[L’ÉTÉ BV] Les Yeux de Mona : derrière le succès littéraire, la supercherie idéologique

Capture d'écran France Inter
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Tout l'été, BV vous propose de relire certains articles de l'année écoulée. Ici, des nouvelles de notre civilisation.

On aurait dû se méfier... Alors que, ce jeudi 29 mai, les Éditions Albin Michel s'apprêtent à fêter les 200.000 exemplaires vendus du « roman phénomène » (Télérama), « livre que le monde entier s'arrache » (Le Figaro), « top des ventes en France », Les Yeux de Mona, d'un certain Thomas Schlesser, chevalier des Arts et des Lettres, historien de l'art, écrivain et directeur de la fondation Hartung-Bergman, a fait l'unanimité des critiques littéraires, suscitant l'engouement médiatique jusque dans les milieux réputés les plus conservateurs. L'intrigue est séduisante : Les Yeux de Mona met en scène une jeune fille de dix ans menacée de cécité que son grand-père entraîne à la découverte de 52 œuvres d'art : « Plus qu'un roman d'initiation à l'art, un conte universel », applaudit La Croix. De quoi appâter les éducateurs de bonne volonté en quête d'outils culturels pédagogiques.

La grande supercherie : plaidoyer pour l'euthanasie et formatage des esprits

Seuls quelques esprits aiguisés, trop rares, comme Iris Bridier dans ces colonnes (ou le journal France catholique), ne se sont pas laissés marabouter : derrière une écriture soignée, Thomas Schlesser s'est livré là - avec un remarquable sens du tempo politique - à un véritable plaidoyer pour l'euthanasie. Mais ce n'est pas tout.

C'est un père de famille qui a alerté BV. Stupéfait de l'engouement des « milieux cathos » pour Les Yeux de Mona - victimes, malgré eux, du rouleau compresseur orchestré par les Éditions Albin Michel - et soucieux « d'ouvrir les yeux de ceux qui se sont laissés berner par les critiques positives, passant à côté de la supercherie de l'ouvrage qui constitue un conditionnement intellectuel, véritable plaidoyer idéologique pour de jeunes lecteurs », il s'est livré à un travail remarquable, critique et factuel (« Les yeux de Mona, anatomie d'une tromperie ») grâce auquel il démontre, extraits du livre à l'appui, « qu'aucun effort n’est épargné pour achever de détruire dans l’imaginaire des enfants les quelques fondements qui subsistent d’une société faussement traditionnellement représentée à travers la relation grand-père/petite-fille ». Depuis l'initiation de la très jeune fille à des œuvres contemporaines à évocation pornographique (notamment les sculptures de Niki de Saint Phalle) jusqu'aux thèmes sociétaux abordés - toujours dans un certain sens (avortement, féminisme, dénonciations des « campagnes très violentes des milieux conservateurs », etc.) - en passant par la magie et l'ésotérisme à travers le talisman porté par l'héroïne préféré à la médaille de la Vierge qui - enseigne l'aïeule disparue à sa petite-fille - « ne représentera plus jamais rien pour elle ».

Notre interlocuteur critique ajoute avoir été particulièrement choqué par « la recommandation totalement sidérante à un enfant qui n'a jamais vu d'œuvre d'art » du même Thomas Schlesser lorsque, invité sur le plateau du Figaro, il conseille la découverte d'une certaine Marina Abramović, « artiste à scandale » à ses yeux.

Marina Abramović : la référence artistique de l'univers Thomas Schlesser

Curieux modèle artistique pour des jeunes, en effet. Qu'on en juge : en 1974, celle qui se dit la « grand-mère de la performance artistique » lance sa carrière en livrant son corps au public pendant six heures, « permettant aux participants de violer et de profaner son corps comme ils l’entendent », « ses blessures pouvant être mises en parallèle avec le sacrifice du Christ sur la croix ». En 1997, pour protester contre les guerres de Yougoslavie, elle s'enferme durant quatre jours pour nettoyer un tas d'os sanguinolents puis, en 2012, organise ses propres funérailles avant de collaborer avec Lady Gaga Elle est accusée de satanisme aux États-Unis, et pour cause : c'est une habituée de repas cannibales qu'elle met en scène avec des poupées baignant dans des sauces rouges.

La liberté de l'art au prix des cathos 

Cet attrait de Thomas Schlesser pour Marina Abramović aurait dû en alerter plus d'un. Ses positions idéologiques aussi. Dans le passé, celui qui est aussi l'auteur de L'Art face à la censure est épris de liberté artistique absolue. Au point de se ranger du côté de ceux qui pratiquent blasphème et insulte de la religion, pourvu qu'elle soit catholique. En 2011, lors de l'affaire Piss Christ à Avignon - du nom de ce crucifix baignant dans le sang et l'urine réalisé par Andres Serrano, qu'il qualifiait d'« œuvre très belle », « plongée dans l'urine qui lui donne cette radiance extraordinaire » -, Thomas Schlesser dénonce l'acte de vandalisme des jeunes protestataires, y voyant une « recrudescence du phénomène de l'iconoclasme et du vandalisme » de la part de « catholiques intégristes ». Et lorsque, la même année, la pièce Sur le concept du visage du fils Dieu (dans laquelle une toile du Christ projetée sur scène est la cible d'excréments lancés par des enfants et un vieil homme incontinent) est interrompue par les protestations de croyants, il s'inquiète : « Lorsque la liberté d'expression devient action violente, on tombe dans la simple censure religieuse », comparant la France « relativement épargnée jusqu'à il y a peu » à la Russie.

Une appétence de Thomas Schlesser pour les thèmes religieux univoquement catholiques qui interroge. En 2004, il publiait La Vierge maculée, un roman « mettant en scène la Vierge dans des situations scabreuses »...

Comment, dès lors, expliquer l'engouement d'une certaine presse pour Les yeux de Mona ? Notre lanceur d'alerte avance l'explication : « Les médias cathos se sont laissés influencer par les critiques positives, peu de critiques littéraires ont réellement lu tout le livre. » Par ailleurs, précise-t-il, « l'ouvrage a bénéficié d'une campagne de promotion hors norme avec une volonté délibérée de le promouvoir très largement. Dès avant sa parution au mois de janvier en France, Les yeux de Mona avait déjà été traduit dans 32 langues et des articles en amont annonçaient un énorme succès. » Une question demeure : pourquoi les Éditions Albin Michel ont-elles jeté leur dévolu sur ce livre entre mille ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 18/07/2024 à 12:34.

Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Albin Michel, pour se faire pardonner ses précédentes parutions de Zemmour ou de de Villiers en rajoute en se vautrant dans un wokisme effrené. Merci de nous avoir prévenu. On aurait pu se laisser avoir.

  2. J’ai toujours une méfiance extrême vis à vis de livres récents et qu’on nous présente comme des chefs d’œuvre. Seul le temps peut faire le tri. Et donc je m’abstiens d’acheter.

  3. Peut on en conclure que seuls des esprits libres sont encore capable de discernement quand les professionnels de l’édition et de la presse sont corrompus. Et certains, les mêmes, veulent supprimer les réseaux sociaux?

  4. Maintenant, il faudra qu’il se lance dans un livre sur mahomet qui retrace la vie de ce prophète dans le même style qu’il relate la vie de personnages du catholicisme,, qui sera lui aussi traduit dans toutes les langues et bénéficiera d’une promotion explosive, tout particulièrement sur le service public. Mais ça, ça suppose un peu de courage et je doute que ce personnage en ait.

  5. Qui a fait de la propagande pour ce livre et qui a payé pour cette propagande , voilà la question à se poser et quand on aura la réponse on risque de ne pas être plus surpris que ça .

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