Les gilets jaunes dans l’impasse
Ainsi, les deux porte-parole des gilets jaunes reçus par le ministre de l'Environnement sont ressortis déçus de leur entrevue. Mais que croyaient-ils ? Depuis des semaines, malgré un mouvement populaire d'une ampleur et d'une nature inédites, Macron et son gouvernement n'ont cessé de dire qu'ils ne plieraient pas. Dès lors, que pouvaient espérer ces deux manifestants d'une rencontre dont Macron avait déjà dit, à l'occasion de sa dernière intervention télévisée, qu'il n'y aurait rien à glaner pour des individus qu'il considère comme des séditieux.
Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, le président de la République et son Premier ministre affichent le ton de la fermeté. Et cela pour plusieurs raisons. En premier lieu, parce qu'ils sont convenus de suivre une ligne politique conforme aux exigences de Bruxelles et des grands groupes financiers internationaux. Et ceux-ci ayant largement contribué à l'élection de Macron, il est inutile de souligner que ce dernier est désormais tenu de leur plaire. Ensuite, parce que Jupiter, du haut de son Olympe, n'a que mépris pour ces gueux vêtus de jaune, qui viennent défier son autorité. Hors de question, donc, pour lui, de légitimer un mouvement en recevant ses représentants. Et encore moins en lâchant quoi ce soit de leurs revendications. Enfin, tablant sur les dissensions internes au mouvement, le chef de l’État espère bien un pourrissement de la situation qui finira par diviser les meneurs et donc renvoyer les manifestants à la maison.
Cette stratégie est d'autant plus efficace que le pouvoir en place peut compter sur la complicité tacite des syndicats qui, eux aussi, auraient beaucoup à perdre si les gilets jaunes finissaient par l'emporter. Mais également sur une classe politique acquise cantonnée dans un attentisme prudent.
Mais le point de vulnérabilité de cette nouvelle forme de contestation réside indubitablement dans son amateurisme. La mise à l'écart des corps intermédiaires, compréhensible en soi du fait des désillusions accumulées au fil des années, hypothèque immanquablement les chances de réussite de ce mouvement. Car ce sont ces corps intermédiaires que les gilets jaunes auraient dû chercher à convaincre et à rallier. Cette démarche aurait ainsi pu déboucher sur un large consensus permettant de porter un projet et des propositions homogènes, cohérentes et conformes aux souhaits d'une majorité de Français. On ne s'affranchit pas des règles d'un dialogue social implantées depuis des décennies sur un simple mouvement d'humeur. À moins qu'il ne s'agisse de vouloir la révolution !
Comme il fallait s'y attendre, les gilets jaunes sont donc aujourd'hui dans une impasse. S'ils poursuivent leur mouvement de la même façon qu'ils l'ont commencé, ils risquent de désespérer à leur tour de nombreux citoyens qui, solidaires de leurs actions au départ mais ne voyant rien venir de concret, risquent de se retourner contre eux. Par ailleurs, n'ayant aucun interlocuteur valable au gouvernement, et surtout aucun relais institutionnel susceptible de faire passer leurs messages, ils seront amenés à tourner en rond entre eux jusqu'à ce que des rivalités internes les poussent aux excès. Et là, Macron aura définitivement gagné. Enfin, s'ils échouent à rallier à leur cause d'autres acteurs sociaux majeurs (routiers, paysans, artisans et commerçants), leurs espoirs, pourtant légitimes, seront définitivement perdus, offrant toutes les perspectives à un gouvernement qui en sortira renforcé.
Les jours qui viennent seront donc déterminants pour l'avenir d'un mouvement qui, de toute manière, laissera des traces chez tous les Français. Il aura largement contribué à prouver que le peuple a encore une conscience politique, ce dont beaucoup d'entre nous commençaient à douter.
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