L’État bafoué à Notre-Dame-des-Landes : jusqu’à quand ?

Nous vivons une époque de paradoxes. Au nom de la libre circulation des personnes, érigée en droit fondamental par l’Union européenne, vous pouvez décider ce soir, sur un coup de tête, de partir pour Milan ou Berlin comme vous le feriez pour aller à Nantes en partant d’Angers. Pas de tampon, de visa, de douanier qui va vous faire déballer votre valise sur la chaussée comme au temps du Corniaud. Et c’est très bien. Au nom de ce même droit, c’est aussi ce qui a permis au djihadiste du marché de Noël de Berlin, en 2016, de franchir plusieurs « frontières », de passer par la France pour, finalement, aller se faire abattre par la police à Milan. Et c'est moins bien.

Dans le même temps, on découvre qu’un mouvement, que l’on pourrait qualifier d’anarchiste, a interdit le tronçon d’une route départementale durant plus de cinq années. Je veux parler, évidemment, du chemin départemental 281 qui traverse la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. En effet, c’est le 5 novembre 2012 que le président socialiste du conseil départemental de Loire-Atlantique a pris un arrêté interdisant la circulation sur cette route entre Vigneux-de-Bretagne et Notre-Dame-des-Landes, soit une portion d’itinéraire de sept kilomètres, et ce, pour des raisons de sécurité. On le comprend quand on voit les images qui rappellent celles que l’on pouvait voir sur les routes de l’ex-Yougoslavie durant les années 90. Check-points, abattis, carcasses de bagnoles. Ne manquaient que les mines.

Le 18 janvier dernier, ce président, Philippe Grosvalet, écrivait sur son blog : "Cela fait plus de cinq ans que je demande à l’État d’y assurer la liberté de circulation des habitants de la Loire-Atlantique." Le mandat Hollande. Tout un symbole : la non-décision, le recul de l’État. Plus de cinq ans que les « gens » - comme dit Mélenchon, qui applaudit l’action des zadistes - doivent faire un détour de plusieurs kilomètres. Qui leur paiera le surcoût de carburant quand tout se calcule aujourd’hui ? Qui réparera, plus simplement, le préjudice fait à cette liberté de circulation, « droit fondamental » ? Personne, évidemment.

Alors, depuis le début de la semaine, les médias nous présentent sous un jour quasiment sympathique le déblaiement de la voie. On se donne rendez-vous, on prend le café avant d’en mettre un coup, on travaille collectif et on trie sélectif. À défaut d’être responsable, on est écoresponsable. Mais l’État bafoué impunément durant des années, tout le monde s’en moque. Pendant des siècles, l’État capétien, napoléonien, républicain n’a eu de cesse que son autorité soit respectée partout en France. Il a combattu impitoyablement les bandits de grand chemin. Sous l’Ancien Régime, le pire des châtiments leur était réservé : la roue. Terrible époque, avouons-le. L’État ne plaisantait pas avec son autorité. Souvent, d’ailleurs, ces malandrins, comme Cartouche ou Mandrin, se drapaient dans le manteau de la lutte sociale. Voler aux riches pour donner aux pauvres. Aujourd’hui, on négocie avec l’État, le préfet. On se bat pour que l'État de fait devienne l'État de droit. On pose ses conditions comme on pose des chicanes. Des chicanes, du reste, il y en aura sans doute devant les tribunaux. Pas pour la route mais pour les terrains occupés illégalement durant des années.

Toujours sur son blog, Philippe Grosvalet déclarait : "Abandonnée depuis 5 ans, la RD 281 a été détériorée, voire sabotée d’après les renseignements des services de gendarmerie." Quelles suites judiciaires ? "Son niveau de dégradation est tel qu’il est inenvisageable de la rouvrir à la circulation sans des travaux lourds, coûteux et complexes qui nécessiteront du temps." Lundi 22 janvier, il mandatait un huissier pour constater les dégâts. Les zadistes l'en ont empêché. M. Grosvalet estime le montant des travaux à un millions d’euros et ne veut pas payer la facture. On le comprend. Qui paiera, alors ? Enverra-t-on la note à ceux qui ont bloqué la route ? Évidemment non.

Versailles n’était pas qu’une vitrine pour faire la roue devant un parterre de belles personnes. Versailles était le lieu d’où partaient, inflexibles, les décisions de l’État. C’est ce qu’on attend de MM. Macron et Philippe, depuis Paris ou d'ailleurs. Mais rapidement.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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