Les Polonais, qui ont renversé le communisme, vont-ils laisser faire ? (2/2)

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Suite de l'article publié le 3 février.

Deuxième acte de ce qui ressemble franchement à un putsch sur les institutions : alors que des procureurs ont ouvert des procédures contre les agissements visiblement illégaux du ministre de la Culture à l’égard des médias publics, le ministre de la Justice Adam Bodnar, ancien chef de la Fondation Helsinki des droits de l’homme (co-financée par les fonds sorosiens) et ancien médiateur des citoyens (nommé par les libéraux juste avant leur défaite électorale de 2015), limoge le procureur national. Suite aux réformes du PiS, le ministre de la Justice est aussi procureur général (comme c’était déjà le cas avant les premiers gouvernements de Tusk de la période 2007-2015). Sentant le risque d’une défaite, le PiS avait récemment institué un procureur national à la tête d’un parquet national, échelon intermédiaire entre le procureur général et les parquets du pays. Pour le limoger, le ministre de la Justice-procureur général doit obtenir l’accord du Premier ministre et du président de la République. Ce n’est pas très joli de la part du PiS d’avoir fait cela, mais il l’a fait en toute légalité, conformément aux règles d’un État de droit, par le vote d’une loi au Parlement. De surcroît, cela allait dans le sens des demandes de la Commission européenne qui protestait contre le contrôle direct du parquet par le ministre de la Justice.

Plus d'une centaine de procureurs limogés

Bodnar, lui, a commandé une opinion juridique qui explique que la nomination du procureur national était empreinte d’un vice de forme et qu’elle n’était donc pas valide, et il se sert de cette opinion juridique pour limoger le procureur sans demander son avis au président Duda. Bien entendu, Duda conteste la décision, de même que le procureur national, qui considère être toujours dans ses fonctions avec, derrière lui, un grand nombre de procureurs. Le ministre Bodnar en a déjà limogé plus d’une centaine, mais pour nombre de juristes, ces limogeages qui ont court-circuité le procureur national légitime sont sans effet.

On craint l’anarchie judiciaire et l’anarchie tout court, car si le procureur national n’était pas légitime, il va falloir relâcher un certain nombre de criminels pour vice de forme. Et s’il était légitime, ce sont les décisions de son remplaçant nommé par le ministre Bodnar qui vont être contestées et conduire à la libération ou la non-condamnation de criminels. La Pologne pourrait, ainsi, se rapprocher des standards des démocraties libérales d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, où règne une insécurité grandissante.

Quant aux verdicts du Tribunal constitutionnel où siège tout naturellement une majorité de juges nommés par une majorité PiS (chacun des quinze juges est un expert du droit élu pour un mandat non renouvelable de neuf ans à la majorité simple de la Diète, et le PiS a gouverné pendant huit ans), la nouvelle majorité gaucho-libérale n’en reconnaît tout simplement plus la légitimité. Quand la majorité PiS s’était trouvée, en 2016, en conflit avec le Tribunal constitutionnel dominé par les juges nommés par les libéraux, les mêmes assuraient qu’il fallait appliquer sans broncher tous les jugements de ce tribunal. Pour ce qui est de la Cour suprême polonaise (qui est, en fait, une Cour de cassation), la nouvelle majorité reconnaît uniquement les jugements qui l’arrangent.

Ainsi, lors de l’arrestation mouvementée, le 9 janvier, de deux anciens ministres du PiS pour une affaire dans laquelle ils avaient été graciés par le président Duda en 2015, le gouvernement de Donald Tusk a considéré qu’ils avaient été automatiquement déchus de leur mandat de député après leur condamnation par une cour d’appel en décembre (en dépit d’un jugement du Tribunal constitutionnel qui avait confirmé le droit du président de les gracier après le jugement en première instance, ce qui aurait dû mettre fin à la procédure judiciaire). La Cour suprême a, certes, invalidé la décision du président de la Diète constatant la déchéance de leur mandat. Qu’à cela ne tienne ! La chambre de la Cour suprême ayant invalidé cette décision avait été créée par les réformes du PiS, et la nouvelle majorité estime qu’elle n’est pas légitime non plus. Pourtant, c’est la même chambre qui valide le résultat des élections. Sa décision validant les élections du 15 octobre remportée par la coalition conduite par Donald Tusk a curieusement été reconnue, elle, par la nouvelle majorité.

Violation de la séparation des pouvoirs

Quoi qu’il en soit, le président de la Diète a donc transmis l’appel des deux députés contre sa décision directement au président d’une autre chambre de la Cour suprême, peuplée de vieux juges qu’il sait favorables à la nouvelle majorité. C’est totalement illégal et c’est une violation de la séparation des pouvoirs ainsi que du droit des deux députés du PiS (dont l’un est le vice-président du parti) à un procès équitable. La chambre en question, qui est la chambre du Travail et des Affaires sociales, a confirmé la décision du président de la Diète malgré les protestations de la présidente de la Cour suprême. En vertu de la loi en vigueur en Pologne, cette chambre du Travail et des Affaires sociales n’est en effet pas habilitée à statuer sur cette question. Et alors ? Et alors, rien. C’est comme ça et puis c’est tout.

Tout le discours de l’Union européenne et de nos hommes politiques français et européens ainsi que de nos grands médias sur l’État de droit menacé en Pologne comme en Hongrie n’était que prétexte : ce qui intéressait tous ces gens-là, c’est un changement de régime.

En Amérique, le camp gaucho-libéral cherche à empêcher Donald Trump de se porter à nouveau candidat en s’appuyant sur des procureurs et des juges militants. En Allemagne, on débat d’une interdiction du principal parti d’opposition dont les dirigeants sont déjà tous mis sous écoute. En France, Darmanin multiplie les dissolutions d’associations qui n’ont pourtant pas enfreint la loi et ne commettent pas de violences. La dérive autoritaire de la démocratie libérale ne se limite pas à la Pologne, mais avec Donald Tusk, la Pologne prend désormais les devants. Les Polonais, qui avec les Hongrois ont fait tomber le communisme, vont-ils laisser faire ou ces deux peuples seront-ils aussi ceux sur lesquels ce nouveau libéralisme autoritaire et totalitaire va se casser les dents ?

Olivier Bault
Olivier Bault
Directeur de la communication de l'Institut Ordo Iuris

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Espérons que vous ayez raison et que Donald Tusk sera mis en échec en Pologne !
    Espérons que les Polonais comprendront, avant qu’il ne soit trop tard, que l’identité et la Foi de leur peuple est mise en danger par les européistes qui les gouvernent.
    Espérons surtout qu’ils ne seront pas les prochains à être immolés sur l’autel de la finance anglo-saxonne et envoyés se faire tuer sur le front ukrainien. A la Grâce de Dieu !

  2. L’Europe est devenue un vrai patchwork de pays qui sous le vocable de démocraties cachent des vérités bien surprenantes. Le tout dirigé par une technocratie bruxelloise d’inspiration néo stalinienne qui n’enchante guère les ex satellites de l’ex URSS. Tout cela n’engendre pas l’enthousiasme.

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