Les élèves sont nuls en français ? Alors, inutile de l’enseigner !

@Austrian National Library/Unsplash
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La chose est entendue : les compétences des petits Français dans l’expression écrite de leur langue sont globalement mauvaises. Le CSEN (Conseil scientifique de l’Education nationale) en convient : « Les performances des élèves français en orthographe sont loin d’être satisfaisantes ».

Avec ou sans classement Pisa, on constate que la chose s’accroît d’année en année. Que faire alors ? Ce qu’on fait pour tout dans ce pays quand la température est trop élevée : on casse le thermomètre.

La fin de l’accord du participe passé avec l'auxiliaire avoir ?

C’est ainsi que ledit CSEN, dressant cet implacable constat – il est « inutile de s’acharner à enseigner des orthographes maîtrisées par une minorité de francophones » – nous délivre ses judicieuses préconisations. Au premier chef, la suppression de l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir, exercice périlleux s’il en est lorsque le complément d’objet direct est placé avant le verbe.

Eh oui ! Cette règle est une épouvantable torture pour nos cerveaux contemporains. Les chiffres le disent : si les Français sont de plus en plus crasses dans notre belle langue, « les erreurs les plus nombreuses concernent l’orthographe grammaticale, le cas le plus notoire étant celui de l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir et le complément antéposé » (voir définition ci-dessus). Exemple : « j’ai mangé une pomme », mais « la pomme que j’ai mangée ».

Moins de 20 % des élèves maîtrisent cette règle à l’issue du primaire, assure le CSEN et « elle tombe en désuétude chez les adultes ». D’où cette préconisation : « avec l’auxiliaire avoir, invariabilité du participe passé et avec l’auxiliaire être, accord systématique avec le sujet ». Non seulement ce toilettage libérerait les Français d’un gros souci existentiel, mais « ces deux choix libéreraient énormément de temps en classe, qui pourrait être consacré à des enseignements portant plus généralement sur la production écrite ». En phonétique peut-être ?

Où est passé le féminin ?

A vrai dire, il y a pire que l’accord en question ici, mais c’en est sans doute une conséquence : c’est la quasi disparition de tout accord, participe passé ou simple adjectif, au féminin, cela à l’oral comme à l’écrit. Paradoxe d’un temps où les femmes n’ont jamais autant été à l’honneur, elles ont disparu du français avec l’ignorance de la grammaire.

La chose s’est tellement répandue qu’on en vient même à des aberrations : confusion des pronoms personnels (il pour elle), disparition des pronoms relatifs (laquelle, auxquelles), etc. Exemple parmi des milliers d’autres, ceci, entendu lundi matin à la radio : « L’attaque du Hamas le 7 octobre est-il (sic) aussi un choc français ? ».

C’est dans ce contexte qu’on entend répandre l’écriture inclusive, qu’on l’impose même dans certaines universités. Mais qu’importe, puisque tout cela est noyé dans le «  globish », cet « étrange mélange entre le français et une sorte d’anglais mondialisé », comme écrit notre confrère Valeurs actuelles qui consacre un article au sujet.

Trop d'anglicismes

Alors qu’Emmanuel Macron vient de fanfaronner au sommet de la Francophonie, l’Académie française, qui s’alarme de l’inflation galopante des anglicismes dans « la communication institutionnelle », a publié en septembre N'ayons pas peur de parler français (Plon), un livre qui reprend les conclusions de son rapport de 2022 sur le sujet.

L’académie est allée piocher dans les ministères, administrations, SNCF, mairies, universités, écoles, organismes de formation, fondations, sites touristiques… Partout l‘anglais est préféré au français technique. Le ministère de la Transition Ecologique décline ainsi ses « agents intrapreneurs, développeurs, product owner, business developer, coach produits, UX designer ». Chez son voisin de la Santé, on apprend que la politique repose sur un concept essentiel : « One health ». Du côté de la Sécurité sanitaire, on se renseigne auprès du « Helpdesk biocides : Un service national d’assistance » ; une plateforme de documentation devenue « le sharepoint de la communauté ». Mais c’est peut-être le ministère de l’Agriculture qui remporte la palme avec sa start-up Agriloops, qui a « reçu le soutien du Food’Inn Lab d’AgroParisTech ». Quiconque a affaire avec une administration sait qu’il doit en passer par ce charabia. Si l’objectif n’est pas formulé, les conséquences sont évidentes : « une double fracture linguistique, sociale et générationnelle » ce qui est dramatique s’agissant ici des services de l’Etat.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 11/10/2024 à 13:45.
Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

91 commentaires

  1. Et que penser de cette génération qui ne sais plus faire une demie phrase sans béquilles de type « genre, en fait, du coup, en terme, en mode wouèche frère en vrai (la meuf j’m’en bat les C. ), j’ai le seum.
    Au boulot j’ai arrêté de lutter. Le journal (service com.) de l’entreprise annonce l’arrivée des nouvelles recrues par un « welcome on board », les demandes de congés se font pour la saison summer ou winter,
    En stage on nous donne des tips (astuces) pour mieux « performer » et mieux résister au hurry up syndrom (syndrome de la pression temporelle). On est ready quand on est prêt.
    Des toutes et tous, des prenez soin de vous (portez vous bien en français), des c’est quoi vot’e mail, des safe, des business, leader, meeting, timing, feeling, best of, loser, come back, cool, sponsor, en live, la team, spoiler, listing, CHALLENGE, overbooké, deadline, burn out, booster, dress code, COACH.
    On a perdu deux fois Waterloo.
    Je me console en lisant Balzac.

  2. A propos de faute d’orthographe, j’en ai relevé une belle! ’”Quiconque à affaire avec une administration…” pas mal dans un article de BV consacré précisément….à l’orthographe!!,
    Je l’ai déjà signalé hier, mais il semble que mon commentaire n’a pas plu au modérateur qui m’a censuré. Je suis sincèrement déçu et surpris d’une telle décision de Boulevard Voltaire.

  3. Des fautes de ce genre, j’en repère tous les jours, exemple : « pour son épanouissement personnelle »… Epanouissement étant masculin, l’accord devrait donc être « personnel » – et quand mon gestionnaire d’immeuble écrit : « (…) aux horaires habituelles… au lieu de : aux horaires habituels. On le voit l’accord féminin est ici à l’honneur mais l’inverse existe aussi quand l’accord devrait être masculin. Le « Genre » brouille décidément les têtes et pas uniquement pour des questions sexuelles…

  4. Et j’oubliais le presque pire: tout n’est plus qu’impact, et impacter, verbe qui n’existe pas, est le plus employé du vocabulaire. Serez-vous affecté, quels seront les effets du réchauffement, quelles seront les conséquences? Non, vous serez impacté? Berk berk et berk. Ce qui est grave est que cette réduction à un seul verbe traduit la pauvreté de la pensée globale.

  5. Pour enseigner proprement aux petits et jeunes il faudrait que les adultes se respectent en premier lieu. Et les respectent. Ainsi, outre ce que votre article indique, parlons, si vous le permettez, des médias, et de la presse: 1/ Disparition des formes interrogatives du français au profit du langage bébé, ou alors « cour de collège »: « On fait quoi, vot’ programme politique c’est quoi, tu vas où, c’est comment, comment vous chiffrez, c’est quoi? » etc. 2/ Usage immodéré à la radio des abbréviations; on ne parle plus qu’à moitié:  » sur mon appli, les promos, je fais ma cardio et ma muscu, le mag, l’édito éco, font partie de l’actu, sinon c’est en visio, le scan (anglicisme abrégé!) etc. Ca n’arrête pas. Et que je suis efficient (anglicisme pur, efficace est si simple), sociétaaaal (social ça fait travailleur), et je priorise (?). 3/ Le doublage du sujet, entendu partout, TV et radio: la France, elle est belle, les bandits, ils sont méchants, la météo elle est gratinée, etc.
    N’allons donc pas chercher pourquoi nous fabriquons de petits baudets: si nous leur parlons ainsi, c’est NOTRE faute.

  6. J’aimerais quand même expliquer aux Enseignants et aux responsables de l’éducation Nationale ! Même pour les élèves et pour les étudiants, qui n’ont pas l’intention de se lancer dans une carrière littéraire, où philosophique, mais qui ont l’intention se lancer dans une carrière Scientifique, où Matheuse ! Qu’il faut savoir s’exprimer, démontrer et expliquer un raisonnement, puis un résultat ! Qu’il faut savoir bien souvant l’exposer par écris, puis oralement ! Pour savoir s’exprimer par écris et par l’orale ! Il faut savoir lire le Français ! Il faut savoir écrire le Français, en essayant de ne pas faire trop de fautes d’orthographes, ni faire de faute de syntaxes et dans la ponctuation ! Savoir et maitriser le Français est indispensable, pour la vie sociale et pour son épanouissement personnelle ! Ceux qui préconise de ne plus apprendre le Français, disent vraiment n’importe ! Je tombe des nue ! Hervé de Néoules !

    • attention Maxeherve…..vous avez fait quelques grosses fautes dans votre commentaire ! par écrit et non « par écris »; par l’oral et non « par l’orale » ; fautes d’orthographe et non « fautes d’orthographes »; ceux qui préconisent et non « ceux qui préconise » je tombe des nues et non: « je tombe des nues »….
      C’est sans méchanceté que je vous le dis mais parce qu’étant d’une génération où le français était réellement important pour l’instruction globale des élèves, les fautes d’orthographe et de grammaire me sautent aux yeux…..et j’en ai trouvé en effet partout dans mes échanges professionnels….au fil des ans, car ça progressait à une allure folle.
      A présent c’est pire avec les téléphones mobiles pour les jeunes générations qui doivent connaître si peu de vocabulaire ; ça me rend triste pour notre société car j’aime la langue française ( sans anglicismes ); ce qui ne m’empêche pas, d’ailleurs, de savoir parler anglais…..

  7. Et l’ignoble « on se pose des questions sur comment faire », et « je me demande qu’est-ce que c’est », dans la bouche de soi-disant écrivains qui passent « à la télé ».

  8. Les gens de la télé ne font rien pour arranger les choses. Ainsi la prononciation du o que ce soit le ô ou au, est systématiquement celle d’un o ouvert. Ainsi le o de la côte est prononcée comme le o de litote. Cela frise le ridicule. Mais là où l’écriture pourrait être simplifiée, ce sont les accents grave ou aigu qui ne répondent aujourd’hui à aucune logique.

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