Libertarisme sociétal, la faute à Rousseau ?
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L’investiture de Joe Biden à la présidence des États-Unis signe le grand retour du camp démocrate et libéral dans le marigot médiatico-politique, d’un bout à l’autre de l’Atlantique ; pour ne pas dire l’énième retour du libertarisme sociétal, de l’idéologie selon laquelle « interdit d’interdire » doit signifier subrepticement « faites ce que je vous dis, mais ne dites pas ce que je fais », ou de l’amoralité qui se pare de moraline. Sadisme et rousseauisme.
« Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire. Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau », faisait chanter Hugo à son Gavroche. Comme si la liberté pouvait être menacée par l’égalité : chronique du mythe républicain, le libéralisme n’ayant jamais, dans les faits, contredit durablement l’égalitarisme, car la chute de la royauté française avait généré deux gauchismes, celui de l’égalité des droits et celui de l’égalité des revenus. Libertarisme et socialisme.
« Juger des discours des hommes par les effets qu’ils produisent c’est souvent mal les apprécier », avait affirmé Rousseau. Or, c’est oublier que les idées, virales par essence, sont faites pour muter : se construire des passerelles vers des superficiels contraires. En effet, quand on songe à l’écologisme, la théorie du genre, l’indigénisme et la langue inclusive, on peut penser que Rousseau n’a rien à voir avec ces ultimes tentatives d’extension de la nature humaine. Pourtant, si ces dernières sont faites à un niveau tel, aujourd’hui, c’est précisément en vertu des droits de l’homme. En l’occurrence, le meilleur ennemi de Diderot avait écrit « Commençons par écarter tous les faits », dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. « Ce n’est pas une légère entreprise de démêler ce qu’il y a d’originaire et d’artificiel dans la nature actuelle de l’homme, et de bien connaître un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais », précisait-il, en marquant sa différence avec l’état de nature hobbesien et lockéen. Un Éden sur Terre.
L’homme serait naturellement innocent et solitaire : sociable uniquement après coup, ou « naturellement bon », mais dans une perspective amorale. Un animal asocial, intégralement égal à autrui, en dépit des différences physiologiques. Il est « naturellement pacifique et craintif, au moindre danger son premier mouvement est de fuir ; il ne s’aguerrit qu’à force d’habitude et d’expérience ». In fine, « faites l’amour, pas la guerre » avant l’heure. D’où une transversale rendue possible vers Sade, après que la bourgeoisie a voulu s’approprier la luxure des monarques de tous les âges. D’où le succès pérenne d’une philosophie dans le boudoir, le tabou sempiternel de l’inceste pouvant, alors, voler en éclats : « Jamais un acte de possession ne peut être exercé sur un être libre […] N’ayez plus d’autre frein que celui de vos penchants, d’autres lois que vos seuls désirs, d’autre morale que celle de la nature », estimait le libertin marquis dans Français, encore un effort si vous voulez être républicains.
En définitive, de la tête aux pieds, l’égalitarisme n’est pas moins une politique libérale-libertaire qu’une politique républicaine. Entre cercles mondains et débauche, entre lobbies et chienlit…
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