L’honneur d’un lord ne transige pas avec l’heure !
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Alfred de Vigny disait que "l’honneur, c’est la poésie du devoir". Il semblerait que Lord Michael Bates, ministre britannique du Développement international, fasse grand cas de cette poésie puisqu’il "a présenté sa démission après avoir eu une minute de retard lors d’une session à une Chambre des lords, mercredi. […] En raison de ce (petit) retard, il n’a pas pu répondre à une question qui lui était adressée. À la fin de la séance, il a pris la parole pour présenter ses “sincères excuses” pour son “manque de courtoisie” et a indiqué qu’il démissionnait avec “effet immédiat”" (Europe 1).
Certains cyniques hexagonaux – qui lisent sans doute avec émotion le récit de la fête de la Fédération en refusant de vibrer au souvenir du sacre de Reims, selon une phrase fameuse de l’historien Marc Bloch – y verront une posture anachronique d’aristocrate. Il faut toutefois reconnaître qu’il y a là un certain panache à déposer sa carrière au pied de la Couronne pour un retard d’une minute.
Il est vrai que le retard est une tradition bien française chez nos dirigeants, et l’on se souvient de ceux, proverbiaux, de François Mitterrand, alors Président en exercice, faisant notamment attendre une kyrielle de chefs d’État pour les commémorations du cinquantenaire du débarquement en Normandie, en 1994. Retards intentionnels en ce qui concerne ce roué personnage : "Il était capable de faire trois fois le tour d’un pâté de maisons pour ne pas arriver, comme le vulgum pecus [le commun des mortels ou la multitude ignorante], “pile à l’heure”" (Libération).
À sa défense, François Mitterrand ne fut pas le seul à posséder cette notoire incorrection. En novembre 2004, Jacques Chirac s’était, par exemple, payé le luxe d’arriver avec une demi-heure de retard au château de Windsor où une cérémonie, célébrant le centenaire de l’Entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne, était organisée par la reine Élisabeth II en personne, connue quant à elle pour sa ponctualité, l’exactitude étant la politesse des rois – et reines –, selon la formule de Louis XVIII.
Lord Michael Bates, sujet de Sa Majesté, s’est peut-être exagéré sa faute mais il a eu la notable courtoisie de la reconnaître publiquement et d’en accepter le prix à payer.
Rassurons-nous, tout est bien qui finit bien : "La patronne de l’opposition travailliste à la Chambre des lords l’a appelé à ne pas démissionner. “Une excuse de la part de Lord Bates est tout à fait suffisante”, a-t-elle déclaré [ajoutant] que “c’était un léger manque de courtoisie dont chacun d’entre nous peut-être occasionnellement coupable”" (Europe 1).
La démission du ministre a été, par ailleurs, refusée par Downing Street. Lord Michael Bates a donc sauvé et son poste et son honneur !
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