Les députés suppriment les ZFE en commission : la victoire des manants

Attendons de voir si ce vote sera confirmé et quel sort la République va réserver aux citoyens qu’elle n’aime pas.
Capture écran Batinfo
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Par 26 voix sur 37 suffrages exprimés, la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique a choisi de supprimer, le 26 mars, les zones à faibles émissions. Instaurées par la loi d’orientation des mobilités en 2019 puis renforcées par la loi Climat de 2021, les ZFE, qui sont plutôt courantes en Europe, consistent concrètement à interdire aux véhicules jugés trop polluants l’accès aux métropoles. L’idée affichée est d’inciter (assez fortement, convenons-en) les automobilistes à acheter des véhicules moins polluants (électriques, par exemple), à prendre les transports en commun ou à utiliser les « mobilités douces » (vélo, trottinette, etc.) pour entrer dans les grandes villes. Très concrètement, au-delà de cet idéalisme souriant et éthéré, les gens qui bossent dans les villes mais sont trop pauvres pour se payer une voiture plus « verte » auraient dû rester dehors.

Deux mondes

On ne pouvait pas ne pas faire le parallèle entre ces ZFE et les octrois de jadis, ni entre l’exclusion des automobilistes pauvres, qui n’ont pas l’heur d’habiter en ville, et les gueux de jadis. De nombreuses voix s’étaient élevées contre de telles zones, à commencer par l’écrivain Alexandre Jardin, qui va sortir un livre sobrement intitulé Les Gueux (Éditions Michel Lafon), d’ailleurs. L’accélération du monde moderne fait bouger, plus vite que prévu, les failles sismiques de la société. Métropolia contre Périphéria, comme dirait Christophe Guilluy. Il y a, désormais, au moins deux mondes, en France, si l’on exclut de cette analyse les territoires perdus de la République. D’un côté, des métropoles progressistes, diplômées, riches, hors-sol, qui jouent à la dînette avec leur « petit primeur » mais se font livrer par des esclaves sans papiers. De l’autre, des zones périphériques enlaidies par les centres commerciaux et les panneaux, ne disposant d’aucun service public, peuplées de gens plus pauvres, moins diplômés, mais beaucoup plus en prise avec le réel. Et dans ce monde réel, on a besoin d’une voiture pour faire ses courses et aller au boulot, pas d’une trottinette en free-floating [système de mobilité qui permet aux usagers de se déplacer librement dans une ville en utilisant des véhicules en libre-service, NDLR] pour glisser de bar à jus en expo solidaire.

Les « somewhere », nouveaux manants

Pour rester dans le même champ sémantique médiéval, on pourrait peut-être suggérer un mot plus approprié que celui de « gueux » : les automobilistes exclus de la métropole bio et multiculturelle sont plutôt des manants. Les latinistes se souviendront que le verbe manere signifie « rester », « demeurer ». Les manants, hier, étaient ceux qui « restaient » dans l’entourage géographique du seigneur et avaient le droit de se réfugier dans la cour du château en cas de menace. Les manants d’aujourd’hui sont les « somewhere », ceux qui sont de quelque part et n’ont ni l’intention ni la possibilité matérielle de quitter la terre où ils sont enracinés. Toutefois, ils ont souvent perdu la mémoire de ce qu’ils furent, à cause des divertissements et de la culpabilisation : c’est dommage, car ces « ploucs », ces « beaufs », qui incarnent le « French dream » dont se moquent si méchamment les réseaux sociaux, sont l’âme de notre pays. La France n’a survécu que grâce à ses « manants ».

Avec la loi sur les ZFE, c’est le privilège ancestral de trouver un refuge (en l’occurrence professionnel) sous les remparts de la grande ville qui leur était refusé. Cette décision inique semble, aujourd’hui, annulée par la représentation nationale. C’est bien le moins. Attendons de voir si ce vote sera confirmé… et continuons de suivre, avec une fraternelle sollicitude, le sort que la République, si prompte à prôner l’égalité, entend réserver aux citoyens qu’elle n’aime pas.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Excellente chronique qui résume parfaitement la situation des écolos bobos qui ayant oublié d’acheter leur dentifrice , le font livré sous pluie battante par un esclave sans papiers.
    Un profond décalage où la plupart ignorent le montant d’un smic net…

  2. Mesure d’exclusion sans doute trop radicale et sans dispositions accompagnant une mise en œuvre progressive.
    Toutefois y- a-t-il quelqu’un pour dire que la pollution liée à la circulation automobile n’est pas un vrai sujet ?
    Les faits sont têtus !

    • Nous pourrions aussi rajouter les vols aériens, toujours plus nombreux et moins cher pour concurrencer le transport ferroviaire, ainsi que les vols aériens privés en plein essor et pas qu’en France. Savez vous qu’un navire de croisière arrêté à quai pendant une heure émet autant de pollution qu’environ 30 000 véhicules roulant à 30 km/h, comme vous le voyez il y a matière à réagir sur la pollution et pas uniquement automobile…

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