rendu ? Ce ne sont ni les financiers, ni les énarques , ni les politiciens, ni les économistes qui savent. Mais les Juristes héritiers de 3000 ans de sagesse et d’expérience. Une fois ceci rappelé l’expédient de JPF peut aider à condition de réduire le montant de la ‘ dette ‘ à ce qui est vraiment dû.

  10. S’il s’agit d’émettre une sorte d’emprunt national, pourquoi pas ? Mais il serait scandaleux de spolier les Français ne serait-ce que d’une partie de leur épargne ! Pourquoi serions nous punis de la mauvaise gestion des apprentis sorciers qui gèrent nos finances ? Que l’on commence par eux, et certains sont très fortunés, et nous verrons ensuite. Depuis des décenies, ils sont tellement nombreux à avoir contribué à la déroute financière du Pays !

  11. En fait dans les 3 300 milliards de dettes, on ne compte pas la dette hors bilan qui plombe les comptes, mais on n’en parle pas. Car la dette totale monterait à 10 000 milliards ! Dans la dette hors bilan, on compte entre autres le déficit commercial, les engagements en Europe, le FMI, les dettes invisibles, la transition numérique, écologique, etc.
    Lire à ce sujet l’excellent article, complet, de Gabriel Gaspard (04 nov 2024) dans La Tribune. Tout est recensé. On nous ment sur la totalité de la dette… par omission !

  12. « Mener une réflexion sur les moyens de favoriser l’acquisition de la dette française par les particuliers résidents, tant sur le marché primaire, à travers l’émission d’obligations qui leur seraient réservées, que sur le marché secondaire. » Petit détail, le nom et l’appartenance politique de ce député : Kévin Mauvieux, RN.
    Que tous les commentateurs lisent bien cette phrase. Faire financer la dette par les Français, ce n’est pas confisquer leur épargne. Cela veut dire leur permettre de la placer sur des fonds l’Etat. A des conditions privilégiées. Cela veut dire des réformes fiscales importantes et le retour en France d’un marché obligataire et monétaire français accessibles aux particuliers. Avec la macronie c’est impossible (UE et banques). Et avec la gauche encore moins.

  13. Si il revient pour donner des idées pareilles , qu’il reste chez lui bien au chaud et qu’il profite de sa retraite !!

  14. ENFIN ! 110% d’accord avec lui ! celà fait 40ans que je répète celà (y compris depuis 5ans dans ces colonnes) Il faut revenir à l’emprunt Pinay ou à l’emprunt Giscard pour retrouver celà. Ce système a quand même été aboli par Pompidou (de chez Rotschild) qui, avec Giscard comme ministre, a obligé les français, d’une part à posséder un compte en banque et à ne verser les salaires qu’à la banque), d’autre part a obligé l’état à passer par les (fameux) « marchés financiers » pour emprunter. Depuis, nous sommes sous la coupe des milliardaires étrangers et sommes obligés de faire ce qu’ils disent (qui commande paye et qui paye commande)

  15. Le commentaire de M. Cazenave n’a rien d’étonnant : pour ces gens-là tout ce qui est souverain est odieux. Vive la dépendance et la soumission, telle est leur devise.

    • Je travaillais comme comme conseiller financier bancaire avant ma retraite il y a quelques années et le système des « emprunts d’état  » sous forme d’obligations était courant et très apprécié des clients car sur et rémunérateur

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