Les enseignants : radioscopie d’une profession

professeur enseignant

Jadis, quand j'étais petit élève, la maîtresse et, plus tard, le professeur furent des espèces d'êtres à part, dotés de l'autorité que leur conférait leur savoir. C'était, du reste, le lot des diplômés de l'ancienne République, laquelle mourut en 1981, lors de l'avènement du Président pote. Ce fut aussi le début de la fin pour la gent enseignante. Encouragée par la droite libérale, qui avait instauré le collège unique en 1975, la gauche allait ouvrir les vannes de la « démocratisation » de l'enseignement, agonir la haute culture et multiplier, comme des petits pains, les collégiens et les lycéens, tous pourvus d'un génie injustement ignoré.

Toujours est-il que la profession enseignante, minée par le discrédit mécanique impliqué par l'explosion des effectifs scolaires, banalisée par son expansion numérique parallèle et par des concours de moins en moins exigeants, dévaluée par le soupçon colporté par les adeptes de Bourdieu qu'elle n'a toujours été qu'une caste de gardes-chiourme et de valets de la bourgeoisie, insultée par les cadres d'une France qui se délitait, dépréciée par les inspecteurs et les pédagogues porteurs d'une idéologie délétère, n'allait pas tarder à se « prolétariser », comme auraient dit les marxistes. On calcule qu'en revenu réel, elle a perdu, depuis 1981, 30 ou 40 % de son niveau de vie.

De fait, la principale « révolte » fut celle, nettement corporatiste, en 2003, contre la réforme « Fillon » des retraites. La désindustrialisation, la paupérisation des ouvriers, la prolifération des chômeurs, la mise à mort de la paysannerie, de l'artisanat, du petit commerce, la destruction de la nation, de la haute culture, de la liberté d'expression, tout cela ne fut quasiment pas visible dans les salles de profs. En revanche, le sort des immigrés, le mondialisme, l'écologisme, la question féministe, le mariage pour tous, l'égalitarisme tous azimuts et, bien sûr, l'« antifascisme », enfin, toutes les revendications sociétales importées de Californie, devinrent la crème obligée dont on tartinait l'apprentissage de la bien-pensance dans les salles de classe.

Il serait pourtant injuste de jeter la pierre à une profession qui, comme une présidence célèbre, est devenue « normale ». Dans les années 70 (marxisme aidant), on lisait encore, même mal, chez les profs. Maintenant, cette corporation, qui se reproduit de génération en génération, où l'on pratique une endogamie professionnelle, ces diplômés plus ou moins « charlistes » dont Emmanuel Todd dit qu'ils sont particulièrement stupides et poreux à l'endoctrinement ambiant, ne lit plus du tout. Les profs sont des consommateurs comme les autres, surtout de télé, et réagissent exactement, en politique, comme la grosse bête de la société de masse, privilégiant les stratégies individuelles, se soumettant, par confort, aux diktats compassionnels du système, dont on ne remet pas en cause les présupposés, quitte à en souffrir.

Claude Bourrinet
Claude Bourrinet
Professeur de Lettres

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