Les Bodin’s, un rire très provincial

Ils plaisent car leur humour décalé sur la paysannerie tourne en dérision une France rurale qui disparaît sans pour autant avoir dit son dernier mot.
Les Bodin's, c'est ce duo de paysans composé d'une mère, Maria, et de son fils, Christian. Octogénaire, la première est irascible, autoritaire et revêche. Le second est un célibataire de 50 ans, peu dégourdi et gentil, pour ne pas dire benêt. Les comédiens Vincent Dubois et Jean-Christian Fraiscinet incarnent, depuis 1994, ce duo improbable.
Face de bouc, leur sketch emblématique sur Facebook, a été vu une dizaine de millions de fois et participe à leur renommée. Citons quelques phrases cultes des Bodin's qui dépeignent leur humour corrosif et gaulois : « Tu sens tellement l’bouc que j’me d’mande si c’est pas toi qui fous mes chèvres en chaleur » ; « Mon rêve, c'était de ressembler à Brigitte Bardot. J'l'ai revue l'autre jour, ça y est, on a la même gueule. » ; « Un fromage qui pue pas, c’est comme un bonhomme qui transpire pas, y a une arnaque ».
Une ambiance et un esprit de dérision du monde paysan qui rappellent avec émotion et nostalgie l'humour des Deschiens qui sévissaient sur Canal+ dans les années 90.
2 % de spectateurs à Paris
Le succès est au rendez-vous, puisque les Bodin's viennent de sortir leur quatrième film le 19 mars : Les Bodin's partent en vrille. Leur film précédent, Les Bodin's en Thaïlande, a réuni 1,7 million de spectateurs, ce qui en a fait le quatrième plus gros succès du cinéma français de l'année 2021. Une des caractéristiques de leur public est qu'il vit en province. Pour une place de cinéma vendue en région parisienne, il y en a une trentaine achetée en province. 30.473 spectateurs seulement ont été comptabilisés en Île-de-France, ce qui représente 2 % sur la totalité du film. À titre de comparaison, le pourcentage de spectateurs parisiens d'un film comme Gladiator 2 est de presque un quart du total, et celui de Dune 2 (film de science-fiction) avoisine les 27 %.
Pourtant, les Parisiens se rendent en moyenne sept fois au cinéma par an, chiffre qui baisse à deux pour la province, et la capitale concentre 20 % des cinémas pour 10 % de la population. Avec ces chiffres en tête, on comprend que vraiment, l'humour des Bodin's ou la paysannerie, ou les deux à la fois, n'intéresse pas le Parisien chic. « Paris concentre la population la plus cinéphile de France, un public moins familial, une part de CSP+ bien supérieure à la moyenne nationale, des spectateurs plus assidus, et un accès aux établissements, notamment ceux classés art et essai, extrêmement développé », explique le chercheur Olivier Alexandre, dans L'Express.
« Un monde disparu »
Contacté par BV, l'universitaire Pierre Vermeuren explique que les Bodin's représentent « une vision anachronique sur la France paysanne à l'ancienne ». « C'est un monde disparu », rappelle l'historien. Quant à l'écart Paris-province ? « Paris ne représente plus la France, puisque 60 % de la population parisienne possède un master, quand cette moyenne retombe à 20 % dans le reste de la France », précise-t-il.
Si l'on veut méditer sur le thème de la paysannerie, âme de la France, on pourra se tourner vers des films récents comme Au nom de la terre (2019), Goliath (2022) ou Petit Paysan (2017).
Pour rejoindre la France périphérique chère à Christophe Guilluy, il suffit de sourire avec les Bodin's et de faire un pied de nez à ce Paris qui a oublié l'odeur de l'étable.

Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR

32 commentaires
Les Parisiens vont voir les films primés à Cannes, aux Oscars, tous ces navets prétendument intellectuels pour lesquels personne ne se dérange hors de la capitale. Cela dit, les Bodin’s sont drôles dans certains spectacles, moins dans d’autres.
Je n’ai jamais pu aller au bout de l’un de leurs sketchs ,je trouve cela très lourd ,un humour d’un autre âge .
Tu imagines BHL, Fabius, Ferrant, Darmanin, Dupont-moreti, Melanchon et les autres… aller voir un spectacle des Bodin,s. Par contre Panot pourrait avoir un rôle.
Au début , les Bodin’s c’était folklo et amusant, mais à,la longue c’est répétitif et pas toujours drôle surtout lorsqu’il y a des allusions politiques ou sociétales qui sont évidemment dans le sens du vent et politiquement correctes; on est loin, très loin de « la jument verte ».
Une chèvre qui s’appelle Ségolène soit.
Un porc qui s’appelle Jean-Marie, bof.
Tirer au fusil sur un coq qui s’appelle Zemmour, j’arrête de regarder.
Normal, le bobo gaucho n’aime pas la cambrouze… les cloches des églises le meuh des vaches le cocorico du coq… berk
Je ne suis ni bobo ni gaucho,je demeure au fin fond du Berry,et pourtant je n’apprécie pas .
Des comiques qui ridiculisent des ruraux Blancs et catholiques , pas de problème , un spectacle ridiculisant des immigrés musulmans dans des banlieues serait totalement impossible .
Je préfère m’abstenir car ils ne me font pas rire. Quant à la ruralité et ses paysans, je les trouve plus fins et nuancés que nombre de CSP+ ( curieux machin que ce CS etc qui ne signifie rien, en fait ). Montesquieu aimait les paysans. Il disait de ceux qu’il connaissait _ en cette époque : « je les apprécie beaucoup. Ils ne sont pas, eux, assez savants pour penser de travers ». Tout est dit.
Humour lourdingue et finalement très parisien en ce qu’il ridiculise la France rurale.
Désolé, mais être un rural ne veut pas dire qu’on se doit forcément de rigoler avec Camping, Dubosc, les Tuche ou les Bodin. Des villes ou des champs, la vulgarité est… vulgaire, un point c’est tout.
La vraie différence c’est qu’à Paris on paie moins souvent sa place qu’en province. Entre le pass culture, celles offertes de la ville de Paris et la région Ile-de-France, les places payées par les comités d’entreprise, etc. Tout ça, la famille du boucher-charcutier de Châteauvillain en Haute-Marne n’en a pas droit.
C’est le terme ultime du jacobinisme (devenu « centralisme démocratique »…)