Lettre ouverte à Notre-Dame
Notre-Dame,
Mercredi dernier, je vous quittais après la messe, non sans avoir dit une courte prière devant cette statue de vous portant l’Enfant, Dieu incarné. Cette statue que j’aime, que je ne manque presque jamais de saluer quand je viens dans votre cathédrale parisienne.
Elle est si belle, votre statue, si gracieuse. Dispensatrice de grâces.
Mercredi dernier, cette prière était peut-être nonchalante. Celle d’un fils qui refuse de s’inquiéter pour l’avenir. Celle d’un enfant confiant, plein de la certitude que rien n’atteindra jamais sa mère des cieux. Comment aurais-je pu imaginer qu’un tel drame surviendrait ?
La toiture de votre écrin est devenu un brasier immense, qui laisse une nef dévastée. Dieu merci, il n’y a pas eu de pompier ou de personne gravement blessée dans le combat contre ces flammes. Merci à eux et à tous ceux qui ont lutté contre ce feu.
Un ami écrivait, commentant une photo de la flèche transformée en brasier : « Si l’enfer devait être représenté... » Je ne sais pas si l’on peut étalonner l’horreur sur une échelle dont l’enfer serait le pire. Nos imaginations sont sans doute défaillantes, et tant mieux.
Vos enfants d’ici seront privés de vos lumineux visages qui veillaient sur chaque messe. Si votre sanctuaire est sauvé, et l’espoir en est permis, peut-être que je ne pourrai plus y retourner avant qu’il ne soit complètement restauré.
Oh, vous avez d’autres sanctuaires splendides en France : Strasbourg, Chartres, Reims, d’autres écrins de pierre où vos enfants viennent vous trouver, vous remercier d’avoir dit oui à cette folie d’enfanter Jésus, notre Sauveur, et d’accepter d’être notre mère à tous.
Les églises de pierre ou de briques finiront toutes par tomber un jour, même Vézelay ou Sainte-Sophie. Que reste-t-il de Cluny ? L’art du tailleur de pierre comme celui du charpentier, du sculpteur ou du maître verrier défie le temps, mais le temps finira par gagner.
Et puis, si s’attacher à une église de pierre nous empêche d’être pleinement une des pierres de l’Église de chair, alors nous voilà devenus des matérialistes qui avons grand besoin de conversion. Mais cela n’empêche pas l’immense tristesse.
Sur une photo publiée, dès mardi matin, de ce champ de ruines, la Croix de votre Fils sur l’autel brille, intacte. Sur le côté, dans la pénombre, on vous distingue portant votre enfant, épargnés vous aussi. Le coq qui surplombait la flèche est bien cabossé, mais entier. Il y a des signes.
Parmi les signes, il y a ce peuple qui se rassemble et qui prie, qui interrompt sa prière pour applaudir un camion de pompiers et reprend sa prière. Saint Ignace disait « Prie car tout dépend de Dieu, mais agis comme si tout dépendait de toi. »
Nos sens ont besoin de tout ce qui fait la splendeur d’une cathédrale : la lumière qui traverse les vitraux, le son de l’orgue et des hymnes, le goût de l’hostie, l’odeur de l’encens, la dureté du sol où nous nous prosternons pour adorer votre Fils.
Parce que votre Fils a déjà triomphé au matin de Pâques, il nous faut rebâtir votre sanctuaire. Non parce qu’il sera beau, mais parce que ce beau dont j’espère que nous serons capable nous tournera vers votre Fils.
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