Les pompiers de Paris postillonnent en parlant !
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Quand j’étais enfant, il y a bien longtemps de cela, nos bons maîtres et nos bonnes maîtresses nous apprenaient des expressions types et amusantes (on dirait « fun », de nos jours) comme celle qui sert de titre à ce billet pour prononcer les P, par exemple !
Il y avait aussi la terrible phrase à débiter le plus vite possible : « Trois fûts, six caisses, deux doigts dans le trou du fût, la main entre les caisses. »
Nos pauvres petites têtes blondes n’ont plus l’occasion ni l’utilité de prononcer correctement les P : il ne doit plus y avoir de postillons. Interdit ! Verboten! Il y a le masque, ce nouvel accessoire obligatoire censé protéger de tout en nous priant de garder pour nous nos vilains postillons.
Alors que depuis des mois et des mois, on nous bassine les mêmes « débats », sur les mêmes sujets, avec les mêmes interlocuteurs qui s’écharpent avec de plus en plus de violence, on parle peu ou pratiquement pas de la principale victime collatérale de tous ces balbutiements : la jeunesse. La jeunesse de 3 à 30 ans !
Dans une interview au magazine suisse L'Illustré, Boris Cyrulnik rappelle qu’au carnaval de Venise, ce masquer permettait des débauches sexuelles, puisqu’on ne savait plus qui était qui. Le masque, outre sa fonction de protection indubitable, a une fonction beaucoup plus pernicieuse : celle de la dissimulation. On ne sait plus qui est qui, en effet. À la limite, on ne veut même plus le savoir.
Je vais vous raconter une expérience personnelle que doivent aussi vivre mes « collègues ». Quand j’ai repris mes cours en septembre (une population de jeunes de 18 à 24 ans), nous étions en pleines mesures barrières, personne ne pénétrait dans mon centre de formation sans masque, sans être testé au niveau de la température, sans s’être désinfecté les mains. Très vite, je me suis rendu compte que je ne savais pas « à qui j’avais à faire » puisque je n’avais jamais vu leur visage « pour de vrai en entier ».
Quand est venu le temps du « distanciel », c’est-à-dire des cours en visioconférence, la première chose que j’ai demandée à mes étudiants, c’est de brancher leur caméra et d’enlever leur masque pour que je voie enfin leur visage, puisse les reconnaître, interpréter leurs mimiques, bref, « avoir un contact » !
Mais quel paradoxe : impossible d’échanger « normalement » quand on a les gens en face ou tout près de soi, possibilité de le faire, mais de façon virtuelle, quand on est face à un écran ! De quoi devenir fou et ne plus avoir la moindre conscience du réel… Tous les éducateurs, entraîneurs sportifs, professeurs, formateurs avec qui je discute sont unanimes : de plus en plus « difficile de les tenir » quel que soit leur âge et leur niveau.
Alors l’inévitable réaction, c’est soit la « débauche », d’où ces réunions clandestines pour « faire la fête » et se contaminer allègrement, soit le repli sur soi, la résignation et, donc, la déprime.
Selon une étude de Santé publique France de novembre, on note une augmentation significative des troubles dépressifs dans l’ensemble de la population (de 10 %, fin septembre, à 21 %, début novembre). Les hausses sont observées chez les plus jeunes (+16 points chez les 18-24 ans et +15 points chez les 25-34 ans). De quoi s’inquiéter.
Ou alors rejoindre Pierre Dac et Francis Blanche et leur fameux Parti d’en rire. Mais sans postillonner, bien sûr. Et pourtant, le mot « postillon » est un polysème : ce postillon qui sème potentiellement la mort, c’est aussi le conducteur de l’attelage !
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