L’IA française bientôt sous-influence des Émirats arabes unis ?

Data center - Licence creative commons StockCake
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Alors que s'ouvre le Sommet de l'intelligence artificielle (IA) au Grand Palais, à Paris, Emmanuel Macron multiplie les annonces. Dans un communiqué daté du 6 février dernier, l'Élysée a scellé une alliance d’envergure avec les Émirats arabes unis : un centre de données colossal verra le jour en France, portant l’ambition de propulser le pays sur l’échiquier mondial de l’intelligence artificielle. Une manne évaluée à 30 milliards d’euros, une promesse de puissance numérique, mais aussi un pari qui interroge. Si Emmanuel Macron salue un jalon stratégique face aux mastodontes américains et chinois, le positionnement des Émirats arabes unis fait débat, alors même que ce projet s’inscrit dans un plan d’investissements plus global.

Lors d’une visite en février 2024, l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al-Thani, avait lui aussi annoncé un investissement de 10 milliards d'euros en France d'ici 2030, visant notamment l'intelligence artificielle. Ces initiatives, si elles renforcent les atouts technologiques français, révèlent aussi une stratégie d’influence de ces puissances du Golfe, dont l’impact sur la souveraineté française reste à mesurer.

Un data center aux dimensions hors normes

Officialisé lors d’un dîner de travail entre Emmanuel Macron et Son Altesse Cheikh Mohamed Bin Zayed Al-Nahyan, président des Émirats arabes unis, le projet scelle un pacte aux allures de grand dessein technologique « qui comprend des investissements dans l’IA française et émiratie, l’acquisition de puces de pointe, des centres de données, le développement de talents ainsi que la mise en place d’ambassades virtuelles de données pour permettre la mise en place d’infrastructures souveraines d’IA et de cloud dans les deux pays ». La construction d'un monstre de calcul doit faire de la France un empire numérique.

Mais derrière l’enthousiasme, des ombres planent. L’implantation d’une infrastructure critique entre des mains étrangères suscite des inquiétudes. Les Émirats, acteurs majeurs des technologies de surveillance et de cyberdéfense, pourraient-ils voir dans ce projet une porte dérobée vers des données stratégiques ? Le soupçon de dépendance numérique vient ternir l’image d’une France souveraine en quête d’autonomie technologique.

Investissements empoisonnés ou juste pari sur l’avenir ?

Contacté par BV, un ingénieur des Mines, normalien et docteur spécialiste des questions liées aux interfaces cerveau-machine qui tient à rester anonyme, voit ce projet d’un bon œil : « À première vue, cela ressemble à un échange de bons procédés : il n'est pas précisé d'éventuelles concessions côté français, commente-t-il, avant d’ajouter tout de même : D'habitude, ce sont plutôt des entreprises technologiques qui investissent dans la construction de data centers ; qu'il s'agisse ici d'un pays est plutôt étonnant. » La volonté affichée d’Emmanuel Macron de faire de la France un fleuron capable de rivaliser avec les États-Unis et la Chine en matière d’intelligence artificielle est un bon signal, d’après l’expert, qui estime que « l'investissement des Émirats est peut-être tout simplement un pari financier sur le long terme. On peut supposer que la France est l'endroit, en Europe, où les entreprises IA seront les plus développées. »

D’autres chercheurs se montrent plus réticents. Dans un texte publié dans les pages « Opinions » de nos confrères de La Tribune, Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, s’inquiète du traitement des données qui seront contenues dans ces data centers. « L'Élysée a-t-il confondu souveraineté et surveillance numérique ? », s’interroge le chercheur. En clair, avec la réalisation de ce big data center par les Émirats, Paris est-il bien sûr de contribuer à l'autonomie numérique tant souhaitée et défendue par Macron ? Il y a de quoi, franchement, s'interroger. « Les Émirats sont une société militaire et excellent dans toutes les nouvelles technologies de guerre. » Une question demeure : quelles contreparties françaises à de tels investissements ? Réponse probable en mai prochain, au Sommet Choose France.

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Permettez qu’on doute d’un tel projet sachant qu’on est incapable de mettre en place un réseau concurrentiel fac à X (Tweeter) ou Tik Tok !! Nos informaticiens qui n’ont rien à envier aux Américains ou aux Chinois, travaillent presque tous pour des sociétés étrangères, parce que rémunérés à leur valeur. Quand nos polititocards auront compris ça, on pourra parler d’IA.

  2. Pour quelles contreparties en effet il est bon de se poser la question. J’ esquisse une réponse. Pour un renforcement de la main mise des Emirats sur la France, pour laisser prospérer l’ islam même le plus radical dans les couches de la société. Et in fine faire de la France une succursale de ces pays, France Emirates.

  3. Inquiétant.Surtout quand on regarde l’exemple donne ce jour par Sonia Mabrouk à midi..Ne jamais oublier que l’intelligence artificielle n’est pas une cerveau c’est juste un mode de » restitution de données sous forme de synthese » .Elle ne peut que restituer que ce qu’on y a mis,en termes de contenus,mais aussi d’opinions.Ainsi on peut qualifier d’intelligence une réponse qui ne tient pas compte d’une réalité parcequ’elle n’a pas été programmée.. par exemple: la préférence nationale..si on entre dans la machine que c’est mal sans autre option..elle restituer que c’est mal,et on nous dira que c’est  » l’intelligence artificielle un  » totem » qui l’a dit…

  4. Combien celà va t’il coûter aux français , quel sera le prix a payer pour le peuple . Quel profit personnel pour Macron . ce n’est pas ainsi que l’on protège la souveraineté d’un pays . Et d’ailleurs tout ce que fait Macron fera souffrir le peuple tôt ou tard , peuple qui paiera cher ses folies et ses décisions .

  5. Pour avoir vécu 10 ans aux émirats arabes unis.
    Leur fond souverain est le 3ème au monde .
    Déjà , investissement dans les processeurs ADM , les fabrications de matériaux composites aero.
    Leur administration numérique est plus avancée que la nôtre.
    Toutes les démarches administratives se font en ligne sécurisé par votre carte d’identité biométrique.
    La vidéosurveillance dans les rues permet de sortir la nuit , pour une femme seule.
    Ce pays est plus sûr que le Japon .
    Une immigration triée et contrôlée.
    Effectivement l’internet est contrôlé, difficile d’accéder a des sites pornographiques, les islamistes sont surveillés, les frères musulmans sont interdits.

    • Dubaï reste aussi cependant le refuge confortable des trafiquants de tous poils et mafias internationales pourchassés par la justice de leurs pays. On reparlera de la « positivité » des E.A.U. quand ils accepteront de livrer ces malfaisants aux États-victimes demandeurs…

      • A nous de faire des demandes d’extradition qui tiennent la route juridiquement .
        Ce qui fut le cas des 2 dernières extraditions .
        Aux émirats, les dealers risquent la peine de mort , au mieux 30 ans de prison..
        J’y ai pas vu de dealeurs aux sorties des écoles..

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