Les Lucs-sur-Boulogne, 230 ans d’un martyr vendéen

Vitrail de Chapelle du Petit Luc
Vitrail de Chapelle du Petit Luc

Si notre République s’enorgueillit des avancées et libertés acquises lors de la Révolution française, elle en oublie souvent le funeste prix. Cependant, la Vendée n’oublie pas, la Vendée se souvient, la Vendée rend hommage aux victimes d’un génocide dont la qualification fait encore débat parmi les juristes et les historiens. Pour les morts des Lucs-sur-Boulogne, le 28 février 1794, il n’y a pas de discussion, il n’y a que la souffrance et le martyre.

C’est au début de l’année 1794 que la Vendée commence à être ravagée par les colonnes infernales du sinistre général Turreau. Ce dernier sert fanatiquement les ordres du Comité de salut public dont l’un des membres, Bertrand Barrère, proclamait, le 1er octobre 1793, selon Reynald Secher dans Vendée, du génocide au mémoricide : « Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne seront plus au pouvoir de l'Autriche ! Détruisez la Vendée, l'Anglais n'occupera plus Dunkerque ! Détruisez la Vendée, le Rhin sera délivré des Prussiens ! Détruisez la Vendée, l'Espagne se verra morcelée et conquise […] Détruisez la Vendée, Lyon ne résistera plus […] Chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes, dans les frontières envahies. La Vendée et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la République française : c'est là qu'il faut frapper. » L’ordre est d’une effroyable clarté : aucun « brigand », ni femmes, ni enfants, ni vieillards de la Vendée ne doit survivre si la Révolution veut perdurer.

Dans cette macabre entreprise, les troupes de la Révolution rencontrent la résistance des armées royales et catholiques de Vendée. L’une d’entre elles, menée par le célèbre Charette de La Contrie, campe alors ce 28 février 1794, près des Lucs-sur-Boulogne. Les colonnes infernales, dirigées par le général Cordellier et Crouzat, tombent sur les malheureux. Dans la folie des combats, l’ivresse du sang pousse les révolutionnaires à s’en prendre à quiconque leur paraît suspect.

Le sacrifice de la Vendée

Ainsi le martyr des Lucs-sur-Boulogne commence. Marie Trichet, une des rares survivantes, laisse des écrits : « [On] venait de trouver le cadavre de la vieille fille Biron. Les scélérats de bleu l’avaient surprise dans son lit. Après l'avoir rouée de coups, ils l'avaient portée, enveloppée dans sa couverture, dans le petit pré à côté. Puis, à coups de sabre, ils lui avaient coupé un pied, puis l'autre pied, puis les mains, puis le cou, puis ils l’avaient percée avec leurs baïonnettes […] Ils apportaient le corps du petit de quatre ans […] Les Bleus l'avaient attrapé ; ils lui avaient percé la gorge dans un sabre et passé un bois dans le trou. Puis ils l'avaient planté, en place de la barrière, sur le bord du chemin. Dans sa petite main, crispée par les tortures de la mort, ils y avaient mis papier où il y avait écrit : "Vive la République". » Terrible témoignage que celui-ci et qui n’est pourtant qu’un fragment de l’horrible réalité. Un dur récit qui est aussi nécessaire afin que nul n’oublie ou nie son existence.

Afin de rendre hommage aux victimes et de transmettre ce moment de notre Histoire aux générations futures, il fut construit aux Lucs-sur-Boulogne le Mémorial de la Vendée. Ce site est surplombé par la chapelle du Petit-Luc qui, telle une gardienne silencieuse, préserve sur ses murs le nom des 564 victimes inscrites pour toujours dans la pierre. Lors de l’inauguration du mémorial, le 25 septembre 1993, le grand Alexandre Soljenitsyne proclamait son espérance de voir les Français « de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée ».

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Je me suis toujours demandée ce que notre pays serait devenu sans la révolution de 1789 ! Tuer le roi en a-t-il changer quelque chose ? Nous avons troqué un roi et ses courtisants contre un président et son aréopage d’incapables, peut-être dans l’imaginaire : « Royaume de France «  aurait eu plus de grandeur que « République Française « 

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