Les narcotrafiquants marseillais sont multipropriétaires à Dubaï… Normal !

@Ravi Dwivedi/Wikimedia Commons
@Ravi Dwivedi/Wikimedia Commons

Le trafic de drogue fait, en ce moment plus que jamais, la Une de l’actualité. La France ouvre les yeux sur l’ampleur de ce commerce illégal et sur ses conséquences sur la société. Les réseaux sont tentaculaires, organisés comme des entreprises et génèrent des sommes folles. Les gros bonnets du narcotrafic sont multimillionnaires, si ce n’est pas plus. A Marseille, haut lieu du deal, sans doute encore plus qu’ailleurs.

Problème (si l’on peut dire) : ces euros gagnés grâce aux stupéfiants sont de l’argent sale. Après avoir vendu leur marchandise, les dealers doivent donc blanchir son produit. Dans une grande enquête, Le Monde révèle que cette opération se fait notamment à Dubaï, via des achats immobiliers.

De la poudre à la pierre

Plusieurs caïds de la cité des Oliviers (13e), auraient acheté des appartements dans les tours Act One et Act Two de la ville des Emirats arabes unis. Non pas un petit pied-à-terre par-ci, par-là ou un appartement pour un vague cousin, les narcotrafiquants se sont offerts quarante-cinq biens. L’une des têtes de réseau en aurait acquis vingt-cinq, soit pour plus de 15 millions d’euros, au cours de la même année, en 2021. Il possèderait un étage entier, le quarante et unième de la tour Act Two. Un autre serait propriétaire de douze biens achetés pour un montant total de 7 millions. Lui aussi aurait acquis ces biens en 2021.

Ces appartements sont ensuite pour certains revendus, ce qui permet de blanchir de l’argent, ou louer sur des plateformes de location courte durée pour générer des revenus supplémentaires. Dans tous les cas, comme par enchantement, l’argent gagné illégalement devient de l’argent propre.

Du trou à la tour

Si la façon dont cet argent sort de Dubaï semble évidente, c’est la manière dont il entre aux Emirats arabes unis qui pose question. En petite coupure, en crypto monnaie, via des sociétés écrans, des banques peu scrupuleuses ? Toutes les pistes sont étudiées par l’Ofast (Office anti-stupéfiants), chargé de l’enquête, qui se confronte à un manque de coopération criant des autorités locales. Les narcotrafiquants ne choisissent pas leurs destinations par hasard. Ils savent que dans le golfe Persique, les services judiciaires français auront plus de mal à remonter jusqu’à eux.

Le plus étonnant dans cette affaire n’est pas que les dealers blanchissent leur argent ou qu’ils soient multipropriétaires à l’étranger. Le plus surprenant, c’est qu’ils font ces opérations depuis leurs cellules. Ils signent des baux de location pour leurs appartements dubaïotes alors qu’ils sont incarcérés en France. Preuve que la prison ne remplit plus sa mission. Pierre-Marie Sève, directeur de l’Institut pour la justice, le confirme à BV : « Normalement, la prison a pour but de neutraliser les délinquants. En principe, quelqu'un qui est en prison ne peut plus commettre de crime et de délit. »

Il ajoute : « L’intérêt de la prison est d’isoler socialement partiellement le détenu. » Pourtant, en France, un condamné peut « jouir de ses droits civils et politiques » comme indiqué dans le code de la procédure pénale. Chose qui « interpelle » Pierre-Marie Sève : « A partir du moment où on peut faire des procurations pour acheter des biens et les gérer, quelle est la différence entre le fait d’être dedans ou dehors ? » La question mérite, en effet, d'être posée.

Pour lui, « la seule façon de s’en sortir », de venir à bout de la délinquance, est de faire en sorte que « la prison ne soit pas un espace agréable pour les délinquants ». Dans les prisons françaises où les condamnés disposent de téléphones portables, font des sorties culturelles, organisent des grands jeux et ont moultes permissions, nous en sommes encore très loin.

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