Les derniers fantasmes de Marlène Schiappa
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Les interventions de Marlène Schiappa à la télévision sont une promesse de bonheur toujours renouvelée. Et, jeudi soir, BFM TV nous a offert quelques minutes voluptueuses avec l’interview de la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes, chargée, en bonne petite soldate, de faire le service après-vente au lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron à l’ONU sur la cause des femmes dans le monde, la France étant désormais trop étroite pour le Président, tout comme pour Marlène Schiappa.
Donc, ça y est, le Président a employé le mot "féminicide". Marlène Schiappa peut être satisfaite puisque c’est elle qui avait lancé ce néologisme en France l’an passé. La notion d’infanticide, instituée dans le Code pénal sous Napoléon, fut supprimée en 1994, mais ira-t-on vers la reconnaissance d’un crime spécifique pour les femmes qui en sont victimes ? Et si le criminel est une criminelle, il faudra dire comment ? On n’en est pas encore là, l’essentiel est que le mot soit lâché. "Vous savez, pour les féministes, les mots sont importants, la sémantique compte et, comme disait Hegel, les mots créent les choses." À l’heure de la préparation du dîner, la philosophie s’invite au salon. C’est beau, quand même, d’être gouverné par des despotes éclairés. Depuis Frédéric II de Prusse, on n’avait pas connu ça. On notera, tout de même, que notre ministre-philosophe se prend un peu les pieds dans le tapis de ses idées foisonnantes comme sa chevelure. Ainsi, dans son chef-d’œuvre, injustement méconnu, La Culture du viol, Marlène Schiappa s’interroge : "Pourquoi parler de « violences faites » aux femmes alors que les viols sont aussi commis sur des hommes ? Pourquoi désigner la victime et pas désigner le coupable ? La passivité de la formulation entretien l’invisibilisation [pardon pour le néologisme schiappien] du violeur". Dans la même logique, pourquoi parler, alors, de "féminicide" ? Cela doit être cela, la « pensée complexe » : dire une chose et son contraire.
Mais le meilleur restait à venir.
Tout d'abord, la clause de conscience pour les médecins qui ne veulent pas pratiquer d’avortements ? Marlène Schiappa est pour. Nous voilà rassurés. Attendez, ne vous réjouissez pas trop vite. Car, accrochez-vous, ce n’est pas pour reconnaître qu’il y a peut-être des cas de conscience pour ceux qui ont prêté le serment d’Hippocrate. Pas du tout. Mais pour protéger les femmes se faisant avorter des éventuelles violences psychologiques, voire physiques, que pourraient leur infliger des "médecins qui n’ont pas la volonté de pratiquer cela". Argumentation bien tordue qu’apprécieront les gynécologues mais qui permet de transformer le médecin qui refuse de pratiquer l’avortement en boucher ou tortionnaire potentiel.
Et pour clore le festival philosophique de Mme Schiappa en direct, la question de la PMA. Pas de scoop, elle est pour. Évidemment. Rappel que la PMA était un engagement de campagne du candidat Macron. Mais, nous dit la secrétaire d’État, il y avait aussi "un engagement de méthode. Et la méthode, nous allons faire en sorte qu’il y ait un consensus aussi large que possible." Sans doute cette idée généreuse que l’on peut toujours éduquer ou rééduquer les peuples, comme l’évoquait Gabrielle Cluzel dans ces colonnes, le 27 septembre ! Mais pourquoi cette recherche du consensus ? Accrochez-vous encore. C’est "pour préserver aussi ces familles d’éventuelles violences parce que lorsque les débats se tendent, lorsque le débat s’hystérise et devient violent, les premières victimes, ce sont les couples de même sexe, ce sont les enfants qui sont nés déjà de PMA…"
Parce que, c’est bien connu, en France, des milices réactionnaires, sorties tout droit du Moyen Âge ou de la Manif pour tous, menacent d’organiser des pogroms de familles homosexuelles. C’est tellement plus facile de s’occuper de l’insécurité qui n’existe pas que de traiter celle qui pourrit le quotidien des Français. Prendre appui sur des fantasmes pour défendre des positions politiques, il faut oser. Marlène Schiappa ose.
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