L’esprit du rugby

rugby

« Avec la Coupe du monde de rugby 2023, les coqs frétillent, la France sportive resplendit […], s’élance dans une grande farandole sportive. Le rugby, ce jeu où l’on respecte les arbitres, où, si l’on reste au sol, c’est qu’on est mort, où la tribune chante quand le terrain danse, où l’on bataille rudement avec l’adversaire sur le chemin lumineux de la fraternité, le rugby va ouvrir son bal. » La grand-messe de l’Ovalie approche et la voix de Daniel Herrero nous enchante déjà. Son talent de conteur, sa faconde, son pouvoir d’évocation y sont pour beaucoup, mais le rugby, ce sport si pimenté, plein de singularités, qui est bien plus qu’une discipline sportive, a de quoi, en lui-même, nous fasciner. Il a sa propre géographie, ses terroirs, ses légendes, ses rituels, son langage. Toulouse, Bayonne, Wellington, Cardiff et mille autres. Autant de chants, de traditions, de styles, mais un même cœur : ovale.

Sur le terrain

Drôle de sport s’il en est. Qu’est-ce que ce jeu où l’on se pousse, s’empile, se bourrine, se rudoie, se bagarre, se percute, se donne des coups de dents, des coups de tête, de « courge dans les côtelettes » ? C’est encore autorisé, cela, sous nos latitudes, à notre époque ?

Celui qui n’y voit qu’une mêlée informe et brutale, violente et grossière, un sport de brutes virilistes, pourra toujours trouver de quoi se donner raison. Mais celui qui y discerne une trame intelligente, de la noblesse, est sans doute plus près du vrai. En passant le parvis d’un stade, on entre non pas dans le champ de la friction mais de la fusion. Car le collectif est une loi essentielle, fondamentale, du rugby. Il est toute son âme.

Sans le groupe, sans le « tas fusionnel solidaire », comme le baptise Herrero, c’est un sport absurde. Dans un face-à-face, bloc contre bloc, le porteur du ballon doit courir, droit devant, seul. En face, quinze sauvages qui grognent, l’écume aux lèvres, les yeux injectés de sang. Personne ne peut en sortir indemne. Mais on y va, on fonce, parce que le groupe est derrière. On pourra fendre la ligne, comme la proue pénètre les eaux, parce que l’on s’appuie sur du solide, bien soudé, et parce que, grâce à la règle de l’en-avant, le relais suivra, nécessairement. En intégrant l’équipe, on signe là-dessus un contrat de solidarité. Il suffit de respecter cette grande loi morale. Tout est là.

Ce sport a été inventé pour que le corps joue, s’active, s’éprouve et souffre, avec une dose de rudesse, mais dans l’entraide, le partage, le soutien. Il faudra se rentrer dedans, mais pour s’affronter soi-même plutôt que de régler des comptes, pour prendre la mesure de son courage, repousser ses limites, se donner aux autres et compter sur l’équipe.

Dans les gradins

Tout autour de la lice, sur les travées, la foule riante et joyeuse joint sa ferveur au combat des quinze. Sans son seizième homme, l’équipe doute, se sent faillible. Mais quand les chants jaillissent de dizaines de milliers de poitrines, comme un gave pyrénéen, la revoilà galvanisée. Le rugby a besoin de ces mots portés par la mélodie. Des chants de chez nous, des chants d’ici. Des chants graves, des chants tristes, solennels, entraînants, gais, exaltants. Les chants du folklore basque, béarnais, landais. Les chants de France et de Navarre.

Et cette foule bariolée donne un spectacle qui n’est pas moins beau. Tout le monde y affiche avec naturel un air local. Un béret vissé sur le caillou, un verre à la main, les accents du patois aux lèvres. Le visiteur n’est pas un étranger, un danger parqué derrière des grilles. Il pourra brandir ses couleurs, et si quelque fâcheux s’avise de passer le seuil des bravades innocentes, il sera gentiment rabroué en ces termes : « Tiens-toi bien, garçon ! On n'est pas au foot ! »

Alors, oui, place au rugby, le jeu le plus sociable du monde. Et pour reprendre l’annonce solennelle du héraut de l’Ovalie Herrero : « Place aux grandes joutes ! Aux matchs épiques et aux élans enthousiastes ! »

Jean de Lacoste
Jean de Lacoste
Journaliste stagiaire à BV, étudiant en master d'histoire du droit.

Vos commentaires

16 commentaires

  1. Si vous ne connaissez que peu le rugby et que vous souhaitez l’apprécier, un conseil : coupez le son de tf1et montez celui de Sud Radio !
    vous verrez, ça n’a rien à voir !

  2. Vive le Rugby ! Allez les bleus ! Allez le XV ! Allez les petits ! Comme disait, affectueusement, le regretté Roger Couderc.
    La Fête sera belle.

  3. Et pendant ce temps l’invasion migratoire continue de plus belle. De même pour l’appauvrissement des Français, combien ne mangent pas à leur faim, combien ne pourront pas se chauffer cet hiver. Heureusement, il y a le rugby pour faire oublier tout ça.

  4. Je regarde les matchs de rugby à treize en Australie, il n’y a pas de saucisson et de pinard mais le spectacle est là aussi.

  5. Merci pour ce beau texte.
    Vous auriez fait la paire avec Antoine Blondin ou Roger Couderc qui vont nous manquer ( comme les 3 mousquetaires étaient 4).
    Le rugby, chez nous dans le sud, c’est un art de vivre qui se combiné avec la corrida, la pelote, les sorties dans nos Pyrénées, le fromage du pays, ..
    On y emmène les enfants sans crainte de se faire bousculer dans les tribunes ni en dehors, beaucoup de matchs se refont autour d’une (ou même deux) bières.
    On se quitte en s’eng….lant parce que l’un préfère un tel alors que l’autre pense qu’il est moins bon qu’ un autre, que l’Aviron est une meilleure équipe que la Section (ce qui est faux comme chaque personne ayant un minimum de bon sens sait)
    Bref ce qui fait le sel de la vie, des relations humaines faites de chaleur et de respect.

  6. Monsieur Jean de Lacoste vous faites la part belle au rugby, à l’ovalie en général et c’est tant mieux, mais évitez de mettre le sieur Herrero en haut de l’affiche, il ne fut pas toujours auréolé de l’aura que vous lui prêtez;

  7. Aucune comparaison avec le foot , le rugby est encore un sport qui n’est pas gangréné par le fric et les joueurs sont bien de chez nous .

  8. Poussons comme un seul homme derrière le XV de France. Que cette Coupe du Monde soit belle. Que le jeu soit beau. Les clowns tristes de LFI ne nous empêcheront pas de nous régaler à l’avance des combats à venir.

  9. L’esprit du rugby que l’auteur décrit est celui des images d’Epinal. Le monde du rugby est devenu très refermé sur lui-même et s’imagine (à force de l’entendre dire) détenir les valeurs suprêmes. Je ne me retrouve plus dans ce milieu.

    • Je partage votre sentiment. Depuis 1995, le rugby a vendu son âme. Seuls le rugby amateur partage encore un esprit sain.

      • Attention, il y a aussi un tri à faire dans le rugby amateur entre les clubs formateurs et les clubs qui construisent une équipe premières avec des rémunérations déguisées…au détriment de la formation. Cela dit, la FFR ne récompense pas les clubs formateurs ou alors de façon symbolique…Ici comme ailleurs, on ne fâche pas monsieur, non, on ne fâche pas.

    • Parfaitement resumé, vous avez tout compris. C.est le sport des clochers, de la France saucisson pinard, de la camaraderie, de la rigolade, ou, si on se prend au serieux sur le terrain, on degonfle vite une fois en dehors!!!
      Quelle plaisir que de le regarder a la tv, apres 34 ans passées sur le pré. Et le respect, une des valeurs qui le caracterise et que tout vrai français revendique. Alors vive le XV de France,

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