Les Français, éternels méchants d’Hollywood ?

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Sébastien Lecornu, ministre des Armées, s’est indigné officiellement du mauvais traitement de nos troupes françaises au Mali dans le film Black Panther, Wakanda Forever, de Ryan Coogler, situé en Afrique subsaharienne : « Je condamne fermement cette représentation mensongère et trompeuse de nos forces armées. Je pense et rends hommage aux 58 soldats français qui sont morts en défendant le Mali à sa demande face aux groupes terroristes islamistes. » On notera que le scandale avait tout d’abord été évoqué en ces lignes et que le ministre a retweeté l’article en question.

L'occasion d'évoquer le soft power américain et les liaisons plus qu’incestueuses liant armée américaine, Maison-Blanche et industrie hollywoodienne. Ainsi n’est-il pas besoin de creuser bien loin pour savoir que les trois sont liés depuis au moins… 1915, année durant laquelle l’administration américaine prêta main forte au fameux Naissance d’une nation de David W. Griffith. Ode à l’Amérique éternelle – éternité relative, car datant alors d’à peine plus d’un siècle – et qui, aujourd’hui, ne passerait plus la rampe médiatique, puisqu’en partie viril plaidoyer pour le Ku Klux Klan.

Quant au tropisme antifrançais pratiqué à Hollywood, il est aussi de notoriété publique depuis belle lurette. La preuve par le western, seul genre cinématographique spécifiquement américain. Certes, les interactions guerrières entre France et USA ont toujours été circonscrites à la présence française au Mexique, du temps de Napoléon III. Mais la puissante Amérique n’aime guère qu’on vienne la chatouiller dans sa chasse gardée (doctrine Monroe oblige), et encore moins à ses proches frontières. D’où plusieurs films dans lesquels la vérité oblige à dire que les troupes du Second Empire n’ont pas exactement le beau rôle : Vera Cruz (1954), de Robert Aldrich, Major Dundee (1965), de Sam Peckinpah, et Sierra Torride (1970), de Don Siegel. Là, des officiers français, délicats et parfumés, qui jouent du piano tandis qu’on torture dans la pièce d’à côté, font la preuve de toute leur ancestrale duplicité, alors que leurs homologues yankee sont présentés en libérateurs de l’Amérique latine. T’as qu’à croire.

Depuis, rien n’a changé, les méchants dépeints par Hollywood continuant de s’adapter à la politique de Washington. Pierre Conesa, auteur du passionnant essai Hollywar : Hollywood, arme de propagande massive, nous en dit plus sur le sujet : « Les 2.700 westerns, les 1.500 films représentant le Mexicain comme un personnage transpirant au rire sardonique ou les 100 films consacrés au Jaune cruel, avant de laisser la place au Japonais, au Coréen puis au Chinois aujourd’hui. […] Les Français y ont eu droit aussi, pendant le French bashing. Aujourd’hui, l’ennemi est « »l’arabo-irano-terroristo-nucléaro-musulman ». C’est l’ennemi « busho-trumpien » ! »

Pourtant, le méchant Français continue de tenir son rang. Qu’on en juge aux grands succès américains de ces décennies dernières :

Vincent Cassel, salaud emblématique du Black Swan (2010), de Darren Aronovski, et rempilant dans Ocean’s Twelve (2004) et Ocean’s Thirteen (2007), tous deux signés de Steven Soderbergh et dans lesquels il prête ses traits à une ordure des plus suaves.

Puis Jean Reno, dans Mission impossible (1996), de Brian de Palma. Ensuite, la saga bondienne : Sophie Marceau dans Le monde ne suffit pas (1999), de Michael Apted, et Mathieu Almaric dans Quantum Of Solace (2008), de Marc Foster. D’ailleurs, quand Ian Fleming nommait le grand organisateur du Mal régnant sur la planète, ne l’appelait-il pas, in French please, le Chiffre ? Idem pour la saga Harry Potter, l’incarnation maléfique répondant au doux nom de « Voldemort », in French once again, if you don’t mind.

Pour finir, ajoutons encore Lambert Wilson, autre génie méphistophélique au fort accent français et fumeur de surcroît, finement surnommé « le Mérovingien », dans la trilogie des Matrix (de 1999 à 2003), filmée par les frères Wachowski, devenus sœurs après opération « transgenresque ». Et n’oublions pas, même dans un genre éminemment populaire, Indiana Jones et Les Aventuriers de l’arche perdue (1981), de Steven Spielberg, où le vilain allié des nazis est encore un Français : l’infâme René Belloq, même si interprété par un Anglais, Paul Freeman. Dommage que la place nous manque pour continuer cette énumération sans fin.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

18 commentaires

  1. J’oubliais « Godzilla » avec Jean Reno à la tête d’une équipe de neus-neus français (dans la représentation américaine) du service action de la DGSE, ayant pour mission de détruire ce monstre né par suite, vous l’aurez deviné, de nos essais nucléaire dans le Pacifique…

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