Les Parisiens ouvrent les yeux sur leur vie… et s’en vont ailleurs

charpentier

Iris Bridier s'en faisait ce vendredi 19 mars l'écho, dans ces mêmes colonnes : les Parisiens, qui s'apprêtaient à être confinés, profitaient de ce jour de sursis qu'il leur restait pour quitter massivement leurs appartements, la ceinture de béton du périphérique, les transports en commun et leurs métiers qui, voici un an encore, semblaient indispensables à notre société.

Il paraît que le marché de l'immobilier en province ne s'est jamais mieux porté qu'aujourd'hui. Pas grand-chose d'étonnant. Il y a peut-être la tendance lourde du « retour à la terre », vous me direz. La terre qui ne ment pas, qui demeure notre recours ? Non, vous n'y êtes pas : la terre à la Bouvard et Pécuchet, celle des bobos qui rêvent d'un élevage de poules muettes, près d'un élevage porcin qui sent le muguet. C'est effectivement un phénomène de fond, qui n'a pas attendu le Covid-19.

Mais il n'y a pas que ça. Les Parisiens, désormais reconfinés pour la troisième fois, semblent avoir pris toute la mesure de l'inutilité d'une vie qui ne produit rien. Les appartements ? Hors de prix, achetés à crédit dans une ville devenue insalubre, ou bien trop loin d'un inaccessible centre-ville. Le périphérique ? Interminable pour les automobilistes, dangereux pour les deux-roues, il sépare les riches des pauvres, dans un enfer de tours et un lacis de bretelles couvertes de déchets. Les transports en commun ? Chers, vétustes, dangereux, ils sont aussi l'emblème de l'absurdité des « gestes barrières », qu'il faut absolument appliquer… sauf quand on ne peut pas les appliquer !

Leurs métiers, enfin, sans doute la partie la plus risible de toute cette affaire : on a longtemps cru que les boulots du tertiaire étaient le fin du fin. Vous savez, les métiers comme « conseiller clientèle », « responsable marketing », ces nirvanas pour formations commerciales de seconde zone. On découvre maintenant que ces bullshit jobs peuvent être faits à distance, que la machine continue à tourner sans « présentiel » et que, peut-être, toutes les histoires de culture corporate, de réunions impossibles à manquer, d'apéritifs sans aucune spontanéité, n'étaient que l'auto-animation dérisoire d'une société où l'on s'étourdit pour ne pas s'ennuyer.

Un vrai métier, en somme, c'est un métier que l'on peut expliquer à ses enfants. Un métier que l'on trouve dans Babar : peintre, maçon, tailleur, soldat, charpentier, musicien, ce sont des métiers, par exemple. Tout comme un foyer, ce n'est pas simplement « une maison sans balcon, sans toiture/Où y a même pas d'abeilles sur les pots de confiture », comme le chantait, avec son inimitable mélancolie, Francis Cabrel dans « Répondez-moi ».

Et si, en fin de compte, le confinement était, pour les cadres urbains, la libération des fausses images de la Caverne, comme dans le mythe platonicien ? Si cela pouvait au moins ouvrir les yeux des Parisiens, ce serait le meilleur et le plus inoffensif des vaccins !

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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